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Moyen-Orient - Diplomatie

Ce qu’il faut retenir de la visite de Macron en Algérie

Après des mois de crise entre Paris et Alger, le président français a clôturé, samedi, son déplacement de trois jours dans le pays afin de relancer les relations bilatérales.

Ce qu’il faut retenir de la visite de Macron en Algérie

Le président français, Emmanuel Macron, aux côtés de son homologue algérien, Abdelmadjid Tebboune, à l’aéroport d’Alger le 27 août. Photo AFP

Après plus de dix mois de tensions – notamment liées aux questions mémorielles sur la guerre d’Algérie et la colonisation française – entre Paris et Alger, le président français, Emmanuel Macron, a rencontré, du 25 au 27 août en Algérie, son homologue Abdelmadjid Tebboune en vue de renforcer la coopération entre les deux pays. Voici les principaux points à retenir de cette visite.

Réconciliation symbolique entre la France et l’Algérie

Annoncée au premier jour de la visite du chef de l’État français en Algérie, le 25 août, et entérinée samedi, la signature solennelle d’une « déclaration commune pour un partenariat renouvelé et ambitieux » a officiellement scellé la réconciliation entre Paris et Alger, après des mois de tensions. Cette déclaration avait été ajoutée à la dernière minute au programme du président français. Soixante ans après la fin de la guerre en Algérie, le voyage était fortement symbolique. Il s’agissait, en outre, du second déplacement dans le pays d’Emmanuel Macron en tant que président. Une visite lors de laquelle il aura rencontré son homologue algérien à trois reprises. Loin de la crise qui avait tendu les relations entre les deux pays à l’automne dernier, les deux présidents ont tenu à afficher jusqu’au bout la bonne entente retrouvée. Peu avant la fin de son déplacement, samedi, Emmanuel Macron a ainsi été raccompagné avec les honneurs militaires à son avion par le président algérien Abdelmadjid Tebboune. Les deux hommes se sont salués la main sur le cœur.

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En septembre 2021, les propos d’Emmanuel Macron accusant le système algérien « politico-militaire » d’entretenir une « rente mémorielle » avaient provoqué une vive réaction du côté des autorités algériennes, qui avaient immédiatement rappelé leur ambassadeur à Paris avant d’interdire, le lendemain, aux avions militaires français de survoler le territoire algérien pour rejoindre le Sahel.

Au terme d’une visite « excellente et réussie », selon les mots d’Abdelmadjid Tebboune, les deux présidents ont affiché leur volonté d’aller désormais de l’avant en signant, samedi, la déclaration d’Alger en vue d’« inscrire leurs relations dans une dynamique de progression irréversible ». Un rapprochement qui « n’aurait pas été possible sans la personnalité même du président (français) », a ajouté Abdelmadjid Tebboune, qui a poursuivi en indiquant que les deux pays allaient pouvoir « agir ensemble dans beaucoup de domaines en dehors de l’Algérie et la France ». Les deux dirigeants se sont d’ailleurs engagés, en vertu de la déclaration commune, à se retrouver tous les deux ans dans le cadre d’un « Haut Conseil de coopération ».

Dossier mémoriel algérien

Au premier jour de sa visite, le président français a annoncé, à l’issue d’entretiens avec son homologue algérien, la création d’une commission mixte d’historiens visant à « regarder l’ensemble de cette période historique (...) du début de la colonisation (1830) à la guerre de libération, sans tabou », grâce à la consultation des archives des deux pays. Une commission qui « pourrait être installée dans les 15 à 20 jours » à venir, selon le président algérien, et qui sera d’abord consacrée aux « premiers temps de la colonisation avec leur dureté, avec la brutalité de ces événements », mais également aux « disparus (algériens et européens pendant la guerre) », a indiqué Emmanuel Macron.

En janvier 2021, un rapport qui avait été commandé par le dirigeant français à l’historien Benjamin Stora en vue de favoriser « la réconciliation entre les peuples français et algérien » avait été largement critiqué par Alger, alors qu’il préconisait une série d’« actes symboliques », mais « ni excuse ni repentance ». À l’occasion de cette visite, de nombreux Algériens attendaient d’ailleurs des excuses de la part d’Emmanuel Macron pour la colonisation ainsi que pour ses déclarations de septembre dernier qui étaient allées jusqu’à questionner l’existence d’une « nation algérienne avant la colonisation française ».

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Samedi, de passage à Oran (nord-ouest de l’Algérie) pour y visiter un sanctuaire chrétien et une boutique du label Disco Maghreb – légende du Raï –, le président français a d’ailleurs essuyé quelques critiques et insultes lancées au milieu d’une foule d’Algériens en colère. Lors d’un bain de foule improvisé par Emmanuel Macron, des interpellations telles que « Va te faire foutre ! », « La France mange notre pays » ou encore « On est contre la France, car elle nous fait beaucoup de mal » ont pu être entendues.

Nouvelles coopérations bilatérales

– Question des visas

Attendue par Alger, la question des visas français octroyés aux Algériens a été au cœur des développements annoncés par Emmanuel Macron. Évoquant un « partenariat nouveau pour et par la jeunesse », Emmanuel Macron a ainsi annoncé l’acceptation de 8 000 étudiants algériens supplémentaires cette année (ils sont près de 30 000 actuellement), en échange d’une coopération plus rigoureuse d’Alger dans la lutte contre l’immigration clandestine.

Le dossier avait constitué l’un des points de friction entre les deux pays à l’automne dernier. Tandis qu’il reprochait au gouvernement algérien son refus de rapatrier ses ressortissants en situation irrégulière en France, le dirigeant français avait alors sanctionné en représailles l’Algérie, le Maroc et la Tunisie en réduisant de 50 % le nombre de visas accordés aux ressortissants algériens et marocains et de 30 % ceux octroyés aux Tunisiens.

– Plan sécuritaire

Quelques jours après le départ du Mali des derniers militaires français, neuf ans après le lancement de l’opération Barkhane, Emmanuel Macron a plaidé pour « un renforcement du partenariat avec l’Algérie (qui partage 1 400 km de frontières avec le Mali, NDLR) » dans la lutte contre les jihadistes au Sahel. Et ce, notamment afin d’« éviter que des mercenaires puissent fleurir dans la région, en particulier ceux de Wagner », une organisation privée russe proche du Kremlin, qui dément toutefois tout lien avec ces combattants. Des propos qui ne sont pas anodins, alors que Moscou est le premier fournisseur d’armement d’Alger et l’un de ses alliés traditionnels. Comptant sur Alger pour sa contribution à la stabilisation de son voisinage immédiat, notamment au Sahel et en Libye, le président français s’est d’ailleurs assis autour d’une table, vendredi, avec son homologue algérien, ainsi que leurs chefs d’état-major des armées et du renseignement extérieur respectifs. Une première depuis l’indépendance de l’Algérie, amenée à être renouvelée aussi souvent que nécessaire, selon leur déclaration commune.

– Plan énergétique

Face à certaines critiques reprochant au président français d’avoir fait de la question des approvisionnements algériens en gaz l’une des priorités de sa visite, Emmanuel Macron a tenu à se défendre. « La France dépend peu du gaz dans son mix énergétique. À hauteur de 20 %. Et dans cet ensemble, le gaz algérien représente 8 à 9 %, Nous ne sommes pas dans la situation de plusieurs pays où le gaz algérien peut changer la donne », a-t-il assuré. Le président français a cependant tenu à remercier Alger pour avoir « accru ses livraisons via le gazoduc Transmed à l’Italie, permettant d’améliorer la diversification de l’Europe », sous-entendu au détriment de la Russie. Plus de six mois après le début de la guerre en Ukraine, M. Macron espère ainsi que l’Algérie prenne ses distances avec Moscou au profit des Occidentaux.

– Divers domaines

Au-delà de ces questions, les deux puissances ont promis de donner « un nouvel élan » à leurs relations économiques dans le cadre d’un « partenariat équilibré dans l’intérêt des deux pays ». Celui-ci touche notamment aux domaines du numérique, des énergies renouvelables, des métaux rares, de la santé, de l’agriculture et du tourisme. D’autres coopérations ont été annoncées sur les plans culturel et sportif, incluant de nombreux projets pour la jeunesse à l’instar d’aides aux entrepreneurs.

Omissions

Au terme de la visite du président français, la diaspora algérienne en France a fortement regretté que la question des libertés et des détenus d’opinion en Algérie ait été occultée. Avant son déplacement, 13 organisations de la diaspora algérienne avaient rédigé une lettre à l’intention d’Emmanuel Macron afin de lui demander d’évoquer le sujet des droits humains avec son homologue algérien. Interpellé sur cette question au cours de son voyage, le dirigeant français s’est contenté d’affirmer : « Les cas dont j’ai parlé sont les cas que nous connaissons. J’ai fait part de la manière dont je voyais les choses, qui est toujours celle de la transparence, des libertés publiques et de leur respect. » Et d’ajouter, sans plus de détail : « Je sais que (Tebboune) y est sensible. Ces cas se régleront en plein respect de la souveraineté algérienne et du chemin qu’il aura à mener. » Selon le Comité national pour la libération des détenus (CNLD), près de 250 personnes sont encore détenues dans des prisons algériennes pour des délits d’opinion.

Après plus de dix mois de tensions – notamment liées aux questions mémorielles sur la guerre d’Algérie et la colonisation française – entre Paris et Alger, le président français, Emmanuel Macron, a rencontré, du 25 au 27 août en Algérie, son homologue Abdelmadjid Tebboune en vue de renforcer la coopération entre les deux pays. Voici les principaux points à retenir de...

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Un effort de mémoire? La France a déjà posé de multiples actes de repentance pour des crimes qu'elle n'a d'ailleurs, pas toujours commis. On attend encore - et probablement pour longtemps - les signes avant-coureurs, des prémices de l'ébauche du commencement d'une action réciproque qui rappellerait les atrocités commises par le FLN.

Yves Prevost

07 h 13, le 29 août 2022

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  • Un effort de mémoire? La France a déjà posé de multiples actes de repentance pour des crimes qu'elle n'a d'ailleurs, pas toujours commis. On attend encore - et probablement pour longtemps - les signes avant-coureurs, des prémices de l'ébauche du commencement d'une action réciproque qui rappellerait les atrocités commises par le FLN.

    Yves Prevost

    07 h 13, le 29 août 2022

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