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Économie - Mais comment font les Libanais ?

Fady, employé d’une entreprise US, envisage de quitter le Liban

En trois ans de crise, la livre libanaise a perdu plus de 95 % de sa valeur. De 1 507,5 livres le dollar, le billet vert s’échange désormais au-delà des 30 000 livres sur le marché libre. Les salaires en livres ne suivent pas. Les dépôts en banque sont soumis à des restrictions. Les devises sont la clé pour s’en sortir. Le Liban s’effondre, la chute est violente et loin d’être terminée. Dans ce contexte, une question revient souvent : « Mais comment font les Libanais ? » Cette question, nous l’avons posée à certains d’entre eux. Ils ont accepté de nous dévoiler leurs comptes. Aujourd’hui, Fady*, développeur de logiciels pour une entreprise américaine, s’en sort grâce à un salaire entièrement payé en dollars frais. Mais son avenir, il ne le voit plus au Liban.

Fady, employé d’une entreprise US, envisage de quitter le Liban

Photomontage réalisé par Mark Mansour

Depuis la maison de ses parents dans la région de Dbayé (Metn), Fady n’a besoin que de son ordinateur et d’une bonne connexion internet pour travailler. Employé depuis neuf mois en tant que développeur de logiciels pour une compagnie américaine dont il préfère taire le nom, ce Libanais de 22 ans admet faire partie des chanceux qui, en ces temps de crise au pays du Cèdre, perçoivent la totalité de leur salaire en « dollars frais ». Ces devises qu’il reçoit en espèces lui permettent de vivre sa vie « sans restrictions ». « Mais je fais attention à ne pas dépenser plus que je ne devrais », précise-t-il. Son salaire de 1 400 dollars par mois vaut aujourd’hui 44,8 millions de livres libanaises, au taux du marché évalué dernièrement à 32 000 livres, et contre un équivalent d’avant-crise fixé à 2,1 millions de livres selon la parité officielle de 1 507,5 livres le dollar. Un salaire en livres qui a donc été multiplié par plus de vingt, la monnaie nationale ayant perdu plus de 95 % de sa valeur depuis le début de la crise, il y a trois ans. « J’ai la chance d’avoir entamé mon parcours sur le marché de l’emploi avec un tel salaire », reconnaît celui qui est sorti diplômé de l’Université libanaise en juin 2021. Et ce « qu’il y ait crise ou non au Liban ».

En vivant toujours chez ses parents, Fady arrive à économiser un peu moins de la moitié de son salaire. S’il participe activement aux frais de la maison, « rien n’est défini, tout dépend des besoins », explique-t-il. Le mois dernier, il a néanmoins décidé de calculer son budget mensuel. « Certes, mon salaire est plus que suffisant pour vivre au Liban mais, la crise se transformant au fil du temps, tout devient plus onéreux car la société “se redollarise”. » Autrement dit, les coûts se raccrochent de plus en plus à la valeur réelle du dollar.

Ainsi, Fady a évalué ses dépenses comme suit : 6,4 millions de livres pour les frais ménagers ; 2 millions de livres pour les courses alimentaires ; 2 millions de livres également pour diverses factures incluant la connexion internet et sa téléphonie mobile ; 400 000 livres pour son abonnement à la gym ; 3 millions de livres pour diverses activités de loisirs et 2,5 millions de livres pour des livraisons de repas. Le jeune salarié possède également une voiture, dont il ne paie pas l’assurance, et a dépensé 2,3 millions pour l’essence le mois dernier. « J’ai eu un aller-retour exceptionnel de six heures. Normalement, je dépense moins en transport », précise-t-il. Un total des dépenses atteignant ce mois-là 18,6 millions, soit 41,5 % de son salaire.

Ici ou là-bas

Si Fady vit donc bien, « percevoir des dollars frais ne signifie pas pour autant rester en dehors de la crise », souligne-t-il. Les files d’attente aux stations-service l’été dernier lors des pénuries de carburant dans le pays, Fady les a vécues. La pénurie de médicaments aussi. « Nous avons fait des pieds et des mains pour trouver les médicaments contre le cancer de ma tante », raconte-t-il. « Personne, dollars ou pas, n’échappe aux effets de la crise. » D’ailleurs, pour mener à bien son travail qu’il effectue donc à distance de 9 heures à 18 heures chaque jour, il a dû installer des batteries pour assurer l’approvisionnement en électricité. Avec le rationnement extrême de l’électricité publique et l’instabilité des générateurs, « nous avons également commencé à explorer l’idée d’installer des panneaux solaires, mais nous n’en sommes encore qu’au premier stade de réflexion ».

S’adapter à la crise est ainsi devenu une mission quotidienne pour Fady, à l’instar de tous les résidents du Liban. Une mission qui n’est ni impossible ni sans conséquences. « Avant la crise, jamais je ne me serais imaginé vivre autre part que dans mon pays. Aujourd’hui, quand je me projette, je me vois partout sauf ici », dit-il à regret. Grâce à son emploi actuel, Fady pourrait se relocaliser aux États-Unis ou en Europe, au sein des bureaux de sa compagnie. Mais « là-bas, c’est évident qu’un tel salaire ne suffirait pas pour vivre correctement et faire des économies, contrairement à ici ». Alors, Fady attend de voir les choses venir. Et puis, l’ambitieux jeune homme mijote un projet : créer et développer sa propre application. Ici ou là-bas, seul l’avenir lui dira.

*Le prénom a été modifié


Depuis la maison de ses parents dans la région de Dbayé (Metn), Fady n’a besoin que de son ordinateur et d’une bonne connexion internet pour travailler. Employé depuis neuf mois en tant que développeur de logiciels pour une compagnie américaine dont il préfère taire le nom, ce Libanais de 22 ans admet faire partie des chanceux qui, en ces temps de crise au pays du Cèdre, perçoivent...
commentaires (7)

Je comprend Fadi! Dans son boulot il doit suivre le courant... électrique

Wlek Sanferlou

01 h 25, le 30 août 2022

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Commentaires (7)

  • Je comprend Fadi! Dans son boulot il doit suivre le courant... électrique

    Wlek Sanferlou

    01 h 25, le 30 août 2022

  • DES FADI IL Y EN A DES MILLIERS AUX PORTES DES AMBASSADES OU A MINIEH, TRIPOLI ET QALMOUN PRETS A SE SACRIFIER EN MER POUR FUIR L,ENFER OEUVRE DES PYGMEES ET BARBUS ET DE TOUS LES CORROMPUS , VOLEURS ET MAFIEUX, PREDATEURS BANQUIERS INCLUS.

    ECLAIR

    11 h 19, le 29 août 2022

  • "… En trois ans de crise, la livre libanaise a perdu plus de 95 % de sa valeur …" -Oui, enfin elle a été ré-ajustée à sa vraie valeur plutôt… Le Liran importe presque tout, et n’importe rien. Même avec un faible taux d’imposition, il est difficile de lancer des sociétés exportatrices ici, high-tech ou autre. Il n’y a aucune infrastructure digne de ce nom. Pas d’électricité. Pas de stabilité politique. Aucune confiance de l’étranger, avec une espèce de curé chiite qui lève son doigt tous les deux jours et menace de déclencher des guerres. La seule solution trouvée par nos dirigeants est d’encourager l’émigration. 100’000 familles qui émigrent, c’est 1-2 milliards de $ d’importations en moins, et autant d’aide reçue de l’extérieur pour aider leurs familles restées ici. La plus grande faute des banques a été de prêter nos dépôts à un non-état, au lieu de l’investir dans l’infrastructure locale. Irrattrapable…

    Gros Gnon

    10 h 43, le 29 août 2022

  • Il est temp de chasser les chasseurs et rester chez soi

    Sarkis Dina

    09 h 12, le 29 août 2022

  • La jeunesse Libanaise devrait arrêter de se bercer d'illusions et de succomber au lavage de cerveau qu'elle subit. Non, l'herbe n'est pas plus verte ailleurs. Oui, même avec la crise le Liban conserve de multiples atouts pour y vivre, y travailler, y entreprendre et d'autant plus quand c'est dans le domaine de la technologie et de l'innovation. Du fait des faibles coûts de main d'oeuvre, de ses excellentes universités et de son faible taux de taxation des entreprised, le Liban est un pays très attractif pour y lancer une startup dans la tech ou linnovation. Les fondamentaux du pays sont toujours là. De nombreuses structures sont également là pour accompagner les startups. A l'inverse, lancer une startup dans l'un des pays occidentaux est beaucoup plus compliqué. Arrêtons avec le Lebanon bashing de grâce !

    K1000

    08 h 24, le 29 août 2022

  • « Certes, mon salaire est plus que suffisant pour vivre au Liban mais, la crise se transformant au fil du temps, tout devient plus onéreux car la société “se redollarise”. » Autrement dit, les coûts se raccrochent de plus en plus à la valeur réelle du dollar. C’est très vrai !!

    Bery tus

    06 h 11, le 29 août 2022

  • Mais arrêtez SVP de faire des calculs de boutiquier pour nous expliquer comment font ces jeunes Libanais pour survivre à travers cette crise monstrueuse…Il est clair que la majorité de ceux-ci ont ce coussin familial ou tribal qui leur permet de s’acheter une auto, d’avoir un appartement à l’œil en vivant chez leurs parents ou dans un appartement qui leur appartient, ne payent pas de taxes, et fort probable ne sont pas encore mariés où, s’ils le sont n’ont pas encore des enfants et continuent de vivre au jour le jour…C’est sûr que, pour l’instant, ils arrivent à bien survivre même avec l’équivalent de 1000$ par mois…Mais de là à nous faire croire que, même si la situation s’améliore ils pourraient rêver d’un avenir décent, même en touchant 3000$ par mois, s’acheter une maison, payer les scolarités ou les universités de leurs enfants, se permettre des loisirs et des voyages à gogo, et mettre de l’argent de côté pour leur retraite, dans un pays sans aucune structure sociale décente et à la dérive, on rêve en couleurs et il ne faut pas s’étonner d’une chose évidente chez ces jeunes de la classe moyenne inférieure: ils ne pensent qu’à foutre le camp au plus tôt! La catastrophe sociale du pays a atteint un seuil intolérable et, malheureusement un stade irréversible avec cette même clique de mafieux au pouvoir!

    Saliba Nouhad

    02 h 07, le 29 août 2022

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