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Chauds, les marrons !


Deux laborieuses négociations dominant l’actualité internationale et locale ; deux âpres marchandages dont on veut croire qu’ils sont, sauf accident de dernière heure, en bonne voie d’aboutir. Quasiment ensemble, comme par hasard.


Quel rapport pourtant entre le nucléaire iranien et la délimitation de la frontière maritime entre Israël et le Liban ? Simplement le fait que pour Téhéran, il y a là de quoi miser gros, avec des chances raisonnables de rafler le pot sur les deux tableaux. Quitte à voir se vérifier une fois de plus leur tendance au nombrilisme, on n’ôtera pas ainsi à de nombreux Libanais l’idée que c’est leur propre sort qui, pour le meilleur ou pour le pire, se joue aussi dans les coulisses de la conférence de Vienne.


Dans la plus rose des hypothèses, on verrait un Iran assagi, plus respectueux du droit international, modérer sensiblement ses frénésies extraterritoriales, maintenant que seraient voués à des fins strictement pacifiques les atomes des mollahs. À l’inverse, une levée des dures sanctions frappant la République islamique pourrait fort bien se traduire par une aide financière accrue aux supplétifs libanais et palestiniens de la révolution iranienne. Le pire serait toutefois qu’en échange de son renoncement définitif à l’arme atomique, l’Iran se voie agréer et reconnaître quelque droit de regard là où est solidement implantée déjà son envahissante influence (suivez le mien de regard !). L’histoire contemporaine abonde en effet de compromissions non déclarées, de lâchages et autres faux-fuyants à la Ponce Pilate scellant les ententes entre puissances antagonistes.


Passant du beau Danube à la Méditerranée, le bleu de légende n’en échappe pas moins à la prolifération des zones d’ombre. C’est ainsi que d’insistants bruits de botte viennent soudain se mêler aux fragiles promesses d’accord portées par la brise marine. Dans cet échange de messages belliqueux, l’État libanais n’a guère d’autre rôle que celui de boîte postale : une boîte délabrée de surcroît, en décomposition accélérée, à l’image, terriblement symbolique, de ces silos du port de Beyrouth. Dépourvu de gouvernement pleinement responsable, impuissant à gérer le chaos financier et socio-économique, l’État reste sourd (pire encore, muet) face aux menaces guerrières qu’échangent en ce moment le Hezbollah et Israël. Il ne vit en fait, cet État failli, que dans l’attente d’un providentiel accord frontalier que tirerait de son chapeau le médiateur américain Amos Hochstein. Et encore, un tel exploit, pourtant cautionné au départ par les trois plus hauts personnages de la hiérarchie étatique, devrait-t-il être agréé, béni par le véritable maître du jeu : Hassan Nasrallah, que l’on voit se poser en intraitable gardien des ressources libanaises, dans le même temps qu’il clame son obédience absolue à la République islamique d’Iran.


Il n’est guère difficile d’imaginer pour qui exactement sont tirés les marrons du feu. Il faut dire qu’au fil des ans, cette expression a revêtu des sens différents et même contraires, si bien qu’elle mérite, dans ce cas précis, un bref détour en terrain linguistique. Dans la célèbre fable de La Fontaine, le chat se laisse convaincre par le singe de fouiller dans la braise, au risque de se brûler la patte, pour en extraire les fruits aussitôt croqués par le malin quadrumane. C’est donc au seul profit de son compère que le félin s’est donné tout ce mal. Depuis, cette expression peut tout aussi bien signifier s’assurer habilement soi-même profit d’une situation donnée.


De quelque façon qu’on le prenne, c’est en priorité pour l’Iran que roule le Hezbollah : le problème étant que c’est le Liban tout entier qu’engage le chat en jouant avec le feu. Que la médiation Hochstein réussisse, et l’on vous affirmera qu’on le doit surtout aux énergiques avertissements et mises en garde de la milice ; que par contre éclate la guerre, c’est la fiction d’une victoire divine qui une fois de plus sera arborée, sans le moindre égard pour le prix exorbitant en pertes humaines et destructions dont elle sera probablement assortie.


Reste à rappeler enfin que jamais situation aussi invraisemblable n’aurait pu exister sans la veulerie d’une classe dirigeante obnubilée par ses propres privilèges, au point d’en oublier ses obligations premières. Jamais arraisonnement de tout un pays n’aurait été possible sans une telle concentration de politiciens et de financiers pourris, véreux, vendus ou alors qui restent toujours à vendre. De responsables marrons, c’est bien le cas de le dire.


Issa GORAIEB

igor@lorientlejour.com

Deux laborieuses négociations dominant l’actualité internationale et locale ; deux âpres marchandages dont on veut croire qu’ils sont, sauf accident de dernière heure, en bonne voie d’aboutir. Quasiment ensemble, comme par hasard. Quel rapport pourtant entre le nucléaire iranien et la délimitation de la frontière maritime entre Israël et le Liban ? Simplement le fait que pour...