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Société - Réfugiés

Le camp présidentiel relance le rapatriement de 15 000 Syriens par mois

Le plan, visiblement entravé pour des raisons politiques, est pointé du doigt par le HCR qui estime que les facteurs propices au retour des déplacés ne sont toujours pas assurés.

Le camp présidentiel relance le rapatriement de 15 000 Syriens par mois

Une file de voitures au passage frontalier de Masnaa, entre le Liban et la Syrie. Photo ANI

À près de trois mois de la fin du mandat de Michel Aoun, la question du retour des réfugiés syriens revient en force sur le devant de la scène. Lancé en juillet dernier, un plan visant à rapatrier 15 000 Syriens tous les mois est à nouveau envisagé par Baabda, malgré les critiques du Haut-Commissariat des Nations unies pour les réfugiés qui avait assuré qu’il n’était impliqué dans aucune négociation ni aucun plan visant à rapatrier en masse les réfugiés du Liban vers la Syrie. Après une première réunion lundi entre le chef de l’État et les ministres sortants des Affaires étrangères, Abdallah Bou Habib, et des Affaires sociales, Hector Hajjar, une seconde rencontre a été organisée mercredi, en présence du directeur général de la Sûreté générale, Abbas Ibrahim, afin de discuter de la mise en place du procédé de rapatriement qui devrait être organisé en collaboration avec Damas. Annoncé et discuté dans les médias par le ministre des Déplacés Issam Charafeddine, ce plan prévoit de renvoyer tous les mois 15 000 réfugiés vers leur localité d’origine. Dans la logique de ce plan, c’est Damas qui se réservera le droit de décider des villes prioritaires. M. Charafeddine, qui s’était rendu en Syrie en février dernier, affirme attendre un nouveau rendez-vous à Damas bientôt afin de mettre le projet sur les rails.

« Un demi-million en trois ans »

« Lors de ma dernière visite à Damas (en février dernier), j’ai compris que les Syriens étaient prêts à se lancer dans ce projet », assure à L’Orient-Le Jour le ministre, qui fait partie d’un comité ministériel chargé de suivre ce dossier. Ce comité comprend également les ministres sortants de l’Intérieur Bassam Maoulaoui, de la Défense Maurice Slim, des Affaires étrangères Abdallah Bou Habib, du Travail Moustapha Bayram, des Affaires sociales Hector Hajjar, ainsi que le vice-Premier ministre Saadé Chami. « J’ai suggéré 15 000 personnes par mois pour commencer. Si on arrive à respecter ce plan, on pourra rapatrier 180 000 personnes par an, soit un demi-million de Syriens en trois ans, au lieu de rester les bras croisés », affirme le ministre. Selon les chiffres adoptés par les officiels au Liban, il y aurait un million et demi de réfugiés syriens, dont 880 000 inscrits auprès du HCR. Ces dernières années, la Sûreté générale avait organisé des « retours volontaires » en partenariat avec les autorités syriennes qui avaient permis de rapatrier 87 000 personnes jusqu’en 2019, selon le ministre des Déplacés.

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Concernant la sélection des candidats au retour, Issam Charafeddine explique que Damas indiquera tous les mois les régions prioritaires. « Les autorités libanaises disposent d’informations sur les lieux d’origine des Syriens qui vivent ici. À chaque fois que Damas nous indiquera la destination, on contactera les réfugiés issus des régions choisies pour leur proposer une date de retour », explique-t-il. Ce dernier assure par ailleurs que la Syrie mettra des centres d’accueil à disposition de ceux qui rentrent au pays, « avec toutes les infrastructures nécessaires pour mener une vie décente ».

S’assurer qu’ils resteront en sécurité au Liban

Face à ce projet aux conséquences de toute évidence incertaines pour les réfugiés, le HCR rappelle qu’il ne fait pas partie, à l’heure actuelle, de toute forme de planification de retour. « Notre position est inchangée depuis l’annonce de ce plan. Nous continuons à appeler à un retour volontaire et sûr. Nous sommes en contact avec les autorités libanaises pour préserver les intérêts des réfugiés », nous assure Dalal Harb, responsable de communication au sein du HCR. « Le retour volontaire dans la sécurité et la dignité est un droit fondamental pour tout réfugié. Alors que la plupart des réfugiés syriens espèrent retourner en Syrie, ils disent au HCR qu’ils restent préoccupés par une combinaison de facteurs, notamment la sûreté et la sécurité, le logement, l’accès aux services essentiels et les moyens de subsistance... (et) jusqu’à ce que les facteurs qui empêchent le retour des réfugiés soient traités, il est crucial de s’assurer qu’ils continueront à être en sécurité et protégés au Liban », poursuit la porte-parole du HCR.

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« Le Liban accueille le plus grand nombre de réfugiés par habitant au monde et il a assumé une grande responsabilité au niveau international. La crise économique actuelle a affecté l’ensemble de la société et poussé les plus vulnérables au bord du gouffre, qu’ils soient libanais ou réfugiés. Le HCR appelle la communauté internationale à continuer de soutenir les communautés d’accueil au Liban ainsi que tous ceux qui sont dans le besoin, qu’ils soient libanais ou syriens », ajoute-t-elle. Malgré les réticences du HCR, qui estime que les facteurs propices au retour ne sont toujours pas réunis, Baabda persiste et signe, tout en rejetant tout rapprochement avec un processus de déportation déguisé. « Les déportations sont réservées à ceux qui ont des démêlés avec la justice. Dans le cadre du plan que nous proposons, il s’agit d’un retour au pays », explique à L’OLJ un proche de la présidence. Interrogé sur les risques sécuritaires que pourraient encourir certains opposants au régime, Issam Charafeddine assure pour sa part qu’« il s’agit de rumeurs colportées par les médias ». « De quoi peuvent-ils avoir peur en présence de la loi d’amnistie ? » lance-t-il. Ce qui contredit clairement les réticences exprimées par les réfugiés eux-mêmes au HCR et certaines expériences passées : en 2021, un rapport d’Amnesty International avait dénoncé des cas de torture, de viol ou de disparition forcée de Syriens rentrés chez eux après s’être réfugiés à l’étranger. Quant aux personnes identifiées par les autorités libanaises comme réfugiés politiques, Issam Charafeddine explique qu’elles disposent de deux options. « Les réfugiés politiques peuvent choisir de rentrer en Syrie et de profiter de l’amnistie, ou de recourir au HCR pour trouver refuge dans un pays tiers », indique le ministre. « Le HCR a accepté 9 000 demandes d’asile présentées par des réfugiés politiques. Seuls 5 000 d’entre eux sont déjà partis. Nous demandons l’accélération de ce processus », ajoute-t-il

Mikati en retrait

S’il assure tenir à son projet qu’il considère comme un « devoir humanitaire », Issam Charafeddine admet toutefois avoir ralenti la cadence ces dernières semaines, à cause du « peu d’intérêt » du Premier ministre Nagib Mikati pour la question. Ce dernier avait pourtant menacé en juin dernier de prendre « une décision qui n’est pas souhaitable pour les pays occidentaux, à savoir l’expulsion des Syriens du Liban », lors de la cérémonie de lancement du « Plan de réponse à la crise au Liban 2022-2023 », soutenu par les Nations unies. Ce plan vise à fournir une aide humanitaire à 1,5 million de Libanais, au même nombre de réfugiés syriens et à plus de 200 000 réfugiés palestiniens. Le Liban, lui, a demandé 3,2 milliards de dollars pour faire face à l’impact continu de la crise syrienne. « Nous avons ralenti le pas, après plusieurs tentatives d’entrer en contact avec Nagib Mikati pour lancer le processus de rapatriement. J’ai demandé une réunion avec le Premier ministre, mais ce dernier n’a pas répondu à ma requête. À un moment, il m’a dit que je faisais du bon travail mais qu’il pensait qu’il valait mieux que je limite mes déclarations à ce sujet », se désole le ministre des Déplacés. Nous avons tenté en vain de contacter un proche du Premier ministre.

À près de trois mois de la fin du mandat de Michel Aoun, la question du retour des réfugiés syriens revient en force sur le devant de la scène. Lancé en juillet dernier, un plan visant à rapatrier 15 000 Syriens tous les mois est à nouveau envisagé par Baabda, malgré les critiques du Haut-Commissariat des Nations unies pour les réfugiés qui avait assuré qu’il n’était...

commentaires (4)

"... À près de trois mois de la fin du mandat de Michel Aoun ..." - Ça va nous faire tout drôle de quitter le Liban Fort et de revenir à un Liban normal...

Gros Gnon

19 h 43, le 15 août 2022

Tous les commentaires

Commentaires (4)

  • "... À près de trois mois de la fin du mandat de Michel Aoun ..." - Ça va nous faire tout drôle de quitter le Liban Fort et de revenir à un Liban normal...

    Gros Gnon

    19 h 43, le 15 août 2022

  • Cela fait déjà combien de fois que le "camp présidentiel" relance ce sujet ? Histoire de se faire bien voir...en ces dernières semaines avant la fin de ce mandat réussi à 100%...??? - Irène Saïd

    Irene Said

    11 h 03, le 14 août 2022

  • Mme Dalal Harb et ses clones engraissés par les salaires et subventions versés par ceux qui voudraient repousser les vrais ou faux réfugiés syriens sous le tapis sociétal libanais déjà bien mité, devrait avoir honte et raser les murs au lieu de la jouer " humaniste-main-sur-le-coeur", au regard des nuisances, de l'appauvrissent et de la dangerosité que représentent ces réfugiés, il est plus que temps de les renvoyer chez eux .

    Christine KHALIL

    18 h 39, le 13 août 2022

  • Mais Mikati voyant,mais enfin.

    Le juste milieu

    14 h 58, le 13 août 2022

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