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Société - Explosion au port de Beyrouth

Liliane Cheaito, victime du 4 août, enfin réunie avec son fils

Grâce à une médiation du mufti jaafarite, la décision d’accorder un droit de visite à la jeune femme, paralysée depuis le 4 août, a enfin été exécutée.

Liliane Cheaito, victime du 4 août, enfin réunie avec son fils

Liliane Cheaito tendant son seul bras valide vers son fils de deux ans, Ali, qui lui rend la pareille, sous le regard ému de la famille. Photo Reuters

Depuis le 4 août 2020, Liliane Cheaito a subi plus d’une injustice. Depuis deux ans, la jeune femme de 28 ans est paralysée et alitée à l’hôpital. Grièvement blessée lors de l’explosion du port de Beyrouth, elle a d’abord passé plusieurs mois dans le coma. Quand elle s’est enfin réveillée, la jeune mère s’est découverte paralysée, quasiment totalement. Seule une de ses mains peut encore bouger. Elle a également perdu l’usage de la parole.

En sus de ce calvaire physique, elle a également dû faire face à une décision de son mari, Hassan Hudroj, émigré en Afrique, et de sa famille d’empêcher les visites de son fils Ali, qui n’était qu’un nourrisson au moment de l’explosion, à l’hôpital.

Quelques jours avant le deuxième anniversaire du 4 août 2020, la photo de Liliane caressant une poupée de plastique que ses parents lui avaient apportée pour tenter, vainement, de pallier l’absence de son enfant a fait le tour des réseaux sociaux et suscité une grande émotion. Ce jeudi, coup de théâtre : une nouvelle photo de Liliane a été diffusée, cette fois en compagnie de son fils Ali. Sur le cliché, la jeune maman touche son fils de sa main valide.

Selon Wissam Eid, avocat de la famille Cheaito, l’instant fut tout simplement magique. « Le visage de la mère s’est illuminé et elle lui a tendu sa main valide. L’enfant, qui rencontrait sa mère pour la première fois, l’a appelée “maman”. Un moment, nous avons tous eu l’impression qu’elle allait même pouvoir parler », raconte-t-il.

Selon l’avocat, c’est la médiation du mufti jaafarite cheikh Ahmad Kabalan qui a permis ce dénouement heureux. Mais pourquoi en fallait-il autant pour accorder à une mère, en si grande souffrance de surcroît, le droit de voir son fils ? L’histoire est complexe et Me Eid relate un long processus semé d’embûches.

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« À la base, il faut savoir que le tribunal chérié jaafarite avait accordé à la mère un droit de visite dès 2021, dit-il. Or les parents du mari ont refusé de mettre cette décision en application et n’ont pas remis le garçon aux parents de Liliane, sous prétexte de craintes pour sa santé en période de pandémie. Nous aurions pu solliciter les forces de l’ordre pour la faire exécuter, mais nous n’avons pas voulu infliger cette épreuve à l’enfant. De plus, la belle-famille de Liliane a présenté un recours devant l’assemblée générale de la Cour de cassation contre la décision du tribunal jaafarite, or cette assemblée ne se réunit que très rarement et souffre actuellement d’un manque de quorum. »

Les grèves successives au sein de l’appareil judiciaire ont également entravé l’action entreprise par les avocats des Cheaito, et l’affaire a été gelée durant plusieurs mois. « En février 2022, les avocats des deux familles, Wissam Eid et Hiba el-Hage pour les Cheaito, et Ali Rahal pour les Hudroj, se sont réunis sous la houlette du cheikh Kabalan, poursuit Me Eid. La belle-famille a alors promis que le mari de Liliane, qui rentrait d’Afrique deux semaines plus tard, réglerait tout. Or cela n’a pas été le cas. » C’est à ce moment-là que les Cheaito ont eu recours aux médias pour plaider la cause de Liliane.

Interrogé par L’OLJ, Ali Rahal, l’avocat des Hudroj, avance principalement l’argument des risques sur la santé de l’enfant et de la mère, qui ont retardé cette réunification. « Quand l’explosion a eu lieu, Ali n’était qu’un nourrisson, dit-il. Aucun hôpital, et particulièrement l’AUBMC, n’aurait autorisé des visites d’un enfant aussi petit, et ce d’autant plus en période de pandémie. Il s’agit de standards mondiaux qui visent à protéger l’enfant autant que le malade. » Selon Me Rahal, le mari de Liliane a même insisté auprès de l’hôpital, qui a refusé à maintes reprises. « Aujourd’hui, l’enfant a deux ans et la pandémie est moins violente qu’avant, donc les visites sont devenues envisageables », assure-t-il.

S’il s’agissait surtout d’une question de santé, pourquoi ce recours contre la décision du tribunal jaafarite ? « Cette décision, au moment où elle a été prise, était inapplicable pour les raisons que j’ai données », répond-il. Il ajoute que le couple n’a pas divorcé et que le mari tient à sa femme, avant de se féliciter de la dissipation du malentendu entre les deux familles.

Le droit de visite sera-t-il respecté dorénavant ? Quelles garanties pour Liliane à l’avenir ? Son avocat est confiant. « L’enfant rendra visite à sa mère une fois par semaine. Je crois que pour elle, ce sera la meilleure des thérapies », affirme-t-il. Me Rahal, pour sa part, estime que « c’est une question humanitaire plus que juridique à ce stade ». « Il y aura des visites régulières, cela fera du bien à l’enfant et à la mère », ajoute-t-il.

L’avenir immédiat de la jeune femme

Si les visites hebdomadaires de son fils pourraient aider à l’amélioration de la santé de Liliane Cheaito, cette dernière a néanmoins encore besoin de beaucoup de soins. Comme tous les blessés du 4 août, notamment ceux qui souffrent de handicaps et/ou dont les cas continuent de nécessiter des soins médicaux, Liliane ne bénéficie d’aucune aide de l’État libanais, quoique victime d’une catastrophe nationale et non d’un accident individuel, et en dépit de la loi 194/2020 qui oblige le ministère de la Santé à couvrir les frais des blessés du drame, rappellent les deux avocats. Alitée dans une chambre au neuvième étage de l’AUBMC depuis deux ans, elle avait jusque-là bénéficié des aides d’une association qui relève de l’hôpital. Mais, selon sa famille, celle-ci vient de déclarer qu’il lui serait de plus en plus difficile de couvrir les frais de la malade et que ses proches doivent trouver une autre solution. Sous pression, la famille tente de se diriger vers d’autres institutions.

« Nous avons contacté le ministère de la Santé pour une couverture, il nous a dirigés vers un centre gratuit qui se spécialise en physiothérapie, précise Nawal Cheaito, sa sœur, à L’OLJ. Mais la directrice de ce centre nous a dit qu’il ne lui serait pas possible d’accueillir Liliane en raison des circonstances difficiles que traversent le Liban et son établissement, menacé de fermeture en raison d’un manque de fonds et de personnel. Elle nous a dit qu’elle pourrait lui offrir des soins à raison d’une heure par jour, mais c’est très difficile pour nous de la déplacer, et c’est insuffisant dans son cas. »

En désespoir de cause, la famille de Liliane tente dorénavant de trouver une solution hors du pays.

Depuis le 4 août 2020, Liliane Cheaito a subi plus d’une injustice. Depuis deux ans, la jeune femme de 28 ans est paralysée et alitée à l’hôpital. Grièvement blessée lors de l’explosion du port de Beyrouth, elle a d’abord passé plusieurs mois dans le coma. Quand elle s’est enfin réveillée, la jeune mère s’est découverte paralysée, quasiment totalement. Seule une de ses...

commentaires (3)

C'est de la folie

M.E

07 h 15, le 08 août 2022

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Commentaires (3)

  • C'est de la folie

    M.E

    07 h 15, le 08 août 2022

  • Cela fait naître en moi un dégout et une colère profonde !! Que faudra-t-il encore endurer pour qu'on en finisse avec cette la racaille qui est en train de sucer le sang de son peuple jusqu'à la dernière goutte !! A VOMIR !!

    Cabbabe Nayla

    13 h 42, le 06 août 2022

  • La vie pour beaucoup de libanais et libanaise a est vraiment injuste.

    Achkar Carlos

    19 h 04, le 05 août 2022

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