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Société - Commémoration du 4 août 2020 en images

À Mar Mikhaël, l’après ne sera jamais comme l’avant

Une photo datant du 4 ou du 5 août 2020, après l'explosion au port de Beyrouth. Une seconde prise au même endroit, deux ans plus tard. Entre les deux, une reconstruction, ou pas. Une lassitude, un espoir, un ras-le-bol, une impossibilité.

Photos Joao Sousa

Le trafic est toujours dense, et les coups de klaxon incessants. Les motards font toujours mine de participer à une course d’obstacles. Les piétons sautillent du trottoir à la route, et inversement, zigzaguant entre les voitures garées là où bon leur semble et les nids-de-poule qui attendent qui n’aurait pas appris à marcher à Beyrouth en regardant le bout de ses pieds.

Et puis, il y a le soleil qui brille et fait suinter les fronts, épuisant les travailleurs du quartier, ravissant les touristes. Car, à Mar Mikhaël, on parle espagnol, allemand, parfois italien, voire danois. À l’ombre d’un café, de jeunes Libanais boivent un verre, ravis de pouvoir profiter des vacances d’été. Sur les marches d’un escalier, une belle femme chuchote à l’oreille de son compagnon un secret qui restera bien gardé. De l’autre côté de la route, un passant vient en aide à un vieil homme empêtré de sa canne et de son sac de courses. Un petit groupe de costumes-cravates les salue au passage. Muni de son chapelet, un marchand assis sous un échafaudage observe les badauds. Le bâtiment qu’il occupe est en train d’être rénové. À quelques pas de lui, une dame âgée converse avec une voisine. Devant elles s’essouffle un joggeur motivé. En cet après-midi estival, une certaine sérénité a envahi le quartier. La vie y suit son cours et le temps file à toute allure. Nous sommes le 4 août 2022 et la rue d’Arménie ressemble à ce qu’elle était avant. À quelques regards près…

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« J’en suis malade », dit-il, à l’évocation des deux années qui se sont écoulées depuis que la face de Beyrouth a changé. Le jeune homme n’est pas très bavard. Il ne donnera pas son nom. À quoi bon ? Assis sur une chaise à côté des deux pompes qui ont survécu aux explosions du port de la capitale, il précise : « Malade de tout. » Il était là le 4 août 2020 quand le toit de la station s’est pratiquement effondré. Mais de cette catastrophe, il ne veut plus parler. La station, d’ailleurs, n’a pas été réparée. « Des problèmes de papier entre le propriétaire et le locataire de la station », explique son ami venu lui tenir compagnie. « D’ici à la fin de l’année, cela devrait être réglé. » En attendant, le pompiste reste posé au cœur de la destruction. Cigarette aux lèvres, à côté des pompes, il semble avoir fait une croix sur le passé. On n’ose lui demander comment il envisage l’avenir.

« D’abord, je veux la justice ! » s’exclame Siham. La dame de 63 ans est bien connue dans le quartier, surtout des jeunes. Son épicerie, située en plein cœur de la parcelle des bars, reste ouverte tard le soir. Mais, avec la crise économique aussi, « je n’ai presque plus rien à vendre », dit-elle abattue. Les images de Siham, couverte de sang devant son magasin détruit, avaient fait le tour du monde au lendemain du 4 août 2020. Depuis, le temps a passé et le monde a oublié. Son corps, lui, ne le pourra jamais. « J’ai reçu 33 points de suture », dit-elle en montrant les cicatrices sur ses bras, ses jambes et son visage. « Je veux savoir qui m’a fait ça », répète-t-elle, blâmant ceux qui empêchent l’enquête du juge Bitar d’avancer. « Tous, ce sont des menteurs et des voleurs. Tu peux l’écrire, qu’ils viennent me trouver ! J’ai vu la mort en face, ce n’est pas eux qui me font peur », s’écrie-t-elle en un souffle. Se reprenant, Siham réfléchit quelques instants. « En fait, peut-être que je veux mon argent en premier. » L’espoir de revoir un jour les dépôts perdus dans les méandres du secteur bancaire libanais semble plus sûr que de voir le travail de la justice aboutir. « J’ai payé presque 60 millions de livres libanaises pour réparer ma maison », située au-dessus du magasin. Une somme récoltée par le biais d’amis à l’étranger. « Personne ici n’est venu nous aider. L’armée nous a donné 9 millions de livres. J’ai montré aux soldats les reçus de tous les travaux effectués. Ils m’ont ri au nez. » Son mari, âgé de 79 ans, a de gros problèmes de santé. Pour elle, la vie n’est plus la même à Mar Mikhaël. « L’ambiance a changé. Tout ce que je veux, c’est récupérer mon argent pour pouvoir fermer boutique et partir sans me retourner. »

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De fait, dans la rue d’Arménie, rien n’est comme avant. Certes, la nuit a repris ses droits. Le tapage y est même redevenu rude pour les habitants du quartier. Certes, aussi, nombre de commerces ont rouvert et d’autres se sont installés. D’ailleurs, « résidents et commerçants tentent de trouver un terrain d’entente » pour que le quartier « redevienne comme avant », explique Nawaf, propriétaire du café-resto Bonavida. Mais le recto de la carte postale est rayé. Le verso, lui, n’est pas encore écrit. « Nous reviendrons », indique une pancarte commerciale. La fin de la phrase, « plus forts », est en lambeaux. L’affiche est prête à se décrocher de l’échafaudage, désormais rouillé, d’un bâtiment jamais reconstruit.

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Deux années ont passé mais, à Mar Mikhaël, les traces de ce jour funeste, lorsque des centaines de tonnes de nitrate d’ammonium ont emporté le port et les quartiers adjacents, demeurent. Une date de laquelle on a depuis retiré l’année. Hier, aujourd’hui et demain, sans la justice que réclame Siham, et tant d’autres, nous étions, nous sommes et nous resterons le 4 août. Au détour d’un recoin, quelques pavés scintillent. En leur creux, l’on dirait de la poussière de verre…

(Si vous êtes sur desktop, utilisez votre souris pour faire glisser le curseur dans les deux sens et voir les images avant et après. Sur mobile, faites la même chose avec votre doigt)








Le trafic est toujours dense, et les coups de klaxon incessants. Les motards font toujours mine de participer à une course d’obstacles. Les piétons sautillent du trottoir à la route, et inversement, zigzaguant entre les voitures garées là où bon leur semble et les nids-de-poule qui attendent qui n’aurait pas appris à marcher à Beyrouth en regardant le bout de ses pieds.Et puis, il y a...

commentaires (2)

Pourquoi Berry et Hassouna ont peur du juge Bittar????

Eleni Caridopoulou

12 h 01, le 04 août 2022

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Commentaires (2)

  • Pourquoi Berry et Hassouna ont peur du juge Bittar????

    Eleni Caridopoulou

    12 h 01, le 04 août 2022

  • Merci pour ce rappel de photos pour ne jamais oublier nos criminels reelus par le meme peuple ……

    Elime 11

    09 h 00, le 04 août 2022

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