Rechercher
Rechercher

Culture - Cinéma

« Beirut Hold’em », ou quand Beyrouth parie et joue gros sur nos émotions

Le film de Michel Kammoun, produit par Sabine Sidawi/Orjouane Productions et qui brosse le portrait de personnages de la classe moyenne, est déjà dans les salles libanaises*. Il parle d’amitié, de famille, d’amour, dans une capitale qui prend tous les risques pour survivre.

« Beirut Hold’em », ou quand Beyrouth parie et joue gros sur nos émotions

« Beirut Hold’em » : une histoire de famille, d’amitié et d’amour dans Beyrouth la turbulente. Photo DR

Tout est jeu, paris et risques dans un Beyrouth où la population vit à l’extrême dans l’intensité du moment. « Depuis des décennies, on a l’impression de vivre au maximum dans toutes les directions : le drame, la joie, la danse et même le risque. On risque tout parce qu’on sait qu’on peut tout perdre et se perdre. On valse avec le danger, et la danse est souvent morbide. Tout est hystérique et tout est extrême, car le Libanais, depuis 1990, ne sait pas de quoi est fait le lendemain. Il vit donc très intensément », observe Michel Kammoun qui a tissé son action à partir de cette idée-là. Beirut Hold’em, dont le tournage a été retardé d’abord à cause de la pandémie, ensuite à cause de la situation dramatique de Beyrouth – « le réel ayant rattrapé le cinéma, il fallait donc que je fasse une pause par décence » –, a fait sa première au Red Sea Film Festival et est enfin projeté dans les salles libanaises.

Michel Kammoun : « A-t-on droit à une seconde chance dans la vie ? » Photo DR

Un écran du réel

Le metteur en scène libanais est un raconteur d’histoires. Ses portraits sont taillés dans le réel, comme sculptés, et son action rythmée du pouls rapide de la ville. Inspiré du jeu de poker Texas Hold’em, où l’on parie à l’aveugle en prenant beaucoup de risques pour gagner, le titre évoque aussi la roulette russe. Que va-t-il advenir demain dans un pays aux aubes changeantes ? « J’ai toujours été obsédé par la question des cycles, mais aussi par la question d’une seconde chance, confie le réalisateur de Falafel. A-t-on droit à une seconde chance dans la vie ? Peut-on recommencer de nouveau en effaçant le passé ? » Le film ne donne certes pas de réponses car toutes les possibilités sont envisageables, mais il pose ses acteurs, ses personnages, sur l’échiquier de la vie et les fait avancer, vivre.

Lire aussi

Dans un Liban en crise, comment le secteur cinématographique s’en sort-il ?

Dans un pays que le fantôme de la guerre hante encore, où les bombes peuvent éclater à n’importe quel moment et dans chacune des ruelles de la capitale, un ex-prisonnier de 40 ans rentre chez lui et essaie de retrouver sa famille – des parents meurtris par la mort de son frère –, ses anciens amis ainsi que son ex-petite amie. Si tout semble à sa place, l’amitié, l’amour, tout comme l’amour familial ont cependant changé.

Michel Kammoun plante son cadre à l’hippodrome de Beyrouth, un microcosme de toutes les couches de la société libanaise. Là, des gens de la classe moyenne, assez désœuvrés, tentent par tous les moyens de se trouver une place au soleil. « Ces gens-là n’ont pas le luxe de ce que les Libanais ont communément appelé résilience car, s’ils ne se débrouillent pas, ils ne pourront pas se réveiller le lendemain », remarque le réalisateur. Les personnages de Beirut Hold’em sont des survivants et on plonge dans leur quotidien en suivant leur parcours effréné pour une vie plus digne. Et probablement pour une ville plus digne. En effet, si la bande de copains voient leur vie en miettes, la ville de Beyrouth ne semble elle aussi pas trop en forme.

Michel Kammoun aime s’entourer d’une famille de comédiens. On voit ainsi, outre Issam Bou Khaled et, Fadi Abou Samra, le comédien palestinien Saleh Bakri qui joue le rôle de Ziko avec véracité, trouvant bien sa place dans l’équation. Sa manière de les diriger crée une telle osmose que le spectateur entre de plain-pied dans le réel. Le metteur en scène avoue aimer les situations « in-between », les entre-deux. Tout n’est jamais blanc ou noir. Pour lui, les défaites ressemblent parfois à des victoires, et vice versa. Les nuances et les complexités des êtres le fascinent. Et il nous invite à sonder leur intérieur. Si certains reprocheront la succession rapide d’événements dans ce film ou trop de fenêtres qui s’ouvrent pour de nouvelles histoires, c’est parce que telle est la vraie histoire de l’actuelle Beyrouth, une ville aux mille blessures qui n’arrive souvent pas à les panser.

*Dans les salles de : Grands Cinemas (ABC Achrafié, ABC Verdun, ABC Dbayé, Galaxy), Cinemacity (Beirut Souks, Empire Première Sodeco, Empire the Spot Choueifate, Cinemall Dbayé, VOX Cinemas).

Tout est jeu, paris et risques dans un Beyrouth où la population vit à l’extrême dans l’intensité du moment. « Depuis des décennies, on a l’impression de vivre au maximum dans toutes les directions : le drame, la joie, la danse et même le risque. On risque tout parce qu’on sait qu’on peut tout perdre et se perdre. On valse avec le danger, et la danse est souvent...

commentaires (0)

Commentaires (0)

Retour en haut