Un des points positifs de la séance parlementaire d’hier, tenue en session extraordinaire, a été l’aval du Parlement pour la mise à exécution du prêt de la Banque mondiale en faveur de l’approvisionnement en blé du Liban. Un prêt à hauteur de 150 millions de dollars et qualifié d’urgent par l’institution financière qui l’avait accordé le 6 mai dernier en raison de l’arrêt des exportations de céréales d’Ukraine et de Russie, deux pays en guerre depuis fin février. Si le Conseil des ministres l’avait approuvé le 12 mai, juste avant sa démission après les élections législatives du 15 mai, il aura malgré tout fallu attendre deux mois et demi pour qu’enfin la Chambre se réunisse pour l’avaliser.
La sécurité alimentaire fait en effet partie des dossiers prioritaires depuis le début de la crise au Liban et les craintes à ce sujet se sont exacerbées depuis le conflit entre la Russie et l’Ukraine, toutes deux exportatrices majoritaires de céréales au Liban et dans la région. Lundi toutefois, l’ambassadeur d’Ukraine Ihor Ostach a informé le ministre sortant des Affaires étrangères Abdallah Bou Habib que son pays allait reprendre ses livraisons de blé au Liban « dès cette semaine », suite à la signature d’un accord avec la Russie à ce propos vendredi dernier.
Cette réouverture du transit naval à partir de la mer Noire vient donc à point nommé pour le Liban désormais doté de ce prêt de la BM qui devrait s’étendre sur « six à neuf mois en fonction des cours mondiaux du blé », selon les propos tenus par le ministre sortant de l’Économie et du Commerce Amine Salam, au cours d’une conférence de presse tenue hier en parallèle de la séance parlementaire. Un prêt qu’il a qualifié de « filet de sécurité sociale ». La BM avait en effet expliqué, suite à l’accord de mai, que ce prêt doit aussi assurer la distribution équitable et abordable du pain libanais à toutes les strates de la population résidant au Liban, dont les réfugiés syriens. Ce critère n’a pas échappé à certains députés hier, rejoints par la présidence du Conseil elle-même, qui ont dénoncé, sans aucune preuve concrète pouvant justifier leurs propos, le fait que ce prêt sera distribué « aux étrangers », sous-entendant cette catégorie marginalisée.
Le ministre a aussi « espéré » voir la mise en œuvre de ce prêt démarrer « dans les prochaines semaines », de quoi semer la panique parmi certains professionnels du secteur qui craignent une levée des subventions en conséquence. Ce mécanisme, instauré par la Banque du Liban dès le début de la crise financière, permet à la filière d’importer cette denrée essentielle grâce à un financement en devises au taux officiel (1 507,5 livres le dollar), à 100 % depuis le printemps 2021, et non au taux du marché parallèle (autour de 29 500 livres ces derniers jours).
Si des députés ont mentionné en aparté la possibilité de cette levée des subventions lors de la séance d’hier, évoquant qu’elle entraînerait la hausse du prix du pain « entre 30 000 et 35 000 livres », Amine Salam a tout bonnement démenti ces informations à L’Orient-Le Jour hier soir, sans donner plus de détails. Précédemment, le ministre avait évoqué dans nos colonnes l’idée d’une levée « progressive » des subventions mais que rien de concret à ce propos n’était encore dans les bacs.
Dans ce contexte, le député Gebran Bassil a demandé hier que le Parlement adopte une recommandation pour la fin des subventions sur le blé. « La décision de mettre fin aux subventions revient au gouvernement, ce n’est pas au Parlement de le faire », lui a alors répondu le président de la Chambre. « Nous prenons en considération la volonté du Parlement. Si vous souhaitez la levée des subventions, alors formulez une recommandation en ce sens », a rétorqué de son côté le Premier ministre désigné.
Vers une accalmie dans la crise
Au cours de sa conférence de presse, le ministre a également assuré que la crise du pain devrait connaître « une amélioration d’ici à la fin de la semaine » et qu’elle ne devrait pas perdurer étant donné que le Liban attend un cumul de « 50 000 tonnes lors des deux prochaines semaines ». Une quantité suffisante, a-t-il précisé, pour « un mois et demi », sachant que le pays consomme « 36 000 tonnes de blé par mois » pour produire le pain arabe.
Amine Salam a aussi fait le point sur la formation de la nouvelle commission chargée d’appliquer le nouveau mécanisme de suivi de distribution et d’utilisation du blé. Déjà annoncée vendredi, cette commission est présidée par le ministre de l’Économie et elle est composée de représentants des municipalités, du ministère de l’Intérieur et des Forces de sécurité intérieure, en particulier les renseignements et les douanes. Dans ce contexte, il a donc prévenu qu’aucune pénurie ne serait justifiée dans les semaines à venir. Une pique lancée à une partie des professionnels du secteur qu’il a accusés dernièrement d’être à l’origine de cette crise du pain.
Une crise ponctuée de pénuries irrégulières et disparates selon les régions, qui s’est accentuée ces derniers jours. Hier encore, de longues files d’attente ont été observées aux abords des boulangeries dans plusieurs régions du pays, tandis que les images d’une prise d’assaut d’un de ces établissements à Taalabaya (Békaa) circulaient dans les médias.
commentaires (3)
"… sachant que le pays consomme « 36’000 tonnes de blé par mois » …" - dont 15’000 tonnes pour la consommation locale, et 21’000 tonnes pour la contrebande vers le pays du syrial killer…
Gros Gnon
08 h 37, le 27 juillet 2022