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Moyen-Orient - Éclairage

Ankara hausse le ton face à Athènes

Après des signes de rapprochement, les deux rivaux de la Méditerranée orientale ont retrouvé une rhétorique agressive faisant craindre une exacerbation des différends entre ces deux pays membres de l’OTAN.

Ankara hausse le ton face à Athènes

Rencontre entre les dirigeants turc et grec, en mars 2022. Photo d’archives

Les points de contentieux sont tenaces. Depuis la reprise du dialogue entre la Turquie et la Grèce l’année dernière, les progrès vers une réconciliation faisaient pâle figure au vu des nombreux dossiers qui continuent de diviser ces deux rivaux, notamment la délimitation des frontières maritimes et aériennes, le statut de Chypre et la démilitarisation des îles en mer Égée. Suite à l’invasion russe de l’Ukraine, une rencontre à Istanbul entre le président turc Recep Tayyip Erdogan et le Premier ministre grec Kyriakos Mitsotakis mi-mars dernier avait pourtant suscité l’espoir d’un rapprochement. « Malgré les divergences entre Ankara et Athènes, nous avons décidé de garder les canaux de communication ouverts et d’améliorer nos relations bilatérales », affirmait alors la présidence turque dans une déclaration officielle. Depuis, les déclarations hostiles et gestes d’intimidation se sont pourtant multipliés, soulignant la persistance de désaccords de fond, ainsi que leur primauté sur l’unité affichée de l’OTAN face à Moscou. Si Washington peut user de son influence pour éviter une escalade des tensions entre les deux pays membres de l’organisation commune de défense, les deux États ont chacun leurs propres cartes à jouer.

« La résurgence des tensions peut être principalement expliquée par la pression politique intérieure à laquelle font face le président Erdogan et le Premier ministre Mitsotakis, alors que des élections sont censées avoir lieu dans moins d’un an », explique Alex Kassidiaris, conseiller en sécurité internationale basé à Londres. Avec une inflation annuelle qui atteignait en mai plus de 70 % en Turquie et des prévisions pour la Grèce d’une hausse des prix de 6,1 % pour 2022, liées principalement aux conséquences de la guerre en Ukraine sur les marchés des hydrocarbures et des matières premières, un mécontentement populaire se fait sentir parmi les bases des partis au pouvoir dans les deux pays. Sous pression de l’opposition, le Premier ministre grec aurait ainsi fait planer le doute sur des élections anticipées pour septembre prochain. De son côté, « Recep Tayyip Erdogan attise le nationalisme pour consolider ses faibles chances d’être élu », juge Charles Ellinas, fondateur et PDG de EC Cyprus Natural Hydrocarbons Company Ltd, alors que la popularité du reïs turc était au plus bas dans de récents sondages, face aux difficultés économiques que traverse Ankara. « J’avertis la Grèce d’éviter les rêves, les actes et les déclarations qui entraîneront des regrets. Revenez à la raison », invectivait ainsi début juin le président turc lors du lancement du plus important exercice militaire turc de ces dernières années, tout en exigeant de la Grèce de mettre un terme à la militarisation des îles de la mer Égée. Un avertissement en réponse aux déclarations d’Athènes, qui s’était plaint le mois précédent de provocations « sans précédent » en référence à ce qu’il considérait être des violations de son espace aérien par des avions de combat turcs.

Washington et l’OTAN

Inquiet des velléités réaffirmées de la Turquie en Méditerranée orientale, Kyriakos Mitsotakis a porté le dossier à Washington à la mi-mai lors de sa visite dans le bureau Ovale et au Congrès, où il a notamment appelé les élus américains à s’opposer à la vente d’avions de chasse F-16 à Ankara. Une initiative qui avait fait dire à Recep Tayyip Erdogan que le Premier ministre grec « n’existait plus pour (lui) », rompant ainsi toute possibilité de dialogue jusqu’à nouvel ordre. En marge du sommet de l’Alliance transatlantique qui s’est achevé jeudi dernier à Madrid, le président turc a ainsi refusé de rencontrer le dirigeant grec, également présent dans la capitale espagnole. Il s’est néanmoins entretenu avec le chef de la Maison-Blanche, qui a tenu à souligner « l’importance de maintenir la stabilité en mer Égée ». Les tensions entre Ankara et Athènes avaient notamment atteint un niveau dangereux à l’été 2020, lorsqu’un navire turc d’exploration d’hydrocarbures était rentré dans des eaux territoriales que la Grèce considère siennes, provoquant en réaction l’arrivée de navires militaires grecs dans la zone, avec le soutien de la France notamment. Ce n’est qu’en septembre de la même année que le navire turc s’est retiré après la mise en place d’un mécanisme de désescalade, avec l’aide de l’Alliance transatlantique. « L’appartenance de la Turquie et de la Grèce à l’OTAN rend la probabilité d’un conflit prolongé entre les deux très faible. Par ailleurs, les États-Unis tiennent vraiment à consolider l’intégrité de l’organisation, en particulier dans le contexte de la crise ukrainienne, alors que la menace russe est désormais une priorité pour l’alliance », indique Alex Kassidiaris.

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« Si les tensions gréco-turques vont perdurer, les États-Unis les maintiendront à un niveau gérable, capitalisant occasionnellement dessus, soit via une expansion militaire américaine ou par des contrats de défense importants », ajoute-t-il. Le Premier ministre grec a ainsi annoncé la semaine dernière avoir fait une demande officielle pour l’achat d’une vingtaine de F-35 auprès de Washington, tandis que l’administration de Joe Biden réitérait son approbation de la vente de F-16 à la Turquie, qui inclut également des kits de modernisation pour sa flotte actuelle, position réaffirmée après la levée par Ankara de son veto contre l’adhésion de la Suède et de la Finlande à l’OTAN. Si le contrat nécessite encore le feu vert du Congrès, il doit compenser l’interdiction faite à Ankara d’acquérir des F-35 de cinquième génération suite à l’achat de batteries de défense russes S-400.

Tandis que Washington essaie de maintenir un équilibre entre ses deux partenaires, ceux-ci s’activent depuis des années pour former des alliances stratégiques avec d’autres pays. En octobre dernier, la Grèce a notamment renforcé ses accords de défense mutuelle avec Paris. Elle avait par ailleurs établi en 2019 le Forum du gaz de la Méditerranée orientale avec Chypre, Israël, l’Égypte, l’Italie, la Jordanie, et la Palestine, rejoints plus tard par la France, afin d’exploiter le gaz naturel découvert dans la zone. Une ressource d’autant plus convoitée aujourd’hui dans le contexte de la guerre en Ukraine, ayant conduit à la flambée des prix des hydrocarbures et à la recherche par de nombreux pays occidentaux d’alternatives au gaz russe. C’est notamment avec cet objectif en tête qu’Ankara applique de son côté sa récente politique de désescalade régionale face à l’État hébreu, proposant d’exporter via la Turquie le gaz naturel israélien vers l’Europe en vue de remplacer le projet de gazoduc EastMed conclu entre la Grèce, Chypre et Israël et que Washington a enterré en janvier dernier. Malgré cette compétition, « il existe bizarrement une coopération raisonnable entre la Turquie et la Grèce s’agissant de projets énergétiques. (...) Tous les projets communs ont fonctionné et fonctionnent encore relativement bien et sans interruption, malgré les tensions croissantes entre les deux pays », nuance Charles Ellinas.

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commentaires (2)

D’ailleurs Mr. Erdogan a dit que la plus grande erreur de l’OTAN c’était que la Grèce adhère à l’OTAN . Mais oui sans l’OTAN Mr. Erdogan aurait les mains libres pour prendre les îles grecques de dodecaneses

Eleni Caridopoulou

18 h 32, le 04 juillet 2022

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Commentaires (2)

  • D’ailleurs Mr. Erdogan a dit que la plus grande erreur de l’OTAN c’était que la Grèce adhère à l’OTAN . Mais oui sans l’OTAN Mr. Erdogan aurait les mains libres pour prendre les îles grecques de dodecaneses

    Eleni Caridopoulou

    18 h 32, le 04 juillet 2022

  • INCHALLAH QUE LE DICTATEUR MINI SULTAN OTTOMAN, SEUL USANT DE RYTORIQUE ET MENACANT DE REITERER LE GENOCIDE CONTRE LES GRECS DE L,ASIE MINEURE DE 1920 CONTRE LES GRECS D,AUJOURD,HUI CAR LE PM GREC NE LUI REPOND MEME PAS EVITANT D,ENTRER DANS CE JEU DE TRES BAS NIVEAU, INCHALLAH DIS-JE QU,IL OSE S,ATTAQUER A LA GRECE D,AUJOURD,HUI POUR SE VOIR CASSER LES DENTS ET INCHALLAH LE DEMEMBREMENT DE LA TURQUIE DE CE FANATIQUE OTTOMAN QUI A FINANCE DAESCH ET TOUS LES AUTRES FANATIQUES ISLAMISTES EN SYRIE ET EN IRAQ ET AU DELA.

    LA LIBRE EXPRESSION

    11 h 04, le 04 juillet 2022

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