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Monde - ANALYSE

Le virage conservateur de la Cour suprême US commence seulement à se faire sentir

Les juges offrent une revanche à la droite républicaine.

Le virage conservateur de la Cour suprême US commence seulement à se faire sentir

Des manifestants pro-avortement devant la Cour suprême des États-Unis, à Washington, le 24 juin 2022. Jim Bourg/Reuters

Sous l’impulsion de juges nommés par Donald Trump, la Cour suprême des États-Unis a opéré un virage à droite toute dont les effets devraient se faire sentir durant des décennies.

Au cours des dix derniers jours, la plus haute juridiction des États-Unis a annulé le droit des Américaines à avorter, consacré le droit de porter une arme en public, élargi la place de la religion dans la sphère publique et drastiquement limité les moyens fédéraux pour lutter contre le réchauffement climatique.

Ces décisions, adoptées par les six juges conservateurs de la Cour au grand dam de ses trois sages progressistes, sont la première illustration d’un puissant retour de balancier judiciaire après des années plus tempérées, parfois marquées d’arrêts progressistes historiques, comme la légalisation du mariage pour les personnes de même sexe en 2015.

Avec leur solide majorité conservatrice, renforcée sous la présidence de Donald Trump, les juges offrent une revanche à la droite républicaine qui, depuis les années 1970, cherchait à prendre un véritable contrôle du temple du droit, afin de renverser certaines décisions-clés qu’elle jugeait excessives.

Au cours de la session tumultueuse 2021-2022 qui s’est achevée jeudi, la Cour a pris « un virage spectaculaire et soudain dans une direction beaucoup plus conservatrice », analyse Stephen Wermiel, professeur de droit constitutionnel à la American University. Il s’agit d’une « des rares situations où la Cour suprême a radicalement retiré des droits constitutionnels », souligne-t-il.

Polarisation

La dernière fois qu’une Cour suprême a été relativement homogène sur le plan idéologique remonte aux années 60, quand elle a adopté certaines de ses réformes les plus progressistes, rappelle Neal Devins, expert en droit à l’université William & Mary. Sous la présidence du juge Earl Warren (1953-1969), le temple du droit a radicalement changé le quotidien de millions d’Américains, mettant fin à la ségrégation, renforçant le pouvoir de l’État fédéral et jetant les bases de la décision de 1973 qui avait fait de l’avortement un droit pour toutes les Américaines. La cour d’Earl Warren était dénoncée avec véhémence par les conservateurs, de la même manière que la gauche attaque aujourd’hui les travaux de celle présidée par le conservateur John Roberts.

Mais, contrairement à aujourd’hui, les juges ne tranchaient pas forcément les décisions les plus cruciales en fonction de leurs affinités politiques supposées. Cinq des sept juges qui ont soutenu la décision de 1973 d’étendre à toutes les Américaines le droit d’avorter avaient par exemple été nommés par des républicains. Dans la Cour suprême d’aujourd’hui, les terrains d’entente entre les deux camps sont bien plus rares.

Discrimination positive, élections

Le bloc conservateur que John Roberts préside se distingue aussi par sa conviction profonde que la Cour suprême a, dans le passé, accepté d’examiner des questions qu’elle n’aurait pas dû avoir à trancher. C’est l’argument que ces juges ont utilisé pour justifier d’annuler le droit à l’avortement, estimant qu’il revenait aux électeurs de chaque État américain de trancher cette question de société.

Cette cour a aussi estimé qu’il revenait seulement au Congrès, et non à une agence gouvernementale indépendante, d’établir des normes réglementaires comme des limites d’émissions de gaz à effet de serre.

Ses détracteurs l’accusent d’ignorer délibérément la réalité sur le terrain, les États américains étant si profondément divisés, de la Californie progressiste au Wyoming conservateur.

La Cour suprême sait aussi que le Congrès, qui peine à adopter des réformes d’ampleur sur les questions de société, « ne fonctionne pas », estime Richard Lazarus, professeur de droit à la prestigieuse université d’Harvard. Et pourtant, elle « menace la capacité de l’État à garantir la santé et le bien-être de sa population, au moment même où les États-Unis et toutes les nations du monde sont confrontés au plus grand défi environnemental de l’histoire », regrette-t-il.

Il semble peu probable que le bloc conservateur de la Cour s’arrête sur sa lancée. Ses juges ont accepté d’examiner une série d’affaires potentiellement cruciales à la rentrée, portant notamment sur la discrimination positive et la façon dont sont régulées les élections.

Après 50 ans d’attente, les conservateurs « ont l’occasion de donner une orientation radicalement différente » au pays, juge le professeur Wermiel. « Ils ne vont pas laisser passer cette chance. »

Paul HANDLEY/AFP

Sous l’impulsion de juges nommés par Donald Trump, la Cour suprême des États-Unis a opéré un virage à droite toute dont les effets devraient se faire sentir durant des décennies.Au cours des dix derniers jours, la plus haute juridiction des États-Unis a annulé le droit des Américaines à avorter, consacré le droit de porter une arme en public, élargi la place de la religion dans la...

commentaires (1)

Il y a donc à boire et à manger dans ces décisions de la Cour Suprême. - Du franchement mauvais: la consécration du droit à porter jes armes. - La décision concernant l'EPA risque, certes. d'avoir des effets négatifs sur la lutte contre le réchauffement climatique, mais, comme le fait remarquer le juge Roberts, elle est malheureusement parfaitement logique: il est anormal qu'une agence indépendante puisse légiférer au nom de l'Etat. - Enfin, le retrait de l'avortement de la liste des droits constitutionnels, ne peut que réjouir les défenseurs de la vie humaine. Il était, en effet, aberrant que le même texte consacre, à la fois, le droit à la vie et celui de tuer un innocent.

Yves Prevost

08 h 27, le 04 juillet 2022

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Commentaires (1)

  • Il y a donc à boire et à manger dans ces décisions de la Cour Suprême. - Du franchement mauvais: la consécration du droit à porter jes armes. - La décision concernant l'EPA risque, certes. d'avoir des effets négatifs sur la lutte contre le réchauffement climatique, mais, comme le fait remarquer le juge Roberts, elle est malheureusement parfaitement logique: il est anormal qu'une agence indépendante puisse légiférer au nom de l'Etat. - Enfin, le retrait de l'avortement de la liste des droits constitutionnels, ne peut que réjouir les défenseurs de la vie humaine. Il était, en effet, aberrant que le même texte consacre, à la fois, le droit à la vie et celui de tuer un innocent.

    Yves Prevost

    08 h 27, le 04 juillet 2022

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