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Monde - Nucléaire

Washington et Téhéran reprennent langue à Doha

Suite aux efforts européens pour convaincre l’Iran de revenir à la table des négociations, les deux parties se sont retrouvées hier pour discuter d’un retour à l’accord sur le nucléaire.

Washington et Téhéran reprennent langue à Doha

Le ministre iranien des Affaires étrangères Hossein Amir-Abdollahian recevant le chef de la diplomatie européenne Josep Borrell à Téhéran, le 25 juin 2022. Majid Asgaripour/Reuters

Après trois mois de blocage, les pourparlers concernant l’accord sur le nucléaire iranien ont repris hier sur fond de pessimisme ambiant. Suspendues à Vienne depuis mars dernier, les discussions, auxquelles participaient jusqu’alors toutes les parties signataires du Plan d’action global commun (JCPOA) de 2015, ont repris au Qatar en cercle restreint. L’envoyé spécial américain Robert Malley est ainsi arrivé lundi soir à Doha, suivi hier par le négociateur en chef iranien Ali Bagheri-Kani, tandis que la Chine et la Russie ne sont pas représentées lors de ces pourparlers qui devraient durer quelques jours seulement. Face au risque d’escalade des tensions régionales, reflété notamment dans la récente intensification de la guerre de l’ombre entre Israël et l’Iran, et en amont de la tournée du président américain dans la région prévue à la mi-juillet, l’urgence de raviver ce processus au point mort est palpable. Alors que Donald Trump s’était retiré unilatéralement du JCPOA en 2018 avant d’appliquer une politique de « pression maximale » contre Téhéran à coups de sanctions économiques, Joe Biden a fait du retour à l’accord de 2015 une priorité de sa politique au Moyen-Orient. « Nous sommes prêts à conclure et à mettre en œuvre immédiatement l’accord que nous avons négocié à Vienne pour un retour mutuel à la pleine mise en œuvre du JCPOA », a indiqué hier à l’AFP un porte-parole de la diplomatie américaine.

Les Européens souhaiteraient quant à eux remettre le gaz et le pétrole iraniens sur le marché mondial au regard de la flambée des prix des hydrocarbures liée à la guerre en Ukraine afin de faire baisser les cours et d’accélérer le remplacement de leurs importations en provenance de Russie, selon un officiel français qui s’est confié à l’agence Reuters sous couvert d’anonymat. Pour convaincre la République islamique de revenir à la table des négociations, le chef de la diplomatie européenne Josep Borrell s’était rendu samedi dernier à Téhéran pour y rencontrer le ministre iranien des Affaires étrangères Hossein Amir-Abdollahian ainsi que le chef de la sécurité nationale Ali Shamkhani. Si une présence européenne à Doha assure la navette entre les délégations américaine et iranienne, conformément au rôle de messager endossé par Bruxelles depuis le lancement des pourparlers en avril 2021, les Qataris pourraient également aider à jouer les intermédiaires. Fort de ses qualités de médiateur, le petit émirat gazier peut se targuer d’entretenir de bonnes relations avec la République islamique et les États-Unis, auprès desquels il a obtenu récemment le statut d’allié majeur non membre de l’OTAN. Le mois dernier, l’émir qatari était aussi à Téhéran pour une visite officielle, au cours de laquelle il a notamment rencontré le guide suprême Ali Khamenei.

Blocages et pressions

« Les points d’achoppement de l’accord se situent en réalité entre les États-Unis et l’Iran, les autres parties étant plutôt favorables à ce que l’Iran retourne à l’accord, voire soit autorisé à le faire sans conditions préalables », analyse Andreas Krieg, professeur associé au King’s College de Londres. Alors qu’un accord est pourtant finalisé depuis mars dernier et prêt à être signé, des dossiers le bloquent encore, comme l’exigence de la République islamique d’obtenir une garantie sur le long terme de la part de Washington afin d’éviter qu’un changement d’administration ne conduise de nouveau à un retrait unilatéral de l’accord. « Si leurs déclarations publiques ont été très pessimistes, dans les coulisses, les Américains veulent obtenir cet accord et vont essayer de le concrétiser. Toutefois, ils ne le feront pas à n’importe quel prix, et les Iraniens vont devoir être accommodants d’une certaine manière », indique le professeur. Sur la question de la suppression du Corps des gardiens de la révolution islamique (IRGC) de la liste américaine des organisations terroristes, pour laquelle Washington réclamait en retour un engagement à une désescalade régionale, Téhéran a revu ses ambitions à la baisse, sans pour autant obtenir gain de cause. « Alors que le chef de la diplomatie iranienne Hossein Amir-Abdollahian a fait référence, lors de sa conférence de presse avec Josep Borrell, à des “bénéfices économiques”, ce nouveau cycle de discussions montrera si l’Iran a décidé de prioriser ses objectifs économiques plutôt que politiques, ou si Téhéran mettra en œuvre une nouvelle stratégie visant à prolonger davantage le processus diplomatique », suggère Ali Fathollah-Nejad, auteur et chercheur associé à l’Institut Issam Farès de l’AUB.

Une dernière option que Washington souhaiterait éviter, alors que ses alliés régionaux, craignant le programme balistique de Téhéran ainsi que ses activités régionales, augmentent la pression en vue de préparer l’après-négociations, que celles-ci aboutissent ou échouent. « Les États-Unis pourraient créer un genre de parapluie sécuritaire pour maintenir la paix avec ses alliés, tels que Israël, les Émirats arabes unis et l’Arabie saoudite en particulier. (...) Une annonce dans ce sens pourrait être faite au sommet du Conseil de coopération du Golfe prévu en juillet (auquel devrait assister Joe Biden lors de sa tournée régionale qui débutera en Israël) », estime Andreas Krieg.

Si ce développement pourrait être considéré comme une provocation par la République islamique, des efforts sont néanmoins entrepris pour maintenir des lignes de communication ouvertes entre l’Iran et certains de ses rivaux régionaux, comme l’Arabie saoudite. Le Premier ministre irakien s’est ainsi rendu à Djeddah puis à Téhéran le week-end dernier pour tenter de relancer les discussions bilatérales concernant notamment le Yémen. Celles-ci avaient commencé secrètement à Bagdad il y a plus d’un an et ont été mises en veilleuse après le cinquième cycle de négociations tenu en avril dernier sans avancées notables. Après les visites de Moustapha Kazimi, la diplomatie iranienne a fait état de la volonté saoudienne de « poursuivre les négociations à Bagdad au niveau diplomatique », selon la chaîne qatarie al-Jazeera. Par ailleurs, le conseiller émirati à la Sécurité nationale Tahnoun ben Zayed était hier à Doha pour rencontrer notamment l’émir Tamim ben Hamad al-Thani.

Après trois mois de blocage, les pourparlers concernant l’accord sur le nucléaire iranien ont repris hier sur fond de pessimisme ambiant. Suspendues à Vienne depuis mars dernier, les discussions, auxquelles participaient jusqu’alors toutes les parties signataires du Plan d’action global commun (JCPOA) de 2015, ont repris au Qatar en cercle restreint. L’envoyé spécial américain...

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