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Nos Lecteurs ont la Parole

Une France ingouvernable ?

« Fractures et divisions pures » : tels sont les mots du président de la République française Emmanuel Macron pour décrire la situation à l’issue du scrutin des élections législatives du 19 juin dernier. Plutôt inédite, c’est une première depuis le début de la Ve République. À commencer par la réélection du président Macron, qui, pour la première fois, est remportée hors période de cohabitation. Ce renouvellement de confiance des Français s’inscrit dans un contexte très particulier et révèle davantage, jour après jour, la fragilité du mandat macroniste.

Le 24 avril dernier, Emmanuel Macron est réélu à la tête de l’État avec 58 % des suffrages face à la candidate du RN Marine Le Pen. Le camp présidentiel voit plutôt un appui du peuple à la politique du chef de l’État sortant, une théorie de plus en plus contestée par les forces d’opposition et de moins en moins réaliste compte tenu des résultats législatifs. En effet, la coalition « Ensemble ! » récolte 247 sièges parlementaires, bien loin des 289 sièges de la majorité absolue. En d’autres termes, la coalition de la majorité connaît une diminution de près de 104 sièges parlementaires en cinq ans, ce qui la prive de la capacité de gouverner seule.

Comment cela s’explique-t-il ? Tout d’abord, la montée des extrêmes est flagrante. Durant la campagne législative les quelques dernières semaines, tous les regards étaient braqués vers le duel Nupes/Ensemble ! En fait, dans l’entre-deux-tours des élections présidentielles et après avoir été éliminé avec un score record, Jean-Luc Mélenchon exprimait déjà son désir d’être nommé Premier ministre lui nécessitant ainsi pour ce faire, d’obtenir une majorité absolue à l’Assemblée. En portant comme nouveau slogan « Élisez-moi Premier ministre », il contribue à l’unification de la gauche et créé la Nouvelle union populaire écologique et sociale (Nupes) réunissant les LFI, le PS et les écologistes. Cette nouvelle coalition émergente avait pour but de dépasser le cap des 289 élus, ce qui mènerait son chef à Matignon. Elle ne parvient en fin de compte qu’à récolter 147 sièges contre 247 pour la majorité présidentielle qui demeure tout de même relative. Le duel Nupes/Ensemble était alors celui qui retenait le plus de regards oubliant parfois l’émergence de l’extrême droite et notamment du parti RN de Marine Le Pen qui finit tout de même par obtenir 89 sièges contre 8 aux élections précédentes. Une augmentation tout aussi inquiétante que celle de l’extrême gauche selon les partisans du camp macroniste.

Dans ce cas-là, le président de la République est contraint de composer avec d’autres camps pour faire passer les projets de lois qu’il propose et notamment la retraite à 65 ans qui est désormais « une réforme enterrée » d’après Madame Le Pen. Une coalition parlementaire avec les LR est alors envisagée, supportée notamment par Jean-François Copé ou Nicolas Sarkozy et aussitôt rejetée par Christian Jacob à la tête du parti. Le groupe présidentiel, ayant besoin de 44 sièges pour atteindre la majorité absolue, n’a d’autres choix que de pratiquer « le cas par cas » : il devra alors négocier avec les différents partis politiques pour faire voter une loi. D’autres possibilités sont aussi évoquées et notamment le recours à la loi 49-3 qui permet de faire passer une loi au parlement sans la voter. À cause de son utilisation abusive, les Constitutions de 1995 et de 2008 limitent son usage à une seule fois par session parlementaire, ce qui n’est pas durable et utile pour la majorité présidentielle. Reste encore la dissolution de l’Assemblée qui est possible dans un an et qui devrait être décidée par le président en cas de blocage. Dans tous les cas, les Français se sont prononcés le 19 juin passé. Les résultats du scrutin placent le pays dans une situation inédite qui nécessite une pratique inédite du pouvoir et une mobilisation supplémentaire pour éviter que la France soit « ingouvernable ». Les pouvoirs du camp présidentiel, désormais remarquablement limités, les contraignent à composer avec des partis d’opposition. Une véritable leçon pour Emmanuel Macron qui remarque la fragilité de sa popularité et de son mandat. Il devient alors de plus en plus clair que la donne est maintenant drastiquement différente. Si les Français ont renouvelé le mandat du président sortant le 24 avril passé, toujours est-il qu’il s’agit grandement d’un geste pour faire barrage à l’extrême droite porté par Marine Le Pen et qui ne cesse de s’affirmer. Cette donne ne fait que fragiliser davantage le mandat du président qui devra sauver et défendre sa politique, voire peut-être la modifier afin de contourner un éventuel blocage de l’opposition.

En conclusion, le président Macron sort affaibli de ce scrutin mais il n’en est pas moins pour les partis d’oppositions. D’une part, la coalition de gauche Nupes rate son pari d’installer Jean-Luc Mélenchon à Matignon et récolte un score relativement faible par rapport aux attentes. Se voulant le chef d’une majorité, il ne parvient pas à atteindre ses objectifs et préside une coalition, qui, déjà, expose ses différents et ses faiblesses. Quant au RN présidé par Marine Le Pen, il s’agit du premier groupe parlementaire d’opposition qui demeure tout de même isolé par l’intégralité des acteurs politiques allant de la droite à l’extrême gauche. Cette opposition reste ainsi quelque peu théorique, ne pouvant composer avec d’autres partis. Il est alors clair que le paysage politique en France est brouillé et que les risques pour le pays sont multiples. Si les responsables politiques naviguent à vue, il n’en demeure pas moins qu’ils devront trouver une solution durable et éclaircir l’avenir aux Français afin de démentir les pronostics de ceux qui pensent que la France est désormais « ingouvernable ».

Mohammad Ali HAMADÉ

Élève en classe de première au Collège Louise Wegmann de Beyrouth

Les textes publiés dans le cadre de la rubrique « courrier » n’engagent que leurs auteurs et ne reflètent pas nécessairement le point de vue de L’Orient-Le Jour. Merci de limiter vos textes à un millier de mots ou environ 6 000 caractères, espace compris.

« Fractures et divisions pures » : tels sont les mots du président de la République française Emmanuel Macron pour décrire la situation à l’issue du scrutin des élections législatives du 19 juin dernier. Plutôt inédite, c’est une première depuis le début de la Ve République. À commencer par la réélection du président Macron, qui, pour la première fois, est...

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C’est le bordel comme en Italie

Eleni Caridopoulou

19 h 45, le 28 juin 2022

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  • C’est le bordel comme en Italie

    Eleni Caridopoulou

    19 h 45, le 28 juin 2022

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