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Nos Lecteurs ont la Parole

« Mafroukeh », ou une femme éclatée

Si vous avez raté la pièce de Marwa Khalil et de Wafa’a Halawi en mars dernier, elle sera jouée à nouveau pour une durée de trois semaines consécutives à partir du 23 juin sur les planches du théâtre Monnot.

Mise en scène par Riad Chirazi et produite par MFG Consultant, c’est une pièce intelligente, engagée, enlevée, pleine d’humour. L’autodérision y est utilisée comme vecteur principal pour porter un message autour d’un sujet essentiel, que les pays en difficulté – et le nôtre, de guerre en crise, l’est – relèguent toujours à plus tard dans leur ordre des priorités.

Trois personnages, interprétés par Marwa Khalil, Wafa’a Halawi et Serena Chami, campent sur scène l’histoire d’une femme libanaise fraîchement divorcée. À trois, elles portent un regard kaléidoscopique sur la crise que cette femme traverse et prennent en charge ses répercussions sociologiques, psychologiques, politiques au sein d’une société patriarcale où le statut personnel de la femme est encore à ce jour confisqué par les tribunaux religieux, toutes communautés incluses.

Construite sur le principe de l’éclatement scénique et narratif, cette pièce se tient du début à la fin. Il y a une cohérence construite entre ses différents constituants. Toute la mise en scène se joue autour d’une thématique de la fragmentation à l’instar de l’éclatement de l’intime à travers le divorce. Le personnage principal, lui-même, est éclaté en trois actrices, trois femmes, trois mères, trois amantes, qui se partagent un même costume et s’adressent à une voisine, qui est nous, le public, mais aussi et surtout, l’œil inquisiteur de la société. Le décor, conceptualisé par Riad Chirazi, est également composé de panneaux interchangeables qui jouent sur l’apparition et la disparition de ce personnage fragmenté en trois et qui tente de résister à son évincement de la scène comme de la photo de famille, c’est-à-dire du collectif comme de l’intime. La fin de la pièce incarnée par la disparition progressive et forcée de la femme divorcée est aussi magistrale qu’émouvante.

Sur le ton de l’humour et de l’autodérision, la pièce va beaucoup loin. Elle est capitale et démontre la fonction éminemment politique de l’art substituée à l’exercice défaillant des politiciens aussitôt qu’il s’agit de maintenir vivants l’esprit frondeur et la quête libertaire et égalitaire des peuples, pris en otage par des systèmes corrompus et archaïques.

En ces temps difficiles, la pièce de Marwa Khalil et de Wafa’a Halawi choisit de dénoncer le scandale des statu quo autour de la question de la condition de la femme, sans cesse ajournée. Elle allie le tragique au rire avec un art de la répartie surprenant. La drôlerie de certaines scènes dévoile l’écartèlement d’une société otage, en soif de réformes et d’avancées sociales, incarnant à merveille cet humour dont Boris Vian disait si bien qu’il était « la politesse du désespoir ».

Hyam YARED

et

Joëlle HAJJAR

Les textes publiés dans le cadre de la rubrique « courrier » n’engagent que leurs auteurs et ne reflètent pas nécessairement le point de vue de L’Orient-Le Jour. Merci de limiter vos textes à un millier de mots ou environ 6 000 caractères, espace compris.

Si vous avez raté la pièce de Marwa Khalil et de Wafa’a Halawi en mars dernier, elle sera jouée à nouveau pour une durée de trois semaines consécutives à partir du 23 juin sur les planches du théâtre Monnot.Mise en scène par Riad Chirazi et produite par MFG Consultant, c’est une pièce intelligente, engagée, enlevée, pleine d’humour. L’autodérision y est utilisée comme...

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