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Culture - Les Journées cinématographiques de Beyrouth

Les plumes ne font pas le plumage et l’argent ne fait pas le ménage

Le film de Omar el-Zohairy « Feathers », qui a fait des vagues au Festival de Gouna (mais sans laisser de plumes), est projeté ce soir, à 21h30, au Cinemacity Beirut Souks dans le cadre du festival Ayam Beirut al-Cinema’iya.

Les plumes ne font pas le plumage et l’argent ne fait pas le ménage

« Feathers », une comédie noire mais drôle, « car le rire est aussi intemporel », dixit le réalisateur Omar el-Zohairy. Photo DR

Disons le tout de go : il ne s’agit pas dans ces lignes d’aborder le sujet de la cabale – non fondée d’ailleurs – menée par quelques réalisateurs ou critiques du milieu cinématographique égyptien qui croyaient défendre les droits d’un pays du Nil qui n’apparaît pas dans ses beaux jours dans le film Feathers de Omar el-Zohairy, mais plutôt de mettre l’accent sur une œuvre artistique singulière et brillante. Une œuvre dont la dimension dépasse l’espace pour atteindre l’universalité.

Dans cette comédie noire qui n’est pas sans rappeler le théâtre de l’absurde, Omar el-Zohairy ne brosse pas le portrait de l’Égypte et de sa misère, ni une région en particulier, puisque le spectateur ne sait pas où se déroule le film. On dirait même qu’on est dans un no man’s land. Le réalisateur ne fait pas un constat social ou politique. Ce n’est nullement son but, il l’a bien signalé au cours d’une interview pendant le Festival du film de Gouna en octobre 2021. « Je fais simplement du cinéma », avait-il alors martelé. Le jeune cinéaste égyptien dépeint un drame humain à travers une comédie à la fois noire et loufoque qui se veut intemporelle. Il a réussi pour son premier long-métrage de fiction à transcender les tabous, les clichés mais aussi les frontières. Après avoir été récompensé du grand prix à la Semaine de la critique à Cannes en 2021, et du prix du meilleur film de narration au Festival de Gouna, Feathers continue à glaner d’autres récompenses dans différents festivals.

Omar el-Zohairy réalise un film d’atmosphère, d’émotions pures, rendues par les superbes montage, éclairage et photo, mais aussi dialogue (si rare et si pudique), avec simplement des acteurs et actrices amateurs.

Dans « Feathers », Omar el-Zohairy va à la découverte de l’être humain et décrypte la manière dont ce dernier interagit avec son environnement. Photo DR

Une métamorphose kafkaïenne

Le film suit l’histoire d’une femme au foyer totalement sous le joug de son mari autoritaire. Vivant dans la misère avec deux enfants en bas âge et un troisième bébé sur les bras, elle ne fait que répéter les mêmes gestes au quotidien : laver, faire le ménage, cuisiner et servir son mari (lui cirer ses chaussures, entre autres), sans émettre de bruit ni proférer un seul mot. Cette femme effacée et soumise, incarnée par Demyana Nassar qui n’avait jamais joué auparavant un rôle au cinéma, est vivante mais sans identité puisqu’elle porte le simple nom d’Oum Mario (la maman de Mario). Elle n’est donc définie que par ce statut-là et ne vit réellement pas sa vie. Le réalisateur entre dans la peau du personnage, à l’échine inclinée, au regard toujours baissé. Sa caméra scrute ses mains toujours hésitantes à prendre de l’argent de son mari. À travers plusieurs scènes où l’on voit les mains compter les billets, on comprend que celui qui possède l’argent tient le pouvoir dans la maison ou ailleurs. Il est le « dominant ». Cette mère ordinaire au foyer ressemble à un personnage du Caravage. Toujours dans un clair-obscur, rasant les murs ou aperçue dans l’embrasure d’une porte, ou encore parmi les gens, mais jamais au premier plan, on l’entend à peine. Elle vit (dramatiquement) sa vie, mais un événement absurde va venir bouleverser son cours. Lorsque, durant l’anniversaire de son fils, un magicien rate son tour de magie et transforme son mari en poule sans pouvoir de nouveau le ramener à la forme humaine, elle devra prendre la situation de sa famille en main, essayer de travailler, vendre le peu d’affaires qu’elle a. Désormais, elle a le contrôle. Peu à peu, après s’être occupée de la poule comme si c’était son mari (la nourrir, la faire dormir…), elle va retrouver son indépendance et même son identité. Elle va enfin se libérer.

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Dans Feathers, Omar el-Zohairy va à la découverte de l’être humain et décrypte la manière dont ce dernier interagit avec son environnement. Une comédie noire mais drôle (« car le rire est aussi intemporel », dixit le réalisateur) qui puise ses références dans des œuvres littéraires (La Métamorphose de Kafka) et cinématographiques (The Lobster de Yorgos Lanthimos), mais surtout une œuvre qui a sa propre identité et sa singularité. À recommander ce soir au Beirut Souks et si vous êtes à Saïda à Ishbilia à 19h. L’entrée est gratuite.

Disons le tout de go : il ne s’agit pas dans ces lignes d’aborder le sujet de la cabale – non fondée d’ailleurs – menée par quelques réalisateurs ou critiques du milieu cinématographique égyptien qui croyaient défendre les droits d’un pays du Nil qui n’apparaît pas dans ses beaux jours dans le film Feathers de Omar el-Zohairy, mais plutôt de mettre l’accent sur une...

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