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Moyen-Orient - ÉCLAIRAGE

Téléphérique, tram, bus... À Jérusalem, les infrastructures de la colonisation

La Cour suprême israélienne a validé, le 15 mai dernier, la construction d’un téléphérique reliant la partie occidentale de la ville sainte aux colonies de l’Est, survolant la partie historique de la ville et certains quartiers palestiniens.

Téléphérique, tram, bus... À Jérusalem, les infrastructures de la colonisation

Des soldats israéliens de la police aux frontières à un arrêt du tramway dans un quartier palestinien, à Jérusalem-Est, le 6 novembre 2014. Photo archives AFP

« Vous voulez vous rendre au mur des Lamentations ? Prenez un téléphérique ! » Sur le site internet de la municipalité de Jérusalem, pas besoin d’attendre la mise en œuvre effective du nouveau projet phare des autorités pour en rêver. La Cour suprême israélienne vient d’autoriser, le 15 mai dernier, la construction d’un téléphérique reliant la partie ouest de Jérusalem à la vieille ville, rejetant quatre pétitions réclamant l’interruption d’une initiative accusée de renforcer l’infrastructure au service de la colonisation. La décision met ainsi fin à un bras de fer de plusieurs années entre d’un côté les ONG et habitants palestiniens, et de l’autre la municipalité et certains groupes d’extrême droite, tels que l’organisation ultranationaliste Elad œuvrant pour la judaïsation de la ville.

Officiellement, il s’agit pour les autorités d’un moyen de transport à destination des touristes, afin notamment de désengorger le trafic urbain. Mais ses détracteurs dénoncent un projet contre nature, un « désastre » défigurant le paysage à des fins idéologiques. « La stratégie des faits accomplis vise à jouer des réalités de terrain afin d’imposer une décision fondamentalement politique, faisant fi de l’opposition locale », regrette Jonathan Rock, spécialiste de la géographie politique et des études urbaines et professeur à l’université du Kent, au Royaume-Uni.

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Le kilomètre et demi de câble devrait relier prochainement l’Ouest aux colonies implantées à l’Est en survolant le cœur historique de la ville, ainsi que certains quartiers palestiniens tels que Silwan, renforçant le « sentiment d’une domination d’en haut », estime Jonathan Rock. Le projet pourrait ainsi accentuer l’enclavement des zones palestiniennes, qu’il serait possible d’« enjamber » afin de rejoindre certains sites touristiques israéliens comme la Cité de David, un centre archéologique piloté par Elad et situé à quelques rues de Silwan. « Les touristes pourront désormais survoler les régions arabes sans être confrontés à la réalité des locaux et sans mettre le moindre centime dans leur commerce », affirme Khaled Farrag, directeur de l’ONG palestinienne Grassroots al-Quds, qui s’attend à ce que la mise en service du téléphérique diminue les recettes palestiniennes issues de l’industrie touristique.

Depuis la conquête militaire par Israël en 1967 de la partie orientale de la ville, puis son annexion en 1980 à travers une loi proclamant « Jérusalem entière et réunifiée, capitale éternelle », la bataille pour le contrôle de la cité passe souvent par les infrastructures du quotidien. « Petit à petit, ils ont décidé de coloniser les services après avoir colonisé la terre », souligne Huda el-Imam, militante et native de Jérusalem, ayant fondé en 1998 le centre d’études sur Jérusalem de l’Université al-Qods.

« Quinze minutes pour un feu rouge »

Transports, mais aussi ramassage des ordures, éclairage des routes, signalisation, accès aux chaînes de télévision internationales… La gestion inégale des services par la municipalité a créé, en fonction des quartiers, des réalités radicalement différentes. « Même les feux rouges ne fonctionnent pas pareil : dans un quartier palestinien, on peut s’arrêter quinze minutes pour un feu, alors qu’une rue plus loin, dans un secteur juif, tout fonctionne normalement… », s’indigne Huda al-Imam, qui réside à Cheikh Jarrah.

Et quand les services sont disponibles, ils sont souvent beaucoup plus coûteux pour les habitants de l’Est. « Il faut par exemple compter 85 dollars par mois pour l’eau, pour un appartement de 80 m² à Cheikh Jarrah », note Huda el-Imam, qui vient elle-même de débourser plus de 400 dollars pour sa facture mensuelle d’électricité. Les expatriés en poste dans la ville ne s’y trompent d’ailleurs pas. Ces derniers privilégient souvent le confort de vie en élisant domicile à l’Ouest, même lorsque leur lieu de travail est en zone palestinienne, comme c’est le cas de plusieurs chancelleries étrangères situées à Cheikh Jarrah.

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Le téléphérique s’intègre dans cette approche de développement et d’investissement à géométrie variable, particulièrement visible lorsqu’il s’agit des services de mobilité. « Les politiques de transport ont toujours constitué une part essentielle du système de planification urbain, en Israël comme ailleurs, mais, dans le cas de Jérusalem, les infrastructures ont été mises au service du groupe majoritaire », indique Jonathan Rock.

Depuis deux décennies plus spécifiquement, la municipalité a redoublé d’effort afin de multiplier les connexions à l’intérieur de la ville, comme à travers le pays grâce à un réseau ferroviaire et autoroutier moderne. « La judaïsation n’a rien de nouveau, mais l’enjeu est aujourd’hui d’utiliser les moyens de transport comme outil de contrôle de l’espace », poursuit ce dernier. Outre les services intra-urbains, un réseau de bus reliant les colonies juives de Cisjordanie à Jérusalem ou la construction de voies rapides connectant directement certaines colonies aux grandes villes de l’intérieur, comme l’autoroute 5 entre Tel-Aviv et Ariel, permettent de contourner les enclaves palestiniennes tout en incluant les colons résidant à l’Est de la ligne verte au reste du pays.

À Jérusalem également, « ces développements sont mis au service des Israéliens et de l’entreprise de colonisation », explique Khaled Farrag. En août 2011, la ville inaugure le très controversé tramway (Jerusalem Light Rail) reliant l’Ouest à l’Est, qui a notamment contribué à faciliter l’accès des colons à l’Ouest et à « unifier » de facto le tissu urbain. Cela en violation du droit international qui considère les quartiers orientaux comme étant illégalement occupés. Une même logique s’applique au réseau de bus, géré par des compagnies privées israéliennes, dont la plus importante est Egged. Tout comme le tram, il ne traverse les secteurs palestiniens que dans la mesure où il s’agit de desservir les quartiers juifs, de sorte que « les arrêts de bus se situent exclusivement près des colonies », explique Khaled Farrag.

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La plupart du temps, ces politiques publiques viennent appuyer la judaïsation de la ville qui se traduit par une valorisation de l’identité juive ainsi que par une colonisation ininterrompue depuis 1967 des secteurs orientaux, jusqu’à atteindre plus de 220 000 colons à Jérusalem-Est en 2021 selon l’ONU. Aujourd’hui, Huda el-Imam a beau se creuser la tête, elle ne voit pas un seul quartier de l’Est qui ne comporte pas au moins une implantation juive. « Wadi al-Joz, Cheikh Jarrah, autour de l’hôpital Makassed ou du camp de réfugié de Shuafat, sur la route de Jéricho… la ville entière est remplie de colonies », déplore la sexagénaire. « Ils font tout cela à dessein, afin de pousser les Palestiniens au départ. Mais nous avons appris de la Nakba que nous devons rester. Et nous restons. »

« Vous voulez vous rendre au mur des Lamentations ? Prenez un téléphérique ! » Sur le site internet de la municipalité de Jérusalem, pas besoin d’attendre la mise en œuvre effective du nouveau projet phare des autorités pour en rêver. La Cour suprême israélienne vient d’autoriser, le 15 mai dernier, la construction d’un téléphérique reliant la partie ouest de...

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Est ce que ces gens sont pires que le hez et les sbirres de nabih raswberry

sarraf antoine

18 h 45, le 02 juin 2022

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Commentaires (1)

  • Est ce que ces gens sont pires que le hez et les sbirres de nabih raswberry

    sarraf antoine

    18 h 45, le 02 juin 2022

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