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Économie - Crise

Le dollar à 34 000 livres et tout va à vau-l’eau : un mardi noir au Liban

Le dollar à 34 000 livres et tout va à vau-l’eau : un mardi noir au Liban

Le taux dollar/livre a atteint un nouveau record hier à 34 000 livres le dollar sur le marché parallèle. Florient Zwein/Hans Lucas.

L’été approche à grands pas et une impression de déjà-vu s’est installée au Liban depuis la fin de la période électorale le 15 mai dernier. La journée d’hier a d’ailleurs donné un aperçu de ce qui attend le pays si rien n’est fait pour enrayer la chute de la monnaie nationale dans un système à la dérive depuis 2019.

Relativement stable depuis le milieu de l’hiver, le taux de change a continué son ascension entamée le jour du scrutin pour atteindre un nouveau record de 34 000 livres pour un dollar, soit 700 LL de plus que les 33 300 LL affichées le 11 janvier. En fin de journée, le taux de la plateforme Sayrafa, mise en place par la Banque du Liban avec l’objectif – jamais atteint – de s’imposer dans un marché opaque, s’est lui aussi envolé, à 24 600 livres, soit 300 de plus que la veille. La descente aux enfers de la livre a ainsi fait office d’un mardi noir, rappelant que le pays est loin d’être sur la voie de la reprise.

L’essence proche du salaire minimum

La journée d’hier a commencé sur les chapeaux de roues avec la publication des nouveaux tarifs des carburants par le ministère de l’Énergie et de l’Eau. Un bond de 32 000 livres par rapport à vendredi a fait gravir les prix des 20 litres d’essence à 95 et 98 octane jusqu’à respectivement 588 000 et 599 000 livres. Un niveau de plus en plus proche du salaire minimum, bloqué à 675 000 livres depuis 2012.

Les prix des 20 litres de diesel a atteint 681 000 livres, après une légère hausse de 3 000 livres. La bonbonne de gaz domestique a, elle, augmenté de 10 000 livres pour se vendre désormais à 416 000 livres au lendemain d’une grève lancée par les usines de remplissage pour réclamer une hausse de leurs marges. La seule bonne nouvelle a été enregistrée du côté du prix du kilolitre de mazout facturé en dollars – pour les générateurs privés. Il a en effet reculé de 36 dollars en 4 jours, pour en totaliser 1 014, sans compter les frais de transport de 325 000 livres, restés inchangés.

Pour rappel, les prix des carburants en livres tiennent compte des cours mondiaux du brut et du taux de la plateforme Sayrafa de la veille (24 300 livres contre 32 600 livres sur le marché parallèle lundi soir). L’approvisionnement est régulièrement perturbé, notamment par le décalage entre l’évolution du taux de change et la fréquence de modification des prix.

Pénurie d’électricité, rationnement de l’eau

Si le prix du mazout consommé par les générateurs a baissé, la production de courant d’Électricité du Liban est, elle, quasi nulle depuis la mise à l’arrêt hier matin de la centrale de Deir Ammar (Liban-Nord), suite à un retard dans la livraison des maigres quantités de gasoil pour le fournisseur public.

Outre le fait qu’elle va obliger les résidents à compter encore plus sur l’électricité vendue au prix fort pendant au moins deux jours – un chargement étant attendu aujourd’hui –, cette panne sèche impacte aussi l’approvisionnement en eau courante. Ainsi, l’Office des eaux de Beyrouth et du Mont-Liban sur le littoral de cette région a annoncé hier l’adoption d’un programme de rationnement, faute de courant suffisant pour faire tourner les pompes alimentant son réseau. « Une coupure totale de l’approvisionnement » est à craindre, si la situation n’évolue pas, selon l’office.

Craintes pour la sécurité alimentaire

Plumés par les prix du carburant et jetés dans l’obscurité, les Libanais voient aussi le prix de leur panier alimentaire exploser. « Le grand défi aujourd’hui n’est pas l’approvisionnement (…), mais que les citoyens ne puissent plus en payer le prix », a averti tout de go hier le président du syndicat des importateurs de denrées alimentaires, Hani Bohsali, lors d’un point de presse centré sur la hausse du taux de change. Soulignant le lien entre la baisse des importations de produits alimentaires et celle du niveau de vie des Libanais, le syndicaliste a, une énième fois, appelé les autorités à « trouver des solutions radicales » à la crise « avant qu’il ne soit trop tard ». Petit lot de consolation évoqué par Hani Bohsali : le risque de pénurie est écarté, les importateurs ayant trouvé des alternatives moins chères à de nombreux produits.

Il reste que la dégradation de la situation en raison de la crise mais aussi du conflit russo-ukrainien a tout de même perturbé les importations de blé du Liban, qui proviennent majoritairement d’Ukraine. Lundi, au cours d’une conférence de presse, le ministre sortant de l’Économie et du Commerce Amine Salam a toutefois indiqué que le projet de prêt de 150 millions de dollars, récemment approuvé par la Banque mondiale pour financer les importations de blé au Liban tout en subventionnant le prix, avait été approuvé par le gouvernement vendredi et envoyé au Parlement.

Ce montant permettra « d’assurer les besoins du pays pour 9 mois ». L’Assemblée devra pour sa part rapidement approuver le prêt, car le processus allant de la commande au déchargement du grain prendra « 2 mois ». Le ministre a ajouté que le pays disposait de stocks suffisants pour produire du pain arabe pendant cette période, entre les importations du secteur privé et celles financées par une enveloppe de « 12 millions de dollars » aussi approuvée en Conseil des ministres. Le ministre a enfin noté que le Liban avait besoin de 200 à 220 millions de dollars par an pour acheter du blé. En visite hier au palais présidentiel de Baabda, l’ambassadeur d’Ukraine Ihor Eustasch a, lui, assuré de « la volonté de son pays » d’aider le Liban à assurer ses besoins.

La dépréciation de la livre pénalise aussi les producteurs locaux. Le président du syndicat des éleveurs de volaille, William Boutros, a ainsi lancé « un appel de détresse », pointant du doigt les « pertes subies par les agriculteurs et les producteurs ».

Grève des pharmaciens et des hôpitaux

Dans cette crise totale, le secteur de la santé est lui aussi touché par la chute de la livre, qui a poussé les pharmaciens à se mobiliser hier matin afin de dénoncer des ruptures de stock, dues à une suspension des livraisons par les importateurs, et réclamer une augmentation des prix des médicaments. Une manifestation s’est tenue devant le ministère de la Santé à Bir Hassan (Beyrouth) et un certain nombre de professionnels ont fermé leurs pharmacies, notamment à Saïda (Liban-Sud), comme l’a rapporté notre correspondant sur place, Mountasser Abdallah.

Le président de l’ordre des pharmaciens, Joe Salloum, a plaidé pour l’élaboration d’« un plan clair qui comprend des ajustements de tarifs plus fréquents, sous peine de voir la consommation de médicaments contrefaits exploser ». Contacté par L’Orient-Le Jour, le président du syndicat des importateurs de médicaments au Liban, Karim Gébara, a déploré pour sa part que les derniers tarifs des médicaments non subventionnés (majoritairement en vente libre) « ont été fixés par le ministère de la Santé le 27 avril dernier au taux de 26 000 livres », un niveau déjà inférieur au taux du marché à l’époque, et un écart qui s’est bien creusé depuis. Enfin, le syndicat des propriétaires d’hôpitaux et les ordres de médecins de Beyrouth et de Tripoli ont annoncé hier une grève des hôpitaux jeudi et vendredi. Seules les urgences et les dialyses seront ainsi effectuées, tandis que les autres opérations seront reportées. En parallèle, un sit-in du personnel du secteur de la santé se tiendra jeudi devant le siège de la BDL à Hamra (Beyrouth) à 11 heures pour dénoncer les restrictions bancaires imposées aux établissements et aux patients, des mesures illégales mais pourtant effectives depuis fin 2019.

L’été approche à grands pas et une impression de déjà-vu s’est installée au Liban depuis la fin de la période électorale le 15 mai dernier. La journée d’hier a d’ailleurs donné un aperçu de ce qui attend le pays si rien n’est fait pour enrayer la chute de la monnaie nationale dans un système à la dérive depuis 2019. Relativement stable depuis le milieu de l’hiver, le...

commentaires (2)

Une fin de régime du président Michel Aoun conforme au projet commencé en 1989

Lecteur excédé par la censure

23 h 08, le 25 mai 2022

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Commentaires (2)

  • Une fin de régime du président Michel Aoun conforme au projet commencé en 1989

    Lecteur excédé par la censure

    23 h 08, le 25 mai 2022

  • Le Liban dans toute sa splendeur !! Des incapables à tous les étages, des cyniques corrompus qui instrumentalisent des idiots persuadés qu’ils sont des génies et une majorité se partageant entre autruches et moutons pour que surtout rien ne change !

    JB El catalán

    13 h 45, le 25 mai 2022

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