Une partie des supermarchés du pays a encore réduit les plafonds de paiement par carte qu’ils acceptent, sur fond de crise marquée par un effondrement de la livre et des restrictions bancaires illégales qui ont favorisé le développement d’une « économie du cash ».
Le syndicat des propriétaires de supermarché avait officiellement appelé en mars – sans pour autant les contraindre – ses membres à demander à leurs clients de payer au maximum 50 % de leurs achats par carte, le reste devant être réglé en espèces. Mais, face aux « difficultés persistantes » qu’elles rencontrent pour disposer librement de leurs fonds réglés par carte en raison des restrictions bancaires, certaines enseignes ont été contraintes de réduire à 25 % le seuil des règlements via ce mode de paiement, a reconnu le syndicat que nous avons contacté. L’organisation, qui assure n’avoir pris aucune « nouvelle décision » concernant ce dossier, évoque notamment le fait que des fournisseurs n’acceptent plus d’être réglés « par chèque », obligeant les supermarchés concernés à retirer des espèces de leurs comptes pour honorer leurs engagements.
Taux d’escompte stables
Or, depuis le début de la crise dans la seconde moitié de 2019, les banques ont réduit puis suspendu les retraits en dollars depuis une majorité de comptes en devise – à l’exception des seuls comptes en dollars frais, protégés par la circulaire n° 150 de la Banque du Liban (BDL). Et depuis fin 2020, la même BDL a poussé les banques à limiter les retraits en livres en resserrant les modalités selon lesquelles elles peuvent se fournir en liquidités depuis leurs propres comptes enregistrés chez elle.
Cette combinaison de facteurs – auxquels s’ajoute l’absence de perspectives immédiates de redressement – a conduit la livre à se déprécier sur le marché. Le taux de change gravitait autour de 32 000 livres pour un dollar hier chez les agents légaux comme illégaux, en hausse continue depuis le scrutin législatif du 15 mai. L’intensification et la persistance des restrictions a également favorisé le développement d’un marché informel et opaque du chèque bancaire, que ce soit en dollars « bloqués » – aussi appelés « lollars » – ou en livres. Concrètement, les chèques s’y échangent contre des espèces, avec un escompte sur les valeurs nominales des premiers. Selon nos informations issues des milieux concernés, le taux d’escompte pour un chèque bancaire en livres gravitait autour de 30 % hier, un niveau stable comparé à celui affiché la semaine dernière. Celui pour les chèques en « lollars » flirtait avec la barre des 87 % (le bénéficiaire reçoit 13 % de la valeur du chèque), en légère baisse.
Enfin, le fait qu’une partie des supermarchés ait décidé de baisser les limites de paiement par carte semble indiquer que les autorités – la BDL, mais aussi le ministère de l’Économie et du Commerce qui avait été sollicité en mars – n’ont pas dégagé de solutions durables pour faciliter les transactions de la filière. Cette dernière est toutefois ciblée par certaines critiques dans l’opinion, qui lui reprochent notamment de bénéficier d’aménagements aux restrictions qui sont refusés au commun des déposants.
Quitte à payer en cash, on préfère encore acheter chez le petit commerçant local. Déjà pour l'encourager, et puis, surtout, pour emmerder les supermarchés. Comme disait l'autre, il suffirait que les gens n'y achètent plus pour qu'ils ne vendent plus rien. Quelques semaines de patience, et ils reviendront nous pleurer sur l'épaule en voulant nous refiler leur carte de "fidélité". Et c'est là qu'on rigolera...
12 h 46, le 24 mai 2022