Critiques littéraires Essai

Ce que nous disent les arts sur les nombres

Ce que nous disent les arts sur les nombres

© J.-F. Paga / Grasset

L’Art et le nombre de Robert Bared, éditions Hazan, 2021, 200 p.

Partant de la pensée pythagoricienne selon laquelle le nombre régit l’univers, Robert Bared interroge les nombres qui structurent et révèlent l’étoffe des œuvres d’art, qu’elles soient plastiques, architecturales ou littéraires. Plus humaniste qu’encyclopédique, son nouvel opus L’Art et le nombre propose une suite de 9 essais sur la manifestation des nombres dans les arts, de 1 à 9. Quant au zéro, écrit-il, « le zéro, comme le blanc, est lié au silence. Et celui-ci n’est pas moins musique que le blanc est couleur ». Un ouvrage à savourer comme un musée de poche, un voyage immobile entre le temps et l’infini, une invitation à la médiation et à l’exploration des archétypes.

Le un, « absolue perfection soustraite à l’altération et à la multiplicité », s’ouvre avec la toile de Caspar David Friedrich, Le Voyageur contemplant une mer de nuages, parfaite illustration du sublime, mélange de terreur et d’exaltation. Le un est ce fragment du temps qui ne reviendra jamais. Il est la figure du « premier et unique » : le Dieu monothéiste. Il est aussi l’œil unique du cyclope, la corne unique de la licorne, le phallus au pouvoir fécondant, droit comme un 1. Il est aussi, en architecture, « symbole de l’axe central du monde reliant, d’un geste de pierre, la terre au ciel ».

Le deux, écrit aussi Robert Bared, « inaugure l’altérité, pour le meilleur et pour le pire ». Les éléments binaires s’opposent ou se complètent : masque de théâtre, tragique ou comique, symétrie dans l’ordre biologique, le noir et blanc dans la photographie, le double profil de Janus, les deux faces de la monnaie, les deux moitiés du sablier, les deux ailes du papillon, l’oscillation de la pendule, le bien et le mal, Dupond et Dupont, l’amour sacré et l’amour profane.

Mystère du trois, image du divin qui forme le triangle maçonnique, définit les trois règnes naturels, animal, végétal et minéral, structure le discours et caractérise la grandeur, balise le temps entre passé, présent et avenir, fonde la triple nature du Dieu chrétien.

Le quatre, stabilité du carré, symbole de la terre délimitée par quatre angles droits, et des quatre directions de l’espace. Fermeté des « quatre vérités » du Bouddha et du cube sacré de la Kaaba, nombre des âges de la vie, des saisons, du dépassement de soi quand on « se met en quatre ».

Le cinq, doigts de la main ; pentateuque ou Torah : les cinq premiers livres de la Bible attribués à Moïse ; les cinq plaies du Christ ; les cinq sens répertoriés par Aristote ; le pentagramme qui définit la Divine proportion.

Le six, l’hexagone, symbole majeur de la religion hébraïque qu’on retrouve dans l’étoile à six branches. Signe biblique de la Bête ou de l’Antéchrist dont la marque est 666 (trois fois la Trinité ?). Le six est aussi chiffre de la création, dans la Genèse : « Six fois il y eut un jour, il y eut un matin. »

Le sept, chiffre de la perfection universelle ? Chiffre d’Apollon dont la lyre compte sept cordes ; et puis les sept merveilles du monde, les sept pléiades, le septième jour où Yahvé se repose, les sept péchés capitaux et les sept vertus, les bottes de sept lieues, le septième ciel…

Le huit, octogone à la fois rond et carré, « nombre de l’équilibre cosmique », géométrie des baptistères, de la rose des vents ou de l’étoile de Bethlehem. Couché, c’est le symbole de l’infini, le ruban de Moebius. Le huit, ce sont les huit mains de Vishnou, les huit dieux primordiaux de l’Égypte pharaonique, la roue de Dharma, la fleur de lotus.

Le neuf enfin, « nombre de la hiérarchie sous toutes ses formes », les neuf muses, les neuf cercles de l’enfer de Dante. Le neuf multiplie le trois qui est déjà chiffre de grandeur.

Né au Liban, diplômé de lettres classiques, d’histoire et de philosophie, Robert Bared est essayiste, auteur d'un essai sur La Fontaine. Il a enseigné et travaillé dans l'édition avant de se consacrer à l'écriture. Ses recherches portent notamment sur la rhétorique de l'image et les liens entre la littérature et les arts.

L’Art et le nombre de Robert Bared, éditions Hazan, 2021, 200 p.Partant de la pensée pythagoricienne selon laquelle le nombre régit l’univers, Robert Bared interroge les nombres qui structurent et révèlent l’étoffe des œuvres d’art, qu’elles soient plastiques, architecturales ou littéraires. Plus humaniste qu’encyclopédique, son nouvel opus L’Art et le nombre propose une...

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