Avec ses lunettes rondes, son allure d’étudiant surdoué et sa chevelure rebelle, il me faisait irrésistiblement penser à Génial Olivier, le héros de la bande dessinée de notre enfance. Il en avait le brio, le goût de la recherche et des découvertes scientifiques, mais aussi les yeux malicieux et cette légèreté de ton dans les situations les plus désespérées qu’il conjurait par sa seule présence.
Malgré son extrême pudeur et son aversion pour l’étalage de sentiments, ses malades, même les plus humbles, pouvaient ressentir son empathie et même une forme d’affection rude qu’il ne pouvait, à son corps défendant, leur dissimuler longtemps. Que l’expression soit ou non à la mode, on se trouvait indéniablement devant une personne « bien née ». Mais pas seulement. Chaque cas était pour lui un défi personnel et il n’avait de cesse que de vaincre ses ennemis intimes, virus, bactéries et autres saletés, et d’annoncer alors lui-même aux malades et à leurs proches angoissés la fin du cauchemar. Il en était, à la limite, plus heureux qu’eux…
Durant les longues heures passées à l’hôpital, on avait appris à reconnaître son pas rapide et saccadé et sa voix à l’autorité naturelle. C’est qu’on l’attendait comme le messie. Il entrait suivi d’une bande de jeunes internes qu’il houspillait un peu lorsqu’ils se contentaient, en réponse à ses questions, de lire le rapport de l’infirmerie sans s’approcher du malade. Il retroussait alors ses manches et prenait lui-même la tension du patient sur un bon vieil appareil manuel. Il savait lui, d’instinct, que le malade, pour guérir, a besoin d’être touché, donc reconnu comme une personne humaine, non seulement comme un cas d’école à relater dans les revues de médecine. D’ailleurs son examen clinique approfondi était à nul autre pareil, suivi d’un questionnaire serré du malade, entre deux gorgées de la boisson gazeuse light qu’il affectionnait (moi aussi, et ça nous faisait rire…).
Lorsqu’on avait diagnostiqué à maman une maladie grave, il avait été ce que j’appelais « le complice du tendre complot ». Celui de tenter de lui cacher la fatale vérité, elle qui avait déjà connu tant d’épreuves dans sa vie. Il avait réussi à le faire sans jamais mentir. À ses questions pressantes, il répondait par une petite tape affectueuse sur l’épaule, un grand rire et un « Ah ! Marcelle ! ». Et le miracle se produisait. Cela suffisait à la rassurer.
On m’a rapporté que ses dernières tournées de malades à l’hôpital, il les faisait sur chaise roulante.
Incroyable pour tout autre que Roy Nasnas pour qui guérir, c’était guérir les autres.
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