
La cigogne Hope au moment où elle a été relâchée après son séjour au refuge Animal Encounter, où elle a été dotée d’un système de traçage. Elle ne devait pas survivre très longtemps lors de son passage au-dessus du Liban. Photo Kameel Rayes
Bien qu’ayant signé la Convention sur la conservation des espèces migratrices, et même si le ministère de l’Environnement n’a pas ouvert la saison de chasse en automne dernier (qui serait dans tous les cas close à ce moment de l’année), le Liban n’arrive toujours pas à réglementer cette activité qui tourne beaucoup de fois au braconnage. La triste histoire de Hope en est la preuve.
Jeune cigogne mâle, Hope a été ramené au refuge « Animal Encounter » de Aley en novembre dernier à cause d’une blessure causée par le tir d’un chasseur. Après plusieurs mois de rééducation, l’oiseau a été relâché par ceux qui l’ont soigné. Or il a été victime une seconde fois d’un tir de chasseur alors qu’il survolait le ciel libanais, un tir qui lui a été fatal. Sa triste fin a consterné les internautes qui ont largement partagé son histoire sur les réseaux sociaux.
« Les cigognes sont les amies des jardiniers : elles mangent les insectes et autres nuisibles qui ravagent les cultures », explique Mounir Abi Saïd, fondateur du refuge de Aley. Le printemps étant la saison de reproduction des oiseaux, la chasse y est interdite partout dans le monde, et les oiseaux migrateurs sont particulièrement protégés, mais au Liban les règles sont toujours faites pour être transgressées. « C’était la première fois que l’on installe un système de traçage sur une cigogne, on espérait connaître la destination de la migration de Hope, ses habitudes…», poursuit Mounir Abi Saïd. L’expert se désole que le destin de Hope était de ne pas quitter les frontières du Mont-Liban.
Il faut préciser que la chasse des oiseaux migrateurs est expressément interdite par la loi libanaise sur la chasse. Cette règle est d’autant plus importante à respecter que le territoire national se trouve sur l’un des corridors de migration les plus importants du monde, où les nuées d’oiseaux se posent pour profiter des points d’eau.
Fidèles à leur partenaire, les cigognes blanches (Ciconia ciconia) vivent à deux toute leur vie. Après la mort de leur compagnon les cigognes restent solitaires jusqu’à la fin de leur existence, d’où le fait que tuer l’une d’elles signifie condamner toute la descendance du couple. Ces oiseaux migrateurs gardent aussi le même nid toute leur vie, ils le retapent dès leur retour en Europe. La saison de ponte et notamment d’éclosion de ces échassiers correspond à celle où les insectes et les serpents sont le plus nombreux. C’est ainsi que les cigognes parcourent champs et prairies en se nourrissant de ces nuisibles qui font le malheur des agriculteurs.
Les cigognes migrent en automne vers l'Afrique de l'Est, et au printemps elles font le même itinéraire en sens inverse pour regagner le Caucase. Jadis elles se posaient dans la plaine de la Bekaa verdoyante pour s'y nourrir. Aujourd'hui, elles ont dévié leur itinéraire pour survoler Israël et le nord-ouest de l'Arabie Saoudite où elles peuvent se poser paisiblement à quelques pas des cultivateurs au travail. C'est la conséquence du comportement révoltant de nos fusillots viandards.
19 h 08, le 16 avril 2022