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Culture - Disparition

Miguel Angel Estrella, un ange parmi les étoiles

Miguel Angel Estrella, un ange parmi les étoiles

L’artiste Miguel Angel Estrella en 2012. Photo AFP

Pianiste, humaniste, diplomate, le grand Miguel Angel Estrella, dont la famille (son père s’appelait Omar Najem) avait émigré du Liban vers l’Argentine au début du XXe siècle, nous a quittés. Enlevé et torturé par la junte dans les années 1970, il avait consacré sa vie à apporter la musique à ceux qui souffrent.

Miguel Angel Estrella savait ce qu’est la barbarie, il l’avait expérimentée dans sa chair. Il en témoignait avec humilité et sincérité lors de conférences qu’il donnait un peu partout dans le monde, où il ne manquait jamais de citer ses origines libanaises dont il était très fier.

Miguel Angel Estrella lors d’un concert à Beyrouth en 1993. Photo Michel Sayegh/archives « L’OLJ »

Comme des milliers de Sud-Américains, il avait été la cible du tristement célèbre plan Condor, campagne d’assassinats et d’enlèvements conduite conjointement par les services secrets de plusieurs pays d’Amérique latine. « Les dictateurs en place envoyaient des agents secrets poursuivre les dissidents politiques, parfois aux quatre coins du monde. Diverses techniques de terreur étaient employées, allant de la noyade jusqu’à la transmission d’enregistrements sonores de cris de proches torturés, aux “vols de la mort” qui consistaient à précipiter les opposants vivant dans l’océan à partir d’hélicoptères militaires », m’avait-il confié lors d’une émouvante conversation que nous avions eue dans les bureaux de la Délégation permanente d’Argentine auprès de l’Unesco dont il était l’ambassadeur.

Enlevé en 1977 et séquestré pendant deux ans et demi, Miguel Angel Estrella subit des tortures quotidiennes extrêmement violentes sans jamais voir le visage de ses bourreaux. Mais alors qu’il est en détention, un grand nombre de comités et d’associations sont créés pour le soutenir et se battent pour le faire libérer. « Je pense pouvoir dire que j’ai été sauvé par l’amour, sauvé par la musique », poursuit-il. Y aurait-il eu cette mobilisation générale s’il n’avait pas été un immense musicien universellement connu ? Qui sait ? « Je dois la vie à mon engagement musical », estime-t-il.

Miguel Angel Estrella s’était rendu à plusieurs reprises au Liban pour y donner des concerts caritatifs. Photo Michel Sayegh/archives « L’OLJ »

À sa sortie de détention, Miguel Angel Estrella crée l’ONG Musique et espérance, qui apporte la musique aux enfants des quartiers défavorisés de nombreuses villes d’Amérique latine, les sauvant ainsi de leur misère quotidienne. Cent pour cent des jeunes qui ont bénéficié de cet enseignement se sont extraits des trois fléaux générés par la pauvreté : délinquance, drogue, prostitution.

Pour Nadia Boulanger, qui l’a eu comme élève (de même que Marguerite Long), Estrella était un « musicien né » à la « puissance contenue », mais « aussi et d’abord un poète ».

Son répertoire éclectique lui faisait mêler Rameau, Messiaen et le folklore latino-américain. Yupanqui et Piazzola côtoyaient Bach et Beethoven dans un même concert.

Avec Jean Lacouture, il écrit Musique pour l’espérance (1983, éditions Cana) et, en 2000, le Haut-Commissariat de l’ONU pour les réfugiés (HCR) lui décerne la médaille Nansen pour avoir fait « avancer la cause des réfugiés ».

Après avoir été ambassadeur de l’Argentine auprès de l’Unesco, Miguel Angel Estrella avait pris la tête de la Maison Argentine à la Cité universitaire de Paris.

Le musicien s’était rendu à plusieurs reprises au Liban pour y donner des concerts caritatifs, notamment en 1993 (à l’invitation de la famille Fattal) et en 1999, au Centre culturel français.

Celui qui aida tant d’êtres humains par la grâce de la musique et qui ne manquait jamais de parler du pays de ses ancêtres repose désormais auprès des étoiles dont il porte le nom.

Pianiste, humaniste, diplomate, le grand Miguel Angel Estrella, dont la famille (son père s’appelait Omar Najem) avait émigré du Liban vers l’Argentine au début du XXe siècle, nous a quittés. Enlevé et torturé par la junte dans les années 1970, il avait consacré sa vie à apporter la musique à ceux qui souffrent.Miguel Angel Estrella savait ce qu’est la barbarie, il l’avait...

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