
Deux ans et sept mois après le début de la crise au Liban, les négociateurs du pays et ceux du Fonds monétaire international sont parvenus hier à un accord de principe pour un plan d’aide à hauteur de 3 milliards de dollars. Photo d’illustration Bigstock
Pressentie depuis le milieu de l’après-midi, l’annonce d’un accord préliminaire à un programme d’assistance financière entre le Fonds monétaire international et le Liban devant financer une sortie de crise est finalement tombée en fin de journée hier.
Une étape qui marque une des premières avancées réellement concrètes dans un processus engagé par le Liban au printemps 2020 et qui, ironie du sort, intervient 4 ans et 1 jour après le dénouement de la conférence de Paris, la fameuse CEDRE, à l’issue de laquelle le Liban s’était vu promettre plus de 11 milliards de prêts et dons contre des réformes que ses responsables n’ont jamais mises en œuvre. Les détails connus de l’accord préliminaires ont été révélés dans un communiqué publié par le FMI et dont le contenu a été peu ou prou repris par le chef de l’État Michel Aoun, le Premier ministre Nagib Mikati, le président du Parlement Nabih Berry et celui chargé de mener les négociations côté libanais, le vice-Premier ministre Saadé Chami, dans leurs interventions respectives.
Trois milliards sur 4 ans
Il s’agit plus précisément d’un accord préliminaire de facilité d’extension des fonds (FEF) qui couvre une période de 4 ans, ou plus précisément 46 mois. À travers cet accord, qui n’est pas encore effectif et n’engage pour le moment personne, le FMI pourrait fournir 3 milliards de dollars correspondant à 2,17 milliards de droits de tirage spéciaux (DTS ou special drawing rights, SDR, en anglais), un instrument financier servant à fournir des liquidités aux États membres du FMI à certaines conditions.
Ces 3 milliards de dollars correspondent au total des fonds qui pourront être assurés par le FMI sur l’ensemble des quatre ans, si le Liban lance une série de réformes structurelles sur lesquelles les deux parties se seront entendues. « Si le FMI et le Liban parviennent à s’entendre sur un accord définitif, l’enveloppe débloquée assortie aux réformes qui seront engagées par le Liban en échange servira à fournir un gage de confiance aux bailleurs de fonds étrangers qui souhaitent investir dans le pays », explique une source proche du dossier.
Les réformes préalables
Si le fait d’avoir pu parvenir à un accord préliminaire semble en soit positif, plusieurs étapes décisives doivent encore être franchies pour qu’un accord définitif soit trouvé. Avant toute chose, le Liban doit en effet s’engager dans plusieurs chantiers de réformes que le FMI a détaillées dans son communiqué.
• Le gouvernement devra en premier lieu approuver une stratégie pour restructurer le secteur bancaire, en reconnaissant le montant des pertes et en s’employant à les répartir tout en protégeant les petits déposants. Le pays a de plus accumulé plus de 70 milliards de dollars de pertes à répartir entre l’État, la Banque du Liban, les banques et les déposants.
• Le Parlement devra approuver le plan élaboré par l’exécutif afin de permettre sa mise en œuvre.
• Une évaluation (un audit) de chacune des 14 plus grandes banques du pays (en termes d’actifs et de dépôts) devra être effectuée par une entreprise internationale « réputée ». Pour rappel, la Commission de contrôle des banques a récemment enjoint aux établissements du Liban de lui transmettre l’inventaire de l’ensemble de leurs actifs immobiliers avant le 20 mai prochain. Une démarche qui pourrait s’inscrire dans le cadre de ce chantier de réforme.
• La Chambre devra approuver la réforme du secret bancaire qui « doit s’aligner sur les standards internationaux pour combattre la corruption », « détecter les crimes financiers » et rendre possible un « recouvrement des actifs », notamment ceux transférés à l’étranger depuis le début de la crise.
• Le Liban devra faire réaliser et finaliser un audit complet des comptes de la BDL qui inclue ses actifs en devises, afin d’« améliorer la transparence » sur l’état de l’institution. Un tel audit avait été effectivement commandé par le gouvernement de Hassane Diab en septembre 2020. Deux des trois volets prévus ont depuis été complétés : ceux pris en charge par KPMG et le spécialiste des banques centrales Oliver Wyman.
• Le gouvernement devra mettre en place une stratégie de restructuration de la dette à moyen terme, « ce qui sera utile pour restaurer sa soutenabilité ». Le Liban a fait défaut sur sa dette en devises (plus de 30 milliards de dollars, détenus en partie par des investisseurs étrangers) en mars 2020.
• Le Parlement devra approuver le budget de 2022. Le projet approuvé par le gouvernement est actuellement débattu par la commission des Finances et du Budget. Selon son président, le député Ibrahim Kanaan, l’ensemble des budgets des institutions et ministères ont été approuvés et la commission a passé en revue hier la moitié des 147 dispositions abordant principalement les questions relatives aux recettes fiscales.
• La BDL devra enfin adopter un régime de taux de change unifié en lieu et place de celui existant actuellement, avec plusieurs taux fixes et un marché des changes semblant échapper à tout contrôle. Cette étape devra être accompagnée de l’adoption d’un contrôle formel des capitaux. Un projet de loi réalisé par l’équipe de Saadé Chami, puis approuvé par l’exécutif, doit en principe être envoyé à la Chambre.
Une fois ces prérequis satisfaits, le FMI devra faire valider l’accord préalable par son département de gestion, puis le faire approuver par son conseil exécutif. Aucun délai pour cette procédure n’a été annoncé pour le moment.
Un timing étonnant
Si l’accord préliminaire entre le FMI et le Liban peut être considéré comme une avancée, le fait que ce dénouement intervienne avant les législatives prévues en mai a déjoué de nombreux pronostics. Dans un récent rapport dédié aux investisseurs, Bank of America avait d’ailleurs jugé ce scénario « inhabituel » en se basant sur les expériences d’autres pays émergents. Un point d’ailleurs soulevé par Henri Chaoul, qui avait fait partie de la première équipe de négociateurs désignée par le gouvernement de Hassane Diab en 2020, avant d’en claquer la porte en juin. Sur son compte Twitter, le financier a considéré « choquant le fait même que le FMI envisage la signature d’un accord préliminaire » avec un gouvernement sur le point de perdre ses pleins pouvoirs.
Un avis que ne partage pas Saadé Chami, lui-même ancien de l’institution financière. Dans un entretien télévisé dimanche, le vice-Premier ministre avait jugé qu’il était au contraire plus favorable à l’obtention d’un accord préliminaire avant les élections, jugeant que cela pousserait le gouvernement actuel à finaliser tous les projets de loi prévus avant le renouvellement du Parlement, espérant au passage que la Chambre actuelle, ou celle qui lui succédera après le 15 mai, se retrouvera contrainte de prendre ses responsabilités. Une fois adoptées, les lois prévues par l’accord préalable pourront être exécutées même par un gouvernement chargé des affaires courantes, limitant la possibilité que le processus soit paralysé par un énième blocage de la formation du cabinet.
si dieu le veut !!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!
18 h 05, le 08 avril 2022