
Le gouvernement Mikati a approuvé la construction de deux centrales, à Deir Ammar et Zahrani. Image d’illutration Bigstock
Alors que l’approvisionnement en électricité publique du Liban continue d’être réduit à une paire d’heures par jour en moyenne pour une majorité de régions, le Conseil des ministres a lui poursuivi mercredi ses débats sur la réforme du secteur, dont la finalisation et la mise en œuvre au moins partielle peut servir de rampe de lancement à plusieurs solutions pouvant améliorer provisoirement la situation.
Réuni au Grand Sérail sous la présidence de Nagib Mikati, le cabinet qui avait déjà apporté son accord de principe, puis son approbation pleine au plan préparé par le ministre de l’Énergie et de l’Eau Walid Fayad, a cette fois validé une étape supplémentaire en approuvant la procédure préparée par ce dernier en vue de lancer des appels d’offres pour la construction de deux centrales électriques à Deir Ammar (Liban-Nord) et Zahrani (Liban-Sud). Selon le communiqué publié après la séance, l’Exécutif a plus précisément « approuvé (…) les contrats de construction, de financement et d’opération » de ces centrales.
La construction des centrales
Lors de la conférence de presse ayant suivi la réunion du Conseil des ministres, le ministre Fayad a toutefois précisé que « cette démarche – construction, financement et mise en service de la centrale – sera étalée sur une longue durée, assortie d’une période de grâce pour le paiement et des taux d’intérêts préférentiels, entre 1 et 2,5 % ». Il a indiqué que trois acteurs importants entreraient en jeu: les constructeurs et équipementiers internationaux « reconnus » qui vont fournir les turbines et les autres « composantes » de la centrale ; l’entrepreneur chargé de construire la centrale à proprement parler, et l’organisme qui se chargera de piloter le financement.
C’est à ce dernier niveau que les choses seront plus compliquées, selon Walid Fayad, le pays, en crise et en défaut de paiement n’ayant d’autre choix que de compter sur un acteur qui accepte de financer le projet sans garanties internationales. Le ministre a cependant indiqué que les autorités avaient déjà reçu « une offre chinoise » qui se satisfaisait de garanties « locales », évoquant une « note positive majeure ». Les trois acteurs cités devront alors coopérer pour formuler une offre aux critères fixés par le Liban. Le ministre a de plus donné une estimation du coût des centrales concernées, soit « entre 500 et 600 millions de dollars » chacune, celles-ci déployant des capacités maximales de 825 mégawatt (MW). Cette enveloppe n’inclut pas les travaux de renforcement du réseau de transport (les lignes et les stationsde haute et moyenne tension), a-t-il ajouté.
La construction de ces centrales s’inscrit, elle, dans la phase à moyen terme du plan que le ministre avait commencé à présenter en détail à la presse dès février. Cette phase prévoit de déployer plusieurs installations majeures à Zahrani : une unité flottante de stockage et de re-gazéification du gaz naturel liquéfié (FSRU) afin de pouvoir acheminer du gaz jusqu’à ce site, ainsi qu’une centrale au gaz de 825 MW, une des trois prévues par le plan initial dans son ensemble. Au niveau de Deir Ammar, le plan prévoit d’ajouter une turbine à gaz provisoire, qui dotera le site d’une capacité supplémentaire pouvant aller jusqu’à 520 MW, en plus des quelque 400 MW déjà disponibles sur le site. Dans le même temps, les anciennes centrales de Zouk (Kesrouan) et de Jiyeh (Chouf) doivent être démantelées. Seules demeureront les unités de production les plus récentes.
En revanche, le projet de construction d’une centrale et d’un FSRU à Selaata, dans le caza de Batroun, n’a pas été retenu, même si rien n’empêche dans l’absolu qu’il le soit plus tard, si de nouvelles données le justifient. Il reste que pour l’heure, le projet de Selaata, qui était soutenu par le camp du chef de l’État Michel Aoun, est loin d’avoir les faveurs du reste de la classe politique comme des bailleurs de fond internationaux. Répondant aux questions des journalistes, le ministre a rejeté les affirmations indiquant que le projet avait été « refusé », ajoutant qu’il s’inscrivait sur le long terme. La phase à court terme inclut enfin plusieurs projets devant permettre d’augmenter rapidement la production de courant, notamment via des projets lancés dans le cadre d’une initiative américaine, et qui doivent en principe être financés en partie par la Banque mondiale (BM).
La sécurité alimentaire
Les ministres ont également examiné la question de la sécurité alimentaire dans le pays, menacée depuis l’invasion russe de l’Ukraine. « Une commission chargée de veiller sur la sécurité alimentaire travaille à tous les niveaux pour assurer le blé et les produits essentiels sur le marché local », a affirmé le ministre de l’Économie Amine Salam lors d’un point de presse. « Plus de 50 000 tonnes de blé se trouvent sur place », a-t-il indiqué, déplorant toutefois le fait que la Banque du Liban (BDL) ait tardé à ouvrir les crédits pour couvrir les frais d’importation de cette céréale. « Le besoin du marché local est assuré et des cargaisons de blé sont arrivées. (...) Dès que la BDL ouvrira les crédits, la farine sera livrée aux boulangeries et la crise dont on souffre sera résorbée », a-t-il expliqué. Plus tôt dans la journée, la Fédération des syndicats des minoteries et boulangeries avait proclamé que le Liban était « aux portes d’une crise du pain », en pointant du doigt les retards de paiement de la Banque centrale. Un discours quasiment identique à celui tenu par la profession à chaque fois que ce type de retard survenait depuis le début de la crise.
Amine Salam a par ailleurs précisé qu’il coordonne avec la BM pour couvrir les frais d’importation de blé et de certains produits alimentaires essentiels pour une « période comprise entre six et huit mois en vue d’éviter des pénuries ». Il a également noté avoir demandé au chef de l’État et au Premier ministre d’ « accélérer les négociations avec le FMI », assurant que « la semaine prochaine constituera une étape charnière » et permettrait de favoriser le financement requis de la BM.
Dossiers divers
Le ministre de l’Économie a enfin démenti tout torpillage des négociations avec le FMI en amont des législatives du 15 mai, auxquelles tient une grande partie de la communauté internationale. Au début de la réunion, Nagib Mikati avait lui fait état d’une « avancée essentielle au niveau de l’approche des dossiers essentiels liés au plan de redressement économique que le gouvernement veut établir avec le FMI ».
Le chef du gouvernement a par ailleurs assuré que les législatives « auront lieu dans les délais prévus parce qu’elles sont une exigence libanaise avant d’être une exigence des amis du Liban ». Le chef du gouvernement a souligné que « le ministère de l’Intérieur continue de prendre les mesures nécessaires pour organiser le scrutin et a signé ce matin les décrets concernant leur financement ». Il a aussi noté avoir transféré les documents au chef de l’État. Le chef du gouvernement a enfin considéré que « le tollé provoqué par les propos du vice-Premier ministre Saadé Chami était intentionnel et visait à semer la panique et le désespoir parmi les Libanais ». Saadé Chami avait annoncé lundi que « l’État et la Banque du Liban sont en faillite », avant de souligner que ses propos avaient été tronqués. Le chef du gouvernement a enfin affirmé avoir chargé le ministre Maoulaoui de présider une réunion du Conseil de sécurité de Tripoli (Liban-Nord) et de prendre les mesures nécessaires, après que plusieurs accrochages armés ont éclaté dans la ville entre familles rivales au cours des deux derniers jours.
Pendant la réunion, les ministres étaient également censés examiner certaines modifications des conditions de l’exploration offshore. Des projets de loi visant à effectuer des transferts de crédits des réserves du Budget de l’État à plusieurs ministères étaient également à l’ordre du jour. La question des nominations diplomatiques, attendue depuis des mois, n’était pas, elle, à l’ordre du jour. Parallèlement à la réunion, des contractuels de l’Université libanaise qui souhaitent être titularisés ont tenu un sit-in devant le Grand Sérail afin de dénoncer le fait que leur dossier n’a pas été examiné.
Encore une mensonge de plus. Où sont restées les 10 heures du courant promises par Monsieur Fayad ?????
13 h 46, le 07 avril 2022