Amis, mes chers amis de Bernard Pivot, Allary éditions, 2022, 156 p.
L'amitié, dont Aristote disait qu'elle est « une âme en deux corps », a déjà inspiré de nombreux auteurs comme Cicéron, Montaigne, Francesco Alberoni, Tahar Ben Jelloun ou Manuel Younes au Liban. Après son essai réussi sur la vieillesse (... mais la vie continue), Bernard Pivot aborde dans Amis, chers amis le thème de la relation d'amitié, non d'un point de vue philosophique, mais sous un angle très personnel. Ayant défini l'amitié et déterminé les circonstances susceptibles de la renforcer ou de l'affaiblir, il évoque avec tendresse, nostalgie et pudeur ses « compagnons de route », des amis d’enfance ou d’âge mûr, des amis écrivains, comédiens ou éditeurs, ainsi que des amis aux « affinités » œnologiques (n'a-t-il pas lui-même publié un Dictionnaire amoureux du vin ?). Marguerite Duras, Jean-Claude Lattès, Philippe Alexandre, Michel Piccoli, Jorge Semprun ou Robert Sabatier... défilent dans cette galerie de portraits et de souvenirs, sous la plume alerte de l’animateur d’Apostrophes et de Bouillon de culture qui, pendant sa carrière réussie, s’est bien gardé de tout « copinage » qui entacherait son indépendance. Pivot a le sens de la formule et émaille son texte de réflexions pertinentes sur l'amour-amitié (« Passer de l'amitié à l'amour, c'est passer du salon à la chambre, du jour à la nuit, de l'intermittence au plein-temps, de la liberté de mouvement à la contrainte par corps », affirme-t-il), l'amitié et l'argent, les amitiés de longue durée que ni le temps ni la séparation n'altèrent (« Vieille amitié ne craint pas la rouille », dit le proverbe), les sociétés d'amis d'écrivains et l'académie Goncourt où il a longtemps siégé, les faux amis, sans compter l'amitié avec un animal – qui s'apparente davantage à de l'amour. L'auteur insiste à juste titre sur l'idée de « partage » : le partage des déceptions comme des heureuses surprises, des chagrins comme des joies. « Les parts ne sont pas égales, admet-il, mais l'essentiel est que l'ami y ait apporté sa contribution. »
« L'amitié est une île d'éthique dans un monde sans morale où tous sont en guerre contre tous », écrivait Francesco Alberoni. En refermant cet opus, comment ne pas lui donner raison ?