
L’éclectique jazzman afro-américain Jon Batiste a remporté cinq Grammy Awards, dont l’album de l’année, considéré comme la récompense suprême de l’industrie musicale américaine. Patrick T. Fallon/AFP
L’éclectique jazzman afro-américain Jon Batiste et l’inattendu projet rétro Silk Sonic, porté par Bruno Mars, ont triomphé dimanche dans la nuit (hier au petit matin au Liban) aux Grammy Awards, équivalent des oscars pour la musique américaine. Autre moment fort en émotions de cette soirée, l’apparition du président ukrainien Volodymyr Zelensky qui a demandé aux artistes et au monde de soutenir son pays envahi par la Russie.
Signe avant-coureur de leur succès, la soirée de gala de la 64e édition, déplacée de Los Angeles à Las Vegas pour cause de pandémie de Covid-19, s’était ouverte en début de soirée avec une performance toute en énergie de Silk Sonic. Fine moustache pour Bruno Mars, déconcertante perruque au bol rappelant Mireille Mathieu pour Anderson .Paak, les deux hommes au cœur de ce projet inspiré des sons, paillettes et cols pelle à tarte des années 1970, sont revenus sur scène un peu plus tard pour recevoir le prix convoité de la chanson de l’année. Le public du MGM Grand Garden Arena les retrouvait encore un peu plus tard pour l’enregistrement de l’année, une autre catégorie majeure des Grammy Awards. « On fait tout notre possible pour rester humbles à ce stade, mais dans le métier, on appelle ça une victoire écrasante », a déclaré Anderson .Paak. « On vous aime tous. C’est Silk Sonic qui paye la tournée ce soir », a-t-il lancé à ses adversaires malheureux.
Jon Batiste s’est montré plus élégant après avoir reçu le Grammy Award de l’album de l’année, considéré comme la récompense suprême de l’industrie musicale américaine. « J’en suis profondément convaincu, il n’y a pas de meilleur artiste, de meilleur musicien, de meilleur danseur, de meilleur acteur. Les arts créatifs sont subjectifs et ils touchent les gens à un moment de leur vie où ils en ont le plus besoin », a lancé le musicien virtuose en recevant son prix, le cinquième de la journée. Jon Batiste, âgé de 35 ans, était le grand favori de la soirée avec onze nominations. Il a notamment été récompensé pour la musique du film d’animation Soul qui lui avait valu un oscar en 2021, mais il concourait dans presque tous les styles (R&B, jazz, classique, etc.).
Autre favorite, la jeune Olivia Rodrigo a vécu une soirée en demi-teinte. Si elle a bien été sacrée révélation de l’année, un prix très convoité pour lancer une carrière, elle n’a pas réussi le grand chelem dans les quatre catégories majeures que certains lui prédisaient, comme Billie Eilish voici deux ans. L’artiste âgée de 19 ans, révélée par Disney Channel, a aussi reçu le prix de la meilleure performance pop solo pour son titre Driver’s License, l’emportant face à des pointures comme Justin Bieber, Billie Eilish, Ariana Grande et Brandi Carlile.
Billie Eilish, Justin Bieber et Lil Nas X figuraient parmi les principaux candidats de la soirée en termes de nominations, mais sont repartis bredouilles, malgré des performances mémorables sur scène. Lady Gaga a aussi assuré le spectacle en interprétant plusieurs chansons de Love for Sale, son album en duo avec Tony Bennett, qui l’a présentée dans un court message vidéo. Doja Cat a sauvé la mise en remportant le Grammy de la meilleure performance pop en duo grâce à sa collaboration avec la chanteuse SZA sur le tube Kiss Me More, mélange acidulé particulièrement réussi entre pop et rap saupoudrés de paillettes disco.
L’inattendu duo rétro Silk Sonic, formé par Bruno Mars et Anderson.Paak, a inauguré sur scène la cérémonie des Grammy Awards avec une performance toute en énergie. Le duo a glané deux des plus prestigieux prix. Valérie Macon/AFP
Le « silence des villes en ruine »
De son côté, le président ukrainien a ému tous les participants en prenant la parole, via un enregistrement vidéo, pour appeler les artistes à soutenir son peuple. « La guerre. Qu’est-ce qui est l’exact opposé de la musique ? Le silence des villes en ruine et des gens tués », a-t-il lancé, vêtu de son désormais habituel tee-shirt kaki, avant une performance de John Legend, rejoint sur scène par les artistes ukrainiens Mika Newton et Lyuba Yakimchukt. « Dites la vérité sur la guerre, sur vos réseaux sociaux, à la télé. Soutenez-nous de toutes les manières possibles, toutes sauf le silence. Et après, viendra la paix », a ajouté Volodymyr Zelensky.
Le fantasque Kanye West était aussi en lice avec son album Donda, dont deux titres ont été primés dans la catégorie rap, Hurricane et Jail. L’artiste n’avait visiblement pas fait le déplacement à Las Vegas. Il devait initialement se produire sur scène, mais les organisateurs lui avaient fait savoir qu’il n’était plus le bienvenu. En cause : des attaques sur les réseaux sociaux contre l’humoriste Pete Davidson, en couple avec son ex-femme Kim Kardashian, et contre l’animateur de la soirée Trevor Noah, qui ont valu à Ye (nouveau nom de Kanye West par lequel il exige qu’on l’appelle désormais) une brève suspension d’Instagram.
Côté rockeurs, les Foo Fighters ont remporté les trois prix pour lesquels ils étaient en lice, une semaine après la mort soudaine de leur batteur Taylor Hawkins en Colombie, peu avant un concert. Le groupe de Dave Grohl, l’ex-batteur de Nirvana, a reçu les Grammys du meilleur album de rock, de la meilleure chanson rock et de la meilleure performance rock.
Maggy DONALDSON
et Laurent BANGUET/AFP