
Le patriarche maronite Béchara Raï au palais présidentiel de Baabda. Photo d'archives Palais présidentiel/Anadolu Agency
Le patriarche maronite Béchara Raï, dont les liens avec le président de la République Michel Aoun sont tendus en raison de profondes divergences sur différents dossiers, a adressé dimanche une pique indirecte au chef de l’État, à l'approche des élections législatives du 15 mai et alors que la nouvelle Chambre devra élire son successeur en octobre. Le cardinal a ainsi estimé que des législatives réussies garantiraient l'élection d'un président de la République qui soit à la hauteur des défis, alors que les détracteurs du chef de l’État taxent son mandat de catastrophique dans un pays en plein effondrement depuis trois ans.
"Les élections, dans les sociétés démocratiques sont une opportunité pour les peuples d'apporter un changement pour le meilleur. Voter signifie changer. Voter, c'est choisir les meilleurs. Le populisme ne doit pas être à la base des élections," a mis en garde le chef de l’Église maronite, dans son homélie dominicale à Bkerké.
A la hauteur des défis
"Le peuple, tout entier, doit voter pour les meilleurs, s'il veut le changement et les réformes", a estimé le prélat. "Cela ne peut pas se faire si les citoyens restent chez eux le jour de l'élection", a-t-il prévenu. "Des législatives réussies dans leur organisation et leurs résultats sont la garantie d'une réussite de l'élection d'un nouveau président qui soit à la hauteur des défis pour le redressement du Liban", a estimé Mgr Raï. Il a enfin appelé le gouvernement du Premier ministre Nagib Mikati à "hâter la mise en place des réformes économiques et financières, car la vitesse de l'effondrement est supérieure au rythme de ces réformes".
Les élections législatives sont perçues par une partie de la population ainsi que par la communauté internationale comme une étape indispensable pour le changement dans un Liban en plein effondrement économique et financier depuis 2019. Certains observateurs craignent un report du scrutin sous divers prétextes, alors que les partis au pouvoir, notamment le courant aouniste, sont en perte de popularité. Toutefois, ces partis affirment tous être en faveur de la tenue du scrutin.
"Il y a de grandes différences de points de vue entre le patriarche et le chef de l’État", reconnaissait récemment un proche de Bkerké sous couvert d’anonymat à L'Orient-Le Jour. "Ils divergent sur des dossiers stratégiques de taille. Je ne dirai donc pas que la relation entre eux est bonne. Elle est plutôt ordinaire", estimait-il. La présidence et l’Église maronite divergent d’abord – et surtout – sur les armes du Hezbollah et le positionnement politique d’un Liban qui n’arrive pas à définir une politique étrangère claire. Depuis près de deux ans, Béchara Raï plaide sans relâche pour consacrer la neutralité du Liban par rapport aux conflits régionaux, au moment où le Hezbollah, allié de longue date de Michel Aoun, est impliqué dans ces conflit, en Syrie ou au Yémen, soutenu par son sponsor iranien.
Justice
Autre dossier sur lequel divergent Mgr Raï et le chef de l’État : les poursuites judiciaires engagées contre le gouverneur de la Banque du Liban Riad Salamé et certains établissements bancaires. "Les soupçons autour du travail de la justice au Liban sont de plus en plus nombreux, alors qu'une partie de cette justice est désormais un outil aux mains du pouvoir politique", a ainsi déploré le patriarche Raï, qui critique régulièrement la procureure générale près la Cour d'appel du Mont-Liban, Ghada Aoun, proche du président Aoun. "Sommes-nous devant une lutte contre la corruption ou une lutte contre les adversaires politiques ?", s'est demandé le cardinal.
Monseigneur, vous avez eu toute notre attention et notre admiration pour vos déclarations sur la neutralité du Liban et le désarmement des milices sur son sol. Que vous est il donc arrivé? Quelle pression avez-vous subi pour arrêter de marteler cette exigence jusqu’à ce qu’elle deviennent la seule condition pour que le Liban puisse sortir de cet enfer? Il ne fallait pas relâcher la tension ni changer de message. Notre seul ennemi veut nous impliquer dans toutes ses barbaries et nous ne voulons qu’une chose, vivre en paix sur notre sol, loin des guerres et des conflits, (dans ce domaine avons déjà donné) avec tous nos compatriotes comme jadis, avant que les conflits externes ne viennent perturber notre quiétude et notre vivre ensemble et avant que ce cancer de HB ne se propage dans nos villes et villages pour les gangréner et les tuer après avoir anéanti nos institutions et nos rêves avec.
13 h 00, le 04 avril 2022