
Une femme passe devant une boutique militaire décorée de l’étoile rouge, symbole de l’armée russe, à Moscou le 31 mars 2022. Natalia Kolesnikova/AFP
Ils ont 18 ans. À l’heure d’une nouvelle saison de conscription militaire en Russie, certains se disent prêts, même s’il faut combattre en Ukraine, quand d’autres sont soulagés d’avoir un sursis ou vont tout faire pour en obtenir un.
« Je n’irai nulle part, je vais essayer de gruger », déclare sans ambages Evguéni Ptitsyne, un étudiant interrogé par l’AFP à Saint-Pétersbourg. En Russie, plus de 250 000 hommes de 18 à 27 ans font chaque année leur service militaire obligatoire d’un an. L’armée procède à deux périodes d’appel, l’une au printemps/été et l’autre à l’automne.
Pour cet appel du printemps 2022, qui a débuté hier, le président Vladimir Poutine a fixé pour objectif d’envoyer 134 500 jeunes dans les casernes. Les premières affectations dans des unités doivent intervenir fin mai.
Mais le service militaire est relativement impopulaire en Russie face à la peur de violents bizutages et la perspective de travaux ennuyeux ou laborieux. De nombreux jeunes Russes, souvent aidés activement par leurs parents, multiplient les stratégies pour y échapper en payant des pots-de-vin à des responsables ou en obtenant des exemptions médicales ou grâce à leurs études. Cette année, l’angoisse est encore décuplée face la possibilité, réelle ou imaginaire, d’être envoyé sur le front ukrainien.
« Je ne veux pas »
Le 9 mars, le ministère de la Défense a reconnu que des conscrits combattaient en Ukraine et que certains avaient été faits prisonniers. Mais l’armée russe a assuré que ceux-ci avaient été envoyés sur le front par erreur et rapatriés depuis.
Le Kremlin affirme que seuls des soldats et officiers professionnels, ayant signé un contrat, combattent actuellement en Ukraine. « Les appelés ne sont pas envoyés et ne sont pas encouragés à participer à l’opération », a dit hier Dmitri Peskov, le porte-parole de la présidence. Mais plusieurs médias indépendants ont signalé des cas de conscrits ayant été contraints ou très vivement encouragés à signer un contrat puis envoyés sur le front ukrainien.
« Je ne veux pas aller à la guerre », affirme Vassili Kravtsov, 18 ans, qui travaille dans le secteur des hautes technologies à Moscou. Le gouvernement russe a accordé la semaine dernière un sursis de service militaire pour les employés de ce secteur, pour empêcher la fuite des cerveaux provoquée par l’offensive.
Une décision qui a rendu « très heureux » Vassili Kravtsov.
Konstantin Zaikine, 17 ans, a lui une dispense pour raison de santé. Et de toute façon, il ne veut pas « servir dans l’armée russe et être utilisé par les officiers pour faire du jardinage ».
« Mais je servirais bien dans l’armée israélienne, eux, ils ont de vrais professionnels », poursuit ce jeune Moscovite. Même si les troupes russes se sont fortement professionnalisées depuis le milieu des années 2000, la conscription persiste pour des raisons budgétaires, mais aussi culturelles dans un pays cultivant de longue date le culte de l’armée et du patriotisme.
Et dans une Russie où sont désormais réprimées les critiques de l’offensive militaire en Ukraine, présentée comme un conflit défensif face aux « nazis » ukrainiens, plusieurs jeunes russes rencontrés par l’AFP approuvent le discours du Kremlin et disent être prêts à combattre.
« Je ne veux pas participer aux opérations militaires mais s’il le faut, alors j’irai. On est dans une situation où on a besoin de monde, on se retire en ce moment autour de Kiev », affirme Semion Petrov, 18 ans, en référence au repli constaté ces derniers jours des forces russes autour de la capitale ukrainienne.
« Je n’aimerais pas faire mon service mais je serais prêt à partir à la guerre.
Pour les nôtres ! » lance Sergueï Bojenov, 18 ans, tout en précisant qu’il n’est pas « appelable » pour des raisons de santé. Nikolaï Smirnov, 17 ans, lui, n’hésite pas une seconde : « Je veux servir et accomplir mon devoir. Les opérations militaires en ce moment ne m’inquiètent pas, je suis prêt à défendre mon pays. »
Victoria LOGUINOVA-YAKOVLEVA/AFP