
Le mufti de la République libanaise, le cheikh Abdel Latif Deriane. Photo Ani
Le mufti de la République libanaise, le cheikh Abdellatif Deriane, a exhorté vendredi les Libanais à participer "sans hésitation" aux élections législatives programmées pour le 15 mai, un scrutin boycotté par le leader sunnite et ex-Premier ministre Saad Hariri, dont le mufti est pourtant proche.
"Le Liban d'abord"
"Il faut que tous les Libanais se rendent aux urnes sans hésitation", a affirmé le cheikh Deriane, dans un message adressé aux Libanais, à la veille du mois du Ramadan qui débute en fin de semaine. Réagissant aux réactions mitigées des Libanais quant à un scrutin perçu par certains comme une opportunité de changement, alors que d'autres ne s'attendent pas à des percées significatives, le mufti a déclaré: "Je vois que de nombreux candidats, qu'ils soient d'anciennes ou de nouvelles figures, sont des personnes qui veulent le changement". "Les élections sont aussi importantes que le slogan "le Liban d'abord" que nous avons tous brandi", a rappelé le mufti, en référence au slogan des forces du 14 Mars, hostiles au Hezbollah pro-iranien, y compris le courant du Futur de M. Hariri, à la suite des législatives de 2009.
Ce n'est pas la première fois que le mufti Deriane appelle à une forte participation de la communauté sunnite aux législatives, dans ce qui sonne comme une prise de distance par rapport à M. Hariri, après que Dar el-Fatwa a essuyé des critiques pour sa proximité avec l'ex-Premier ministre.
Le mufti s'est en pris, par ailleurs, au pouvoir en place, largement décrié par les Libanais depuis le soulèvement populaire du 17 octobre 2019 sur fond de crise économique et financière inédite. Le dignitaire religieux a ainsi accusé "ceux qui sont au pouvoir de démolir tout ce que les Libanais ont construit pendant des années, et d'entraver toute tentative de changement ou de réforme", dans une critique claire du camp de la présidence de la République et du Courant patriotique libre (CPL, fondé par le chef de l'Etat Michel Aoun), qui a longtemps brandi ce slogan, avant la présidentielle de 2016.
"En dépit de la corruption et de tous les échecs, nous n'allons pas baisser les bras face à la famine (imposée de la part) des corrompus", a promis le cheikh Deriane.
"Le Liban chrétien, c'est mon Liban"
A son tour, le mufti jaafarite chiite, Ahmad Kabalan, réputé proche du Hezbollah, a adressé un message aux Libanais à la veille du Ramadan. Il a affirmé que "tous les indices montrent que le pays se dirige vers (la tenue) des législatives", alors que plusieurs voix se sont récemment élevées pour mettre en garde contre un éventuel report du scrutin, quels qu'en soient les motifs.
"Le Liban chrétien, le Liban de l'Eglise, c'est mon Liban", a dit le dignitaire chiite, qui a plaidé en faveur de "la citoyenneté, loin du confessionnalisme". "Il faut protéger le projet de l'Etat, de l'armée et des forces de sécurité, sauver le pouvoir monétaire et améliorer la structure du pouvoir judiciaire, en vue d'une justice loin des calculs politiques et confessionnels", a encore estimé le cheikh Kabalan. Et de conclure : "Il faut assurer une majorité parlementaire capable de prendre des décisions cruciales pour sauver le pays de l'effondrement et du blocus américain".
Mufti Derian comme Cheikh Kabalan presse les électeurs à déposer leurs voix dans l'urne. Ok. On nous annonce un Liban laïc, avec la séparation des pouvoirs. Finalement, on le voit bien tout le monde se mêle de politique. Que pense Saad Hariri de l'appel du Mufti ? Étonnant à première vue, quand le politique se retire, c'est le religieux qui prend sa place et son rôle.
19 h 03, le 02 avril 2022