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Moyen-Orient - Éclairage

Israël et la Cisjordanie en état d’alerte maximale après une vague d’attentats

Deux des trois attaques ont été commises par des membres se revendiquant de l’organisation jihadiste État islamique, faisant craindre d’autres violences à venir.

Israël et la Cisjordanie en état d’alerte maximale après une vague d’attentats

Un homme portant le drapeau israélien lors des obsèques de Yaakov Shalom, l’une des cinq victimes de la fusillade de Bnei Brak, au cimetière de Yarkon, dans la ville de Petah Tikva, le 30 mars 2022. Jack Guez/AFP

« Les Israéliens ne se réveillent pas le matin en pensant au conflit », assénait Naftali Bennett devant l’Assemblée générale des Nations unies en septembre 2021. Certainement, probablement. Sauf lorsque ce « conflit » les rattrape. Il y a une semaine, il y a 6 ans, il y a 20 ans. Lorsque la violence surgit là où on ne l’attend plus. Lorsque les dispositifs sécuritaires les plus perfectionnés ne suffisent pas, et que le mur de « séparation » sanctuarise, sans protéger.

Depuis une semaine, l’État hébreu est endeuillé par une vague d’attentats qui réveille le souvenir des années 2000 et de la fin 2015. Entre le 22 et le 30 mars, trois attaques commises à l’intérieur de la « ligne verte » ont coûté la vie à 11 personnes, dont une majorité de civils. Le premier assaut, qui a eu lieu dans la ville de Beersheba, capitale du Néguev, a fauché quatre Israéliens. Cinq jours plus tard, une fusillade tue deux policiers dans la ville côtière de Hadera. Avant qu’un Palestinien originaire de Yaabad, près de Jénine en Cisjordanie, ne tire à l’arme automatique mardi soir, abattant cinq personnes à Bnei Brak, un quartier ultraorthodoxe de la banlieue de Tel-Aviv.

L’onde de choc provoquée par le retour du « spectre terroriste » est d’autant plus forte que deux des assaillants se revendiquent de l’organisation jihadiste État islamique. S’il est encore tôt pour établir une tendance claire compte tenu du manque d’information, il semble que les attentats n’aient pas été directement commandités par l’EI, dont l’idéologie et la doctrine auraient plutôt nourrit les mobiles d’action. « Comme dans beaucoup de cas, il se pourrait que les attaques aient simplement été inspirées par l’organisation », indique Joseph Votel, chercheur en sécurité nationale au MEI.

Depuis la perte de ses territoires syrien et irakien en 2019, l’autoproclamé « califat » privilégie un mode opératoire diffus, décentralisé, ne nécessitant pas que ses membres se déplacent. « Cela semble correspondre à la stratégie actuelle de l’EI dans la région – un faible coût pour un impact maximal, en encourageant des “loups solitaires” à agir dans leurs pays d’origine », explique Ardian Shajkovci, directeur de l’American Counterterrorism Targeting and Resilience Institute (Actri).

Autre élément favorisant la thèse d’actes isolés : les opérations commanditées par l’organisation reflètent généralement un niveau de complexité et de coordination plus avancé, comme lors des attentats de Paris en 2015 qui avaient été commis simultanément sur plusieurs sites. « Mais, même s’il s’agissait simplement d’une affiliation d’apparence, cela suffirait à fournir un coup de pouce opérationnel énorme à l’organisation afin d’élargir sa base de recrutement », poursuit ce dernier.

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Face à l’ampleur et la nature inédite de la menace, le haut commandement de l’armée a validé dès mercredi le déploiement de renforts à l’intérieur du territoire, en Cisjordanie, et le long de la frontière avec Gaza. Des raids ont également eu lieu afin d’arrêter des proches des assaillants suspectés de complicité, à Oum el-Fahm, dans le nord du pays, et à Jénine, où une opération dans un camp de réfugiés a coûté la vie à deux jeunes Palestiniens hier matin.

Au-delà de la réaction de terrain, c’est tout un pan du discours sioniste qui a été mobilisé autour du triptyque « union sacrée, lutte contre l’ennemi, combat pour la survie ». « Nous sommes au début d’une période difficile » a averti Naftali Bennett lors d’une allocution télévisée après l’attentat de mardi. Puisant dans la mémoire multiséculaire du peuple juif et faisant appel à la fibre nationaliste, le Premier ministre israélien a rappelé que « le secret de notre existence est notre détermination, pour protéger la maison que nous construisons, à tout prix ».

Côté palestinien, le président de l’Autorité palestinienne Mahmoud Abbas a condamné les attaques dans un communiqué, précisant que « le meurtre de civils palestiniens et israéliens ne fait qu’aggraver davantage la situation ». Ismaïl Haniyé, chef du bureau politique du Hamas au pouvoir dans la bande de Gaza depuis 2007, a salué l’« opération héroïque », tandis que le Jihad islamique, mouvement islamiste implanté en Cisjordanie, notamment dans la région de Jénine, a annoncé une « mobilisation générale des Brigades al-Qods ». Alors que l’EI avait jusque-là peu de recrues dans les rangs palestiniens, « le fait que des groupes comme le Hamas, traditionnellement opposé à l’EI, ait accueilli favorablement ces attaques est inquiétant, et cela nécessite de réévaluer la relation entre ces groupes de résistance locaux et l’organisation jihadiste », indique Ardian Shajkovci.

Troisième intifada

Outre les risques liés à une réplique des attentats, la séquence s’inscrit dans un contexte électrique. « Une troisième intifada est en gestation, elle sera extrêmement violente et balaiera les accords d’Abraham (qui ont ouvert la voie, en 2020, à une série de normalisations israélo-arabes, NDLR)… », indique Bruce Riedel, ancien responsable à la CIA et chercheur à la Brookings Institution. À l’approche des rassemblements liés aux fêtes religieuses (jeûne du ramadan à partir du 2 avril, Pâques juive et chrétienne) et moins de deux mois avant le premier anniversaire du soulèvement populaire du printemps 2021 ayant mené à une confrontation de 11 jours entre le Hamas et l’armée israélienne, le moindre accroc est susceptible de mettre le feu aux poudres. La commémoration de la « Journée de la terre », le 30 mars de chaque année, s’est tenue mercredi sans troubles majeurs. Mais les autorités redoutent qu’une réaction trop sévère aux attentats de cette semaine, par exemple en limitant l’accès aux lieux de culte musulmans, n’amplifie la colère des Palestiniens. Cela avait été le cas en mai de l’année dernière, lorsque l’accès à l’esplanade des Mosquées avait été restreint, à Jérusalem, provoquant des mouvements de foule violemment réprimés par l’armée israélienne. La tension était à son comble hier, tandis qu’une attaque au couteau avait lieu dans un bus près d’Elazar, une colonie israélienne implantée en Cisjordanie. Selon l’AFP, un Palestinien aurait poignardé un passager, le blessant grièvement, avant d’être abattu.

Une série de provocations et d’agressions font également craindre une escalade violente en provenance de l’extrême droite israélienne. Depuis le début de la semaine, plusieurs attaques ont été perpétrées contre des Arabes en Israël et en Cisjordanie. Itamar Ben-Gvir, député et représentant de Pouvoir juif (Otzma Yehudit, parti antiarabe d’extrême droite) a également réclamé hier un accès à l’esplanade des Mosquées (ou Mont du Temple pour les juifs). La requête, perçue comme une provocation, pourrait jeter de l’huile sur le feu.

Afin d’anticiper une montée des tensions, le président israélien, Isaac Herzog, ainsi que le ministre de la Défense, Benny Gantz, se sont rendus en Jordanie pour s’entretenir avec le roi Abdallah II. Ce dernier s’était lui-même déplacé à Ramallah afin de rencontrer le président de l’Autorité palestinienne Mahmoud Abbas, dimanche, en marge du sommet du Néguev qu’il avait choisi de boycotter.

Si l’ensemble des forces ont été mobilisées afin de faire face aux risques à court terme, la série d’attentats soulève également un certain nombre de questions plus structurelles pour l’État hébreu. L’appareil sécuritaire aurait-il dû, et pu, prévenir ces attaques ? Quelle est l’implantation réelle de l’EI sur le territoire et comment y faire face ? « Les attaques attirent l’attention sur la nécessité de s’intéresser au sort des détenus, notamment ceux condamnés pour des charges de terrorisme, et de se pencher sur les causes plus profondes au niveau communautaire, qui poussent des individus à commettre ce genre d’actes », souligne Ardian Shajkovci.

« Les Israéliens ne se réveillent pas le matin en pensant au conflit », assénait Naftali Bennett devant l’Assemblée générale des Nations unies en septembre 2021. Certainement, probablement. Sauf lorsque ce « conflit » les rattrape. Il y a une semaine, il y a 6 ans, il y a 20 ans. Lorsque la violence surgit là où on ne l’attend plus. Lorsque les dispositifs...

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"Ne pouvant fortifier la justice, ils ont justifié la force" (Pascal) C'est pourquoi Israel, même "vainqueur" ne sera jamais en paix. A bon entendeur!

Politiquement incorrect(e)

14 h 33, le 01 avril 2022

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Commentaires (1)

  • "Ne pouvant fortifier la justice, ils ont justifié la force" (Pascal) C'est pourquoi Israel, même "vainqueur" ne sera jamais en paix. A bon entendeur!

    Politiquement incorrect(e)

    14 h 33, le 01 avril 2022

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