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Moyen-Orient - Eclairage

Le Caire et Doha franchissent un pas supplémentaire dans leurs relations bilatérales

Tandis que l’Égypte cherche des soutiens financiers pour éviter un effondrement économique face à l’impact de la guerre en Ukraine, le Qatar en profite pour renforcer sa position dans la région.

Le Caire et Doha franchissent un pas supplémentaire dans leurs relations bilatérales

Le ministre égyptien des Affaires étrangères Sameh Choukri et le chef de la diplomatie qatarie Mohammed ben Abderrahmane Al-Thani, lors d'une conférence de presse au Caire le 28 mars 2022. AFP PHOTO / HO / MINISTÈRE ÉGYPTIEN DES AFFAIRES ÉTRANGÈRES

Cinq milliards de dollars. C’est le montant des contrats d’investissements et de partenariats signés cette semaine entre Doha et Le Caire et annoncés mardi par les autorités égyptiennes. Ces accords viennent conclure la visite d’une délégation menée par le vice-Premier ministre et ministre des Affaires étrangères qatari, Cheikh Mohammed ben Abderrahman Al-Thani dans la capitale égyptienne, où il a rencontré notamment le président Abdel Fattah el-Sissi. L’occasion pour « les deux pays frères » d’affirmer l’importance de leur coopération dans différents domaines, selon les déclarations officielles, plus d’un an après la fin du blocus contre le Qatar. Un rapprochement qui intervient dans le contexte de la guerre en Ukraine, dont l’impact sur les cours des matières premières fait craindre une crise économique en Égypte, plaçant par ailleurs Doha au cœur de la stratégie occidentale pour remplacer le gaz russe dans les importations européennes.

« Le fait que le Qatar, en tant que proche partenaire des États-Unis, prenne des mesures pour tenter de minimiser les retombées économiques de l’invasion russe en Ukraine en fournissant une assistance à l’Égypte est cohérent avec les efforts de l’émirat pour essayer de traiter d’autres effets secondaires de la crise, comme son aspect énergétique », souligne Kristian Coates Ulrichsen, chercheur sur le Moyen-Orient au Baker Institute.

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Si les secteurs concernés par les contrats signés entre Doha et Le Caire n’ont pas été précisés, l’agence de presse qatarie (QNA) annonçait mercredi l’acquisition par QatarEnergy de 40 % d’un bloc d’exploration offshore en mer Méditerranée (North Marakia) détenu jusque-là par ExxonMobil. Cet investissement intervient alors que la guerre en Ukraine a provoqué une flambée des prix des hydrocarbures et que les Européens se montrent pressés de trouver des alternatives pour sortir de leur dépendance énergétique vis-à-vis de Moscou. Parmi les premiers exportateurs mondiaux de gaz naturel liquéfié, le Qatar a ainsi signé le 20 mars dernier des accords d’approvisionnement à long terme avec l’Allemagne pour remplacer le gaz naturel russe, qui représente actuellement 50 % des importations gazières du pays. Ayant déjà planifié l’année dernière d’augmenter sa production de gaz naturel liquéfié de plus de 60 % d’ici à 2027, l’émirat gazier semble désormais vouloir accélérer sa croissance à l’étranger pour être en capacité de récupérer à moyen et long termes les parts de marché que la Russie pourrait bientôt perdre.

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De son côté, bien que l’Égypte soit un petit exportateur de gaz, la hausse des cours du blé pèse lourd pour ce pays qui importe près de 85 % de sa consommation nationale et subventionne fortement le pain. En sus d’une inflation galopante et d’une dévaluation monétaire, le conflit aux confins de l’Europe fait planer le danger d’une insécurité alimentaire pouvant entraîner une instabilité politique que le pouvoir égyptien cherche à éviter à tout prix. A la recherche de soutiens financiers, Le Caire vient notamment de conclure un accord de 2 milliards de dollars avec les Émirats arabes unis pour le rachat d’actions étatiques dans diverses entreprises. Pour sa part, l’Arabie saoudite, qui avait annoncé en novembre dernier un dépôt de 3 milliards de dollars auprès de la Banque centrale égyptienne, a annoncé mercredi un nouveau dépôt pour un montant de 5 milliards de dollars, ce qui pourrait faciliter à l’Égypte l’obtention d’une aide du Fonds monétaire international (FMI). Selon les autorités égyptiennes, les deux pays se sont également entendus pour développer les investissements saoudiens dans le pays à hauteur de 10 milliards de dollars.

« Le passé est le passé »

Reflétant son adhésion au camp des deux pétromonarchies du Golfe depuis la chute du président Mohammed Morsi, le pays du Nil a entretenu ces dernières années des relations tendues avec Doha. « L’annonce des investissements (qataris) est un signal fort que le rapprochement politique entre Doha et Le Caire a réussi. (...) Cela envoie un message clair que le passé est le passé et que les liens égypto-qataris sont dans une phase nouvelle et très différente désormais », affirme Kristian Coates Ulrichsen. Soutien notoire des Frères musulmans dans la région, le Qatar s’est rangé au début des Printemps arabes du côté de la révolution égyptienne qui a porté Mohammed Morsi au pouvoir. A l’inverse, les Émiratis, qui honnissent la confrérie, auraient soutenu le coup d’État d’Abdel-Fattah el-Sissi en 2013 avant d’envoyer des aides financières conséquentes au Caire, de concert avec l’Arabie saoudite. En 2017, les deux pétromonarchies du Golfe entraînaient l’Égypte et le Bahreïn dans un blocus contre le Qatar en raison de ses liens avec l’Iran et de son soutien à des groupes islamistes de la région qu’ils considèrent comme terroristes. L’embargo a finalement été levé en janvier 2021 lors de la conférence d’Al-Ula, scellant ainsi la réconciliation officielle entre les pays du Conseil de coopération du Golfe. Depuis, l’émir qatari, Tamim ben Hamad Al-Thani, a rencontré le président égyptien en marge de la COP26 à Glasgow en novembre dernier, puis à Pékin lors de l’ouverture des JO d’hiver en février. Tout autant de pas vers un « retour à la normale », que QNA a salué comme désormais acquis en début de semaine. Des points de contentieux persistent néanmoins entre les deux pays, comme les quatre journalistes de la chaîne qatarie Al-Jazeera actuellement derrière les barreaux en Égypte pour diffusion d’intox et pour deux d’entre eux, appartenance à un groupe terroriste.

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La visite de la délégation qatarie au Caire s’est déroulée en outre quelques jours seulement après le sommet de Charm el-Cheikh le 24 mars, qui avait réuni le chef d’État égyptien, le premier ministre israélien et le prince héritier d’Abou Dhabi afin de parler de sécurité régionale et plus particulièrement du dossier iranien. Par ailleurs, elle a débuté le même jour que la rencontre au Néguev des ministres des affaires étrangères américain, israélien, émirati, égyptien, bahreïni et marocain, qui visait à créer une « nouvelle architecture » régionale pour « dissuader les ennemis communs, en premier lieu l’Iran et ses supplétifs », selon les mots de Yaïr Lapid. Contrairement aux participants arabes à cette réunion, le Qatar n’a pas signé d’accord de normalisation avec l’État hébreu et entretient de bonnes relations avec son voisin iranien. S’il n’a pas de raison de se rattacher au front anti-iranien qui se dessine dans la région, l’émirat a toutefois intérêt à ne pas être tenu totalement à l’écart des reconfigurations régionales.

Cinq milliards de dollars. C’est le montant des contrats d’investissements et de partenariats signés cette semaine entre Doha et Le Caire et annoncés mardi par les autorités égyptiennes. Ces accords viennent conclure la visite d’une délégation menée par le vice-Premier ministre et ministre des Affaires étrangères qatari, Cheikh Mohammed ben Abderrahman Al-Thani dans la capitale...

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