
Des voitures et des immeubles en ruine, à Marioupol, le 27 mars 2022. Alexander Ermochenko/Reuters
Les autorités ukrainiennes s’inquiétaient hier d’une aggravation de la situation dans le port assiégé de Marioupol, où au moins 5 000 personnes auraient déjà péri, et de nouveaux combats autour de Kiev. Alors que les combats se poursuivent, les pourparlers entre négociateurs russes et ukrainiens, arrivés hier à Istanbul, doivent débuter ce matin. Un des points importants des négociations porte sur « les garanties de sécurité et la neutralité, le statut dénucléarisé de notre État », a déclaré dimanche le président ukrainien Volodymyr Zelensky à des médias russes. Ce point « est étudié en profondeur », a-t-il affirmé. Mais il nécessitera un référendum et des garanties de sécurité, a-t-il prévenu, accusant Vladimir Poutine et son entourage de faire « traîner les choses ». Le porte-parole du Kremlin, Dmitri Peskov, a cependant tempéré les attentes hier, en affirmant que les négociations jusqu’ici n’avaient pas produit d’« avancées significatives ». À la veille de ces nouveaux pourparlers, la vice-Première ministre ukrainienne Iryna Verechtchouk a indiqué que Kiev avait renoncé à ouvrir des couloirs humanitaires lundi, redoutant de possibles « provocations » des troupes russes.
Plus d’un mois après le début de l’invasion russe, le président Zelensky a dénoncé un blocus total de Marioupol dont l’armée russe tente de s’emparer depuis fin février, et où environ 160 000 personnes sont toujours coincées, selon le maire de Marioupol, Vadim Boïtchenko. « Il est impossible de faire entrer à Marioupol des vivres et des médicaments », a affirmé dimanche soir M. Zelensky. « Les forces russes bombardent les convois d’aide humanitaire et tuent les chauffeurs », a-t-il ajouté, indiquant que les rues étaient jonchées de « cadavres » qu’il était impossible d’enterrer. « La population se bat pour survivre. La situation humanitaire est catastrophique », a affirmé de son côté le ministère ukrainien des Affaires étrangères sur Twitter. « Les forces armées russes sont en train de transformer la ville en poussière. » D’après un bilan de la mairie mi-mars, plus de 2 000 civils ont été tués à Marioupol depuis le début de l’invasion russe. Hier, le secrétaire général de l’ONU a annoncé que les Nations unies allaient chercher à mettre en place un « cessez-le-feu humanitaire » entre la Russie et l’Ukraine. Lors d’une déclaration à la presse au siège de l’organisation à New York, M. Guterres a déclaré avoir « demandé à Martin Griffiths (secrétaire général adjoint pour les Affaires humanitaires, NDLR) d’étudier immédiatement avec les parties impliquées la possibilité d’accords et d’arrangements pour un cessez-le-feu humanitaire en Ukraine ».
Contre-offensive
De nouveaux combats se déroulaient par ailleurs dans plusieurs localités autour de Kiev, notamment à Stoyanka, à la lisière ouest de la capitale. « L’ennemi tente d’effectuer une percée autour de Kiev et de bloquer les routes », a affirmé Ganna Malyar, vice-ministre de la Défense à la télévision ukrainienne, assurant que « la défense de Kiev » se poursuivait. Deux lignes à haute tension ont été endommagées dans les combats, privant d’électricité 82 000 habitants de la rive droite de la capitale. À Stoyanka, transformé en village fantôme après avoir été bombardé pendant des jours, des habitants faisaient leur retour, après avoir entendu que les forces ukrainiennes avait chassé les troupes russes. Mais à un point de contrôle, un combattant ukrainien les mettait en garde contre les snipers russes, qui continuent à tenir dans leur viseur les rues désertées.
Des combats acharnés se déroulaient aussi dans l’est du pays, notamment dimanche soir près d’Izioum. À Oskil, village tout proche, sept personnes ont été tuées et cinq blessées dans des tirs d’artillerie russes, selon le parquet régional. Dans le sud du pays, le front a néanmoins sensiblement reculé, avec une contre-offensive ukrainienne sur Kherson, à quelque 80 km au sud-est, seule ville d’importance dont l’armée russe ait revendiqué la prise totale depuis le 24 février.
Sur le plan économique, le gouvernement ukrainien a estimé hier à plus de 500 milliards d’euros les pertes engendrées par la guerre avec la Russie, a annoncé hier sur Facebook la ministre ukrainienne de l’Économie, Ioulia Sviridenko. Hier, Joe Biden a proposé un budget comprenant 6,9 milliards de dollars pour l’Initiative européenne de dissuasion, l’Organisation du traité de l’Atlantique Nord (OTAN) et « la lutte contre l’agression russe », ainsi qu’un milliard supplémentaire en faveur de l’Ukraine.
« Inamicaux »
Le chef de la diplomatie russe a annoncé hier qu’un décret était en préparation pour limiter l’accès au territoire russe aux ressortissants de pays auteurs d’actes « inamicaux », en pleine vague de sanctions contre Moscou depuis son offensive en Ukraine. « Un projet de décret présidentiel est en préparation pour introduire des mesures de représailles, concernant les visas, en lien avec les actions inamicales de plusieurs gouvernements étrangers », a déclaré Sergueï Lavrov, lors d’une réunion du parti au pouvoir Russie Unie. Face aux sanctions économiques occidentales, Moscou a publié début mars une liste de pays « inamicaux » qui comprend notamment les États-Unis, les membres de l’Union européenne, le Royaume-Uni, le Canada, le Japon, la Suisse, Taïwan, la Corée du Sud, la Norvège et l’Australie. Hier, M. Lavrov n’a pas précisé si le décret en préparation s’appliquerait contre ces pays.
Face à la censure du Kremlin pour couvrir la guerre, le journal indépendant russe Novaïa Gazeta, dont le rédacteur en chef Dmitri Mouratov a reçu en 2021 le Nobel de la paix, est le dernier en date à avoir annoncé, hier, suspendre ses publications en ligne et au format papier jusqu’à la fin de l’opération militaire en Ukraine. Après que Kiev continue à mettre la pression sur les entreprises occidentales restées en Russie, le brasseur néerlandais Heineken a annoncé hier qu’il quitterait la Russie, où il compte 1 800 employés, suivi peu après par le brasseur danois Carlsberg.
Source : AFP