Signe de maturité politique ou expérience avant-gardiste vouée à l’échec ? Le mouvement politique Chamalouna, en coopération avec d’autres groupes et personnalités de l’opposition dans la circonscription du Nord III (regroupant les cazas de Batroun, Bécharré, Koura et Zghorta), a complété dimanche sa primaire ouverte, une première au Liban selon les organisateurs. La consultation a permis d’élire 9 candidats (sur 10 sièges à pourvoir) qui formeront une liste pour le scrutin prévu le 15 mai prochain. « Il nous manque encore un candidat à Koura. Nous sommes en négociations avec le reste des groupes d’opposition pour compléter la liste », affirme-t-on du côté de Chamalouna. À Batroun (2 sièges maronites), les candidats élus sont Layal Bou Moussa et Rabih Chaar. Du côté de Bécharré (2 sièges maronites), les électeurs ont choisi Riad Tok et Koshaya Sassine. Dans le caza de Zghorta (3 sièges maronites), les urnes ont tranché en faveur de Gistelle Semaan, Shaden Daïf et Michel Doueihy. Enfin, dans le Koura (3 sièges grecs-orthodoxes), Jihad Farah et Semaan Bachaouati ont été élus.
Cette primaire a été ouverte à plusieurs mouvements proches de la contestation du 17 octobre. « Je suis très fière de ce que nous avons réalisé. J’ai l’impression de mériter ma position de candidate, parce que je n’ai pas été parachutée ou imposée par un zaïm, comme c’est souvent le cas au Liban. Au contraire, j’ai été choisie par les électeurs », se félicite Gistelle Semaan, candidate du Bloc national à Zghorta, contactée par L’Orient-Le Jour. Son programme se base sur la création d’emplois pour les jeunes au Liban via des partenariats avec des entreprises étrangères, la mise sur pied d’une économie productrice et la lutte contre la corruption. Celui de Layal Bou Moussa, candidate malheureuse en 2018 à Batroun et membre de Citoyens et citoyennes dans un État (de Charbel Nahas), se concentre sur « la souveraineté et la lutte contre les États dans l’État, notamment celui du Hezbollah, la couverture médicale universelle et l’enseignement gratuit ». Le mouvement avait annoncé dimanche 52 candidats aux élections législatives, sans que Layal Bou Moussa n’en fasse partie. « On attendait de voir si je gagnerais la primaire ou pas », explique-t-elle à L’OLJ.
Taux de participation élevé
Si tous les sièges n’ont pas pu être remplis, c’est parce que Chamalouna a adopté un mode de scrutin innovant : le vote alternatif. L’électeur doit classer (en numérotant) tout ou une partie des candidats suivant son ordre de préférence. Une fois les urnes dépouillées, le candidat classé premier par le nombre le plus petit d’électeurs est éliminé. Ses votes sont transférés aux candidats indiqués en deuxième choix par chacun des électeurs. La procédure se poursuit ainsi jusqu’à ce qu’il reste autant de candidats que de sièges à pourvoir. Au dernier tour, les candidats ayant obtenu un score supérieur au seuil électoral (100 % divisé par le nombre de sièges à pourvoir plus un, à savoir 33 % à Batroun et Bécharré, 25 % au Koura et à Zghorta) sont qualifiés.
Malgré ce mode de scrutin inhabituel, le taux de participation reste très satisfaisant pour Chamalouna. Ainsi sur 3 608 électeurs qui s’étaient inscrits à cette primaire (il suffisait d’être inscrit sur les listes électorales du Nord III pour être éligible), 2 598 se sont rendus aux urnes, soit un taux de participation de 72 %. « Nous nous attendions à 2 000 électeurs seulement », témoigne un porte-parole de Chamalouna. Pour Layal Bou Moussa, le taux de participation aurait même pu être plus élevé. « Beaucoup de personnes intéressées ont hésité à s’inscrire, parce qu’il fallait télécharger sa carte d’identité ou son passeport en ligne », suppute-t-elle.
Si les électeurs étaient assez nombreux, on ne peut pas dire la même chose pour les candidats. « Nous avons contacté des dizaines de personnalités potentielles, mais au final, il n’y a eu que 12 candidats », regrette-t-on du côté de Chamalouna. « Nous respectons ceux qui ont décidé de ne pas participer. Les gens ne sont pas encore habitués à l’idée d’une primaire et étaient inquiets que ça pourrait mal se passer », rajoute le porte-parole.
Mais le succès des primaires pourrait changer la donne. « Au Bloc national, nous aurions souhaité répandre cette pratique à toutes les circonscriptions, mais cela nécessite un accord élargi avec toutes les forces en présence », explique Gistelle Semaan. Même son de cloche du côté de Layal Bou Moussa, pour qui « il faut habituer les gens au concept de primaires et vraiment la mettre en œuvre dans toutes nos élections ».
L'on devrait s'éloigner de ce négativisme qui se caractérise par une opposition systématique à ces mouvements indépendants qui cherchent à créer une impulsion contre les partis en place, bien entendu parmi eux l'on trouvera toujours des opportunistes, mais c'est le seul moyen de dégager les forces en place qui n'ont fait fait que le malheur actuel de ce que nous endurons...
18 h 08, le 01 mars 2022