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Culture - Disparition

Stélio Scamanga, une palette étrangère parfaitement intégrée au paysage pictural libanais...

L’artiste d’origine gréco-syrienne a longtemps planté son chevalet à Beyrouth avant de finir ses jours à Ferney-Voltaire (Haute-Savoie), où il a quitté ce monde à l’âge de 88 ans.

Stélio Scamanga, une palette étrangère parfaitement intégrée au paysage pictural libanais...

Stélio Scamanga devant son œuvre à l’architecture originale, raffinée, et aux couleurs toujours maîtrisées. Michel Sayegh/Archives L’OLJ

Stélio Scamanga est né à Damas en 1934. Élève des frères lazaristes, c’est l’icône qui le fascine pour ses premiers traits de pinceau. Ses parents, immigrants grecs, s’établissent à Beyrouth en 1952. Et dans la tiédeur d’un Liban encore loin des secousses redoutables et des fractures qui l’attendent, entre ses études d’architecture, de peinture et de sculpture à l’Université américaine de Beyrouth (AUB), le jeune homme s’essaye à la peinture des paysages libanais dont il tombe éperdument amoureux.

En 1960, fort de ses diplômes universitaires, il voyage à Paris, rencontre Le Corbusier et continue son flirt méditerranéen entre Aix-en-Provence et l’Italie. Il rentre dans sa ville de cœur, Beyrouth, avec un lot d’images chargées de couleurs vives et vibrantes. Il offre ses dessins et peintures issus de sa tournée européenne au regard du public au palais de l’Unesco. Le succès est immédiat.

Mais en embrassant cette double carrière d’architecte et de peintre, en épousant la céramiste norvégienne Hilde Kildal, avec la naissance de leur fille Kristine et de leur fils Yann, et après un séjour de quatre ans en Arabie saoudite afin de rénover et moderniser l’architecture de l’aéroport de Djeddah, il fera à partir de 1980 des allers-retours entre la Suisse et la France, mais optera finalement pour Prévessin-Moens en France. Là, il érigera à l’entrée de la ville un magnifique et monumental assemblage d’anneaux métallisés entremêlés, vision futuriste qui sera saluée comme une création inédite…

Pourtant, le Liban ne sera jamais loin de son cœur, de sa pensée, de son chevalet et de sa palette. Ses nombreuses expositions individuelles (plus d’une quarantaine) et collectives (une cinquantaine) l’attestent. Il sera présent aux cimaises du journal L’Orient en 1965, une dizaine d’années avant les luttes fratricides. Il marquera aussi du sceau de ses toiles le musée Sursock en 1963 et 2001 (ce qui veut dire que le temps n’a jamais été une frontière ou un interdit pour cet artiste qui ne reculait pas devant la cacophonie où tombait progressivement le pays du Cèdre) et même au Festival international de Baalbeck à l’année charnière de la guerre, sans crainte aucune devant les assourdissants tam-tams des événements sans merci qui s’annonçaient à grand fracas…

Constante est cette fidélité et régularité de sa présence en cette terre de miel, de lait et de romarin. Ses toiles ont figuré en bonne place, de la Galerie One (1970) à la Galerie l’Amateur (1966), en passant par Modulart (1972), Delta International Gallery, la Galerie Janine Rebeiz (2000) et Aïda Cherfane (2006). Les dates de ses expositions sont la trace de son courage et de son amitié envers un pays d’adoption et d’élection qu’il ne délaissera jamais malgré tous les orages.

Stélio Scamanga devant son œuvre à l’architecture originale, raffinée, et aux couleurs toujours maîtrisées. Michel Sayegh/Archives L’OLJ

Si Stélio Scamanga avec sa peinture généralement à l’huile a largement fréquenté les cimaises des galeries et centres d’art libanais, il n’en a pas moins été présent à Paris, Bruxelles, Tokyo, Mannheim, Chypre, Monaco, New York, Genève. Étourdissante ronde qui témoigne de cette lumière si particulière du Liban, source vive et inépuisable pour tout artiste qui s’amourache à fond la caisse des tubes de couleurs et des pinceaux…

Bien sûr, par-delà ses nombreux projets d’architecture qu’il mène tambour battant, seule la peinture avait pour lui toutes les faveurs et toutes les éloquences. Et c’est le chemin qu’il choisira finalement en s’y consacrant totalement. Des premiers tableaux empreints de spiritualité au glissement vers la sérénité ou les fouillis des paysages libanais et méditerranéens, l’abstraction, dans tout son aspect fantaisiste et séduisant, a pris le dessus. Avec un feu d’artifice irisé, presque parfois en un savant pointillisme, de couleurs vives et adroitement agencées, à travers des contrastes audacieux et de subtiles nuances. Entre rêve et réalité, entre joie et tristesse, il avait le don et le talent de jeter un poudroiement sur le canevas d’une toile dont les effets étaient irrésistibles et étincelants comme une magique poudre de perlimpinpin…

Pour les férus d’art et de lecture, des ouvrages ont été publiés sur ses icônes avec un texte de Joseph Tarrab (édition Kroner Gallery Dusseldorf-Allemagne), ainsi qu’un livre, La mémoire du temps qui passe (le parcours de 1954-2014 en 366 pages), avec 426 images des peintures et œuvres de Stélio Scamanga. Des images et des œuvres reproduites en couleur, accompagnées d’un texte signé Joseph Tarrab et d’une biographie écrite par l’écrivaine Michèle Paillard.

Mais l’œuvre de Stélio Scamanga reste non seulement un témoignage sur la lente et progressive évolution et dégradation de la réalité libanaise, mais aussi une ellipse picturale lumineuse, sur la beauté de ses somptueux sites naturels, ses enchanteurs paysages diversifiés et souriants. Des moments de peinture qui demeurent surtout une charge émotive et émotionnelle des temps heureux où quiétude et opulence rimaient avec sécurité et insouciance. Deux notions qui ont, aujourd’hui, littéralement volé en éclats.

Restent ces toiles à l’architecture originale, raffinée, et aux couleurs toujours maîtrisées, élégantes. Des toiles qui parlent de tant de beauté et de richesse inexplicablement, tristement perdues entre tiraillements d’une caste politique dirigeante irresponsable et une population amorphe, sans conscience civique et nationale des généreux dons de Dieu…

Stélio Scamanga est né à Damas en 1934. Élève des frères lazaristes, c’est l’icône qui le fascine pour ses premiers traits de pinceau. Ses parents, immigrants grecs, s’établissent à Beyrouth en 1952. Et dans la tiédeur d’un Liban encore loin des secousses redoutables et des fractures qui l’attendent, entre ses études d’architecture, de peinture et de sculpture à...

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