La construction du Beirut Museum of Art (BeMA) a été lancée lors d'une conférence de presse organisée conjointement par le BeMA et l'Université Saint-Joseph vendredi sur le site de l'espace proposé rue de Damas, face au Musée national où la première pierre du bâtiment a été posée par le premier ministre Nagib Mikati, en présence du ministre de la Culture Mohammad Wissam Mortada. Le projet devrait nécessiter quatre ans de travaux. Le conseil d'administration de BeMA a l'intention de financer le projet par des fonds privés. Richard Haykel, membre du conseil d'administration, a refusé de divulguer le chiffre exact du coût total prévu pour la construction et le fonctionnement du musée, mais a précisé que le conseil espérait réunir au moins 50 à 60 millions de dollars.
En tant qu'espace interactif, le BeMA présentera la collection d'œuvres modernes et contemporaines rassemblées par le ministère libanais de la Culture, « un trésor national », selon les termes de Rita Nammour, cofondatrice du BeMA. Le musée exposera également les œuvres d'artistes locaux, régionaux et internationaux dans des galeries ultramodernes, des salles de spectacle, une bibliothèque, des archives et un laboratoire de conservation.
Contrairement à l'Europe, où le soutien public aux arts est courant, les arts et la culture sont souvent négligés, sous-estimés et mal entretenus au Liban. Malgré le riche patrimoine artistique du pays et la diversité de sa culture, le chaos qui règne actuellement au pays a entravé les efforts visant à soutenir la production et l'exposition d'art sous ses nombreuses formes.
Cependant, un certain nombre d'artistes et d'institutions œuvrent pour consacrer le Liban en tant que plaque tournante culturelle dans la région MENA et dans le monde. Lancée en 2015 par l'Association pour la promotion et l'exposition des arts au Liban (APEAL), la mission de BeMA se nourrit d’une « foi profonde dans le pouvoir de transformation des arts et le droit de tous à accéder à la culture. »
En prévision de son ouverture, le BeMA prévoit un programme de résidence d'artistes d'une durée de dix ans, en collaboration avec le ministère libanais de l'Éducation et de l'enseignement supérieur, qui commandera une série d'interventions d'artistes. Il y aura également un programme professionnel de restauration d'œuvres d'art, construit en collaboration avec des institutions spécialisées et animé par une petite équipe de spécialistes libanais qui ont déjà restauré des œuvres de la collection du ministère de la Culture. Le BeMA proposera un cours agréé de restauration d'art.
Le musée a été conçu par l'architecte Amale Andraos, cofondatrice de WORK Architecture Company (WORKac) et doyen de la Graduate School of Architecture Planning and Preservation de l'Université de Columbia. Le concept de base, indique Rita Nammour, est de représenter « le musée comme une communauté, et non comme un temple. »
« Le musée comprendra un espace d'exposition dédié et une promenade de six étages qui s'articule autour de la façade du bâtiment. La conception innovante de WORKac pour un « musée ouvert » fait allusion à son héritage géographique, en utilisant le balcon méditerranéen omniprésent pour transformer ses murs en espaces hybrides intérieur-extérieur », explique la cofondatrice du BeMA, qui a lancé le projet de musée avec Sandra Abou Nader. « L'art se répand à l'extérieur du bâtiment principal, s'adressant à des publics divers grâce à une déclinaison d'espaces publics". Elle ajoute : « En brouillant les lignes entre l'intérieur et l'extérieur, la façade poreuse de la conception de WORKac dissout le modèle de galerie traditionnellement fermé, en cube blanc, et invite le public à s'engager directement avec l'œuvre, créant des possibilités nouvelles et variées de rencontres et de dialogue avec l'art ainsi que parmi ses visiteurs. »
En plus de fournir un espace pour les expositions, le musée créera des opportunités pour la production de nouvelles œuvres artistiques. Il fournira également des espaces de travail partagés abordables et un certain nombre de studios pour que les artistes puissent créer, confirmant ainsi la mouvance artistique du musée.
Comme le BeMA travaille en collaboration avec l'Université Saint-Joseph, qui a fait don du terrain où il sera construit, le musée proposera des cours qui seront accrédités par les programmes diplômants de l'université.
Bien avant la crise catastrophique actuelle du Liban, plusieurs projets de musées libanais avaient été annoncés. En 2015, le Beirut Contemporary (BeMA) devait être le premier musée d'art contemporain et moderne de la ville, une initiative menée par APEAL. Le projet a été mis en suspens pour une durée indéterminée après les soulèvements de 2019, puis la tragique explosion du port de Beyrouth en 2020.
Malgré le changement de nom, le BeMA conserve les mêmes valeurs et espère atteindre les mêmes objectifs, selon les promoteurs du musée : donner aux artistes locaux et internationaux un espace pour s'épanouir, créer et partager, malgré l'absence de financement public pour la scène artistique.
C'est justement en raison de cette absence que les institutions et les bailleurs de fonds privés ont permis à des initiatives telles que le BeMA de survivre. Cette situation a soulevé la question de savoir si une telle somme d'argent dépensée pour un musée est durable, voire pertinente dans le climat actuel. « Nous avons presque terminé la collecte de fonds pour le musée » dit Rita Nammour à L'Orient Today. « Nous commençons la dotation, et de nombreuses personnes sont intéressées pour la soutenir. C'est pourquoi nous sommes allés de l'avant avec la construction du musée... Poursuivre le projet est un acte de résistance ». Selon elle, le conseil d'administration du musée est plus que jamais convaincu qu’un « musée mettant en avant la conscience et la réflexion sociales est une nécessité, et à ce titre, avec l'encouragement des donateurs, il a pris la décision de ne pas retarder le début des travaux. Sans les arts et la culture, la société est vouée à se désintégrer. »
Cet article est paru dans sa version originale anglophone dans l’édition du 25 février 2022 de « L’Orient Today »
La première pierre, et……la dernière !
10 h 47, le 28 février 2022