Des agents des FSI montrent les armes qu'ils ont saisies, lors d'une conférence de presse à Beyrouth, le 23 février 2022. Photo ANWAR AMRO / AFP
Le Liban a annoncé mercredi avoir déjoué trois projets d'attentats du groupe Etat islamique (EI) visant des lieux de culte chiites dans la banlieue sud de Beyrouth, bastion du Hezbollah.
Lors d'une conférence de presse annoncée depuis la veille, le ministre de l'Intérieur Bassam Maoulaoui a détaillé l'opération, faisant état de l'arrestation d'un groupe terroriste qui recrute de jeunes hommes pour commettre des attentats-suicides à l'aide de ceintures explosives, d'armes à feu et de grenades RPG.
Le ministre libanais de l'Intérieur, Bassam Maoulaoui (c), lors d'une conférence de presse aux côtés du chef des Forces de sécurité intérieure (FSI), Imad Othman, le 23 février 2022 à Beyrouth. Photo ANWAR AMRO / AFP
"Un groupe terroriste takfiri (islamiste extrémiste, ndlr) a recruté de jeunes Palestiniens au Liban pour mener des attentats de grande ampleur à l'aide de ceintures explosives", a indiqué le ministre, affirmant que de telles attaques auraient fait de nombreuses victimes. L'EI planifiait de "viser trois cibles simultanément", ont précisé les Forces de sécurité intérieure (FSI) dont le chef, Imad Osman, était présent aux côté de M. Maoulaoui. Selon les FSI, ces projets d'attentats ont pu être déjoués grâce à un agent qui avait réussi à s'infiltrer dans les réseaux de l'EI au Liban. L'agent, recruté par les FSI, a reçu des instructions pour mener ces attentats de la part d'un membre de l'EI basé dans le camp de réfugiés de Aïn el-Héloué (Liban-Sud) et qui est en contact avec d'autres jihadistes en Syrie. Des dizaines de milliers de réfugiés palestiniens vivent au Liban, pour la plupart dans les 12 camps du pays, dont celui de Aïn el-Héloué, le plus grand, situé près de Saïda. En vertu d'un accord de longue date, l'armée libanaise ne pénètre pas dans ces camps, où la sécurité est assurée par des factions palestiniennes.
Un "hommage" au chef de l'EI
Le 7 février, l'agent infiltré a reçu des instructions pour planifier "trois attentats suicides coordonnées dans la banlieue sud de Beyrouth" contre un complexe religieux dans le quartier d'al-Laylaki, le complexe de l'imam al-Kazem à Haret Hreik et la mosquée al-Nasser à Ouzaï, ont indiqué les FSI. L'EI a également envoyé à l'agent infiltré des FSI trois ceintures explosives, ainsi que d'autres armes, en vue des attentats qui devaient être menés le 16 février, toujours selon les FSI. Ces attentats devaient marquer un "hommage" au chef de l'EI, Abou Ibrahim al-Hachimi al-Qourachi, tué dans la nuit du 2 au 3 février lors d'une opération menée par les Etats-Unis dans la région d'Idleb du Nord-Ouest syrien. Selon M. Maoulaoui, les FSI ont arrêté deux personnes en lien avec ces projets d'attentats, sans plus de détails. Des armes, explosifs et munitions ont été saisis.
Depuis le siège de la Direction générale des FSI où il a tenu sa conférence de presse, M. Maoulaoui a assuré que "les membres des forces de sécurité intérieure sont les héros de cette opération". Durant la conférence de presse, plusieurs vidéos et photos montrant comment les membres des FSI ont surveillé et arrêté les membres du groupe ont été diffusées.
Le Liban a été visé depuis 2013 par une série d'attentats sanglants, visant notamment la banlieue sud de Beyrouth. L'attentat le plus meurtrier avait été revendiqué par l'EI en novembre 2015, faisant 44 morts, en représailles à l'implication du parti chiite aux côtés du régime en Syrie voisine. Une source sécuritaire a récemment affirmé à l'AFP que l'EI profite de la crise financière au Liban pour recruter des dizaines de personnes en leur promettant des salaires versés en dollars américains. Depuis août, ils seraient "environ 48 (Libanais) à avoir rejoint l'EI" en Irak, a indiqué cette source sous couvert d'anonymat.
Mercredi, le ministre de l'Intérieur, qui doit se rendre prochainement à Bagdad, a affirmé "suivre de près l'affaire des libanais qui ont rejoint les rangs de l'EI en Irak". "Nous surveillons leurs déplacements (en Irak), ainsi que ceux de leurs proches", a ajouté M. Maoulaoui.
Réagissant à l'annonce des autorités, le président du Parlement Nabih Berry a salué un "exploit" des FSI. Le chef des Forces libanaises Samir Geagea a pour sa part appelé à "ne pas impliquer la police dans les querelles politiques et personnelles entre les responsables". Une allusion claire à l'affaire Riad Salamé dans laquelle le général Imad Osman doit être entendu par la justice, suite à une plainte déposée contre lui par la procureure Ghada Aoun, proche du président de la République Michel Aoun.
"Choc et surprise" à Aïn el-Héloué
Le responsable des forces sécuritaires palestiniennes conjointes dans le camp, Abdel Assadi, s'est pour sa part dit "choqué et surpris" par l'annonce du ministre de l'Intérieur. Dans un entretien accordé à notre correspondant Mountasser Abdallah, il a annoncé que trois habitants du camp sont en état d'arrestation, disant toutefois ignorer s'ils le sont dans le cadre de cette même affaire. "En tant que forces palestiniennes et en tant que citoyens du camp, c'est un choc pour nous, et nous attendons des détails et des informations à ce sujet", a déclaré Abdel Assadi. "Nous ne connaissons encore aucun détail, et personne ne nous a contactés, comme cela a l'habitude d'être fait", a-t-il ajouté en référence "à la coordination quotidienne avec les services de sécurité libanais pour maintenir la sécurité du camp". Il a toutefois indiqué que "jeudi dernier, trois jeunes hommes du camp ont disparu". Il s'agit "de jeunes garçons de moins de dix-huit ans qui étudient dans un institut d'infirmiers et suivent une formation à l'hôpital palestinien Hamchari près du camp". "J'ai ensuite reçu un appel des services de sécurité libanais m'informant que les trois jeunes disparus étaient arrêtés pour être impliqués dans une affaire de drogue, a-t-il ajouté. Je ne sais pas s'ils sont liés à cette affaire, d'autant plus que personne d'autre n'a quitté le camp sans y revenir".
Sur un autre plan, M. Maoulaoui a rappelé lors de sa conférence de presse qu'en janvier dix-sept réseaux d'espionnage au profit d'Israël ont été démantelés au Liban. Une source judiciaire avait confié lundi à l'AFP que "21 personnes" avaient été arrêtées dans le cadre de cette opération. Elles "étaient chargées de recueillir des informations sur des sites militaires et sécuritaires affiliés au Hezbollah dans le sud du Liban, la banlieue sud de Beyrouth et la (vallée de la) Békaa".
commentaires (16)
Dommage , tout individu et organisation qui pourra frapper et faire mal à ceux qui oppressent l'état Libanais sont les bienvenus. Il n’auront pas la paix tant qu’’ils n’auront pas remis leurs armes.
Liban Libre
18 h 29, le 24 février 2022