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L’autre face du drone

De cette drone de guerre que se livrent actuellement le Hezbollah et Israël, tout ou presque a été dit, le principal développement étant le suivant : si, depuis des décennies, les avions israéliens se promènent librement au-dessus du Liban, eh bien ! les engins de la milice sont désormais en mesure de leur rendre la politesse. Dans quelle mesure cette apparente parité en est réellement une et change-t-elle vraiment la donne ? On reste humblement à l’écoute des experts militaires.


Au milieu de toutes les envolées guerrières qui ont salué la promesse du drone, on ne s’est pas suffisamment arrêté, en revanche, sur les visées et ambitions locales – et visiblement électorales – du Hezbollah, telles que déclinées à la chaîne, depuis une bonne semaine, par Hassan Nasrallah et ses lieutenants. Protéger et servir : tel est, ressassé à longueur de thriller, le slogan de la police américaine ; on ne saurait pourtant accuser le chef du Hezbollah et ses compagnons de plagiat s’ils viennent de le remanier, en y introduisant un solennel engagement à construire.


Qu’on ne s’y méprenne pas, ce ne sont pas là des paroles en l’air, même si par la grâce de l’exaltant mot de construire, elles volent plus haut (et plus beau !) que ne le ferait le plus performant des drones. Frappé par une cruelle cascade de crises, le Liban d’aujourd’hui est un champ de ruines attendant désespérément de devenir un chantier. Car, qu’il s’agisse de réformes ou de réhabilitation des services publics les plus élémentaires, électricité en tête, les solutions provisoires imaginées par le gouvernement n’ont d’égale que la scandaleuse inconsistance du Parlement.


Il va de soi que ce n’est pas de bricoleurs mais de bâtisseurs qu’a besoin le pays. L’ennui est que le prétendant au titre passe plutôt, aux yeux de la majorité des Libanais comme des trois quarts de la planète, pour un as de la démolition. Suspecté de nombreux attentats, convaincu d’obstruction à la justice, notamment dans l’affaire du port de Beyrouth, il lui était déjà reproché d’avoir sapé ou phagocyté, l’une après l’autre, les diverses institutions étatiques.


Effarante mais on ne peut plus crûment sincère est, dès lors, sa volonté d’édifier ; mais en n’empilant ses briques que suivant un modèle d’importation peu conforme aux réalités du pays, et seulement après avoir fini de raser tout ce qui tenait encore debout. Un parti religieux, islamiste, armé et dominateur, affichant son obédience étrangère dans le même temps qu’il qualifie de suppôt de l’Amérique quiconque s’oppose à l’hégémonie iranienne : on conviendra sans peine que tant de boulets ne font guère du Hezbollah l’architecte idéal (et encore moins le maître d’œuvre) pour ce qui est de construire ou reconstruire un pays, un peuple, une nation, une identité.


Voilà pourquoi la truelle du maçon n’a aucune chance de supplanter l’ombre menaçante du fusil, et qu’elle se réduit à un fort téméraire thème de campagne, en prévision des législatives projetées pour la mi-mai. Ces élections sont une guerre de juillet politique, s’exclamait hier un des hauts dirigeants de la milice, se rapportant ainsi à la conflagration de 2006 qui a opposé le Hezbollah à Israël. Au spectacle des contorsions auxquelles se livrent en ce moment les deux partenaires de l’entente de Mar Mikhaël, il faut croire cependant que 2022 et les impératifs du scrutin autorisent plus d’une entorse à la rigoureuse rhétorique guerrière. Pour obtenir un retour en grâce auprès des États-Unis comme de sa propre base, le camp présidentiel a fait mine, en plus d’une occasion, de prendre ses distances avec la milice. Laquelle a fait montre d’une admirable compréhension, allant même jusqu’à cautionner les concessions présidentielles sur la délimitation de la frontière maritime avec Israël.


Plus que jamais, le Courant patriotique libre a besoin du soutien électoral du Hezbollah. Et plus précieuse que jamais est, pour le Hezbollah, la couverture chrétienne, serait-elle passablement usée, du CPL. Un cheval de Troie juché sur un cheval de bât, il fallait seulement y songer.


Issa GORAIEB

igor@lorientlejour.com

De cette drone de guerre que se livrent actuellement le Hezbollah et Israël, tout ou presque a été dit, le principal développement étant le suivant : si, depuis des décennies, les avions israéliens se promènent librement au-dessus du Liban, eh bien ! les engins de la milice sont désormais en mesure de leur rendre la politesse. Dans quelle mesure cette apparente parité en est...