
Georges Okaïs, député FL et auteur d’une proposition de loi visant à réduire le nombre de demandes de récusation contre les magistrats. Photo DR
Parmi les propositions de lois inscrites à l’ordre du jour des séances législatives prévues aujourd’hui et demain au Parlement, figure une proposition du député Georges Okaïs, du groupe parlementaire des Forces libanaises (FL), visant à modifier les articles de loi qui réglementent les recours en dessaisissement contre les magistrats. M. Okaïs avait présenté son texte au Parlement il y a deux mois, suite aux abus des responsables politiques mis en cause dans l’enquête sur la double explosion au port de Beyrouth dans leur droit à présenter de tels recours contre le juge Tarek Bitar, en charge de l’affaire. Depuis septembre dernier, les députés et anciens ministres Ali Hassan Khalil et Ghazi Zeaïter, l’ancien ministre Youssef Fenianos et le député Nouhad Machnouk, tous assignés à comparaître par M. Bitar, multiplient en effet leurs plaintes judiciaires dans le but de paralyser l’enquête.
« Le texte que je propose vise à soumettre à des conditions strictes les demandes de récusation portées contre les magistrats, de sorte que toute investigation judiciaire soit facilitée », indique M. Okaïs à L’Orient-Le Jour. À la question de savoir si c’est plus particulièrement le gel de l’enquête dans l’affaire du port qui l’a poussé à rédiger sa proposition, le député FL indique qu’en tout état de cause, « aucun texte de loi n’admet de recours en récusation contre un juge d’instruction près la Cour de justice ». « La décision de l’assemblée plénière de la Cour de cassation d’attribuer aux chambres de la cour la compétence de statuer sur une telle demande contre Tarek Bitar est donc illégale », déplore Georges Okaïs. On rappelle que suite à une requête présentée par les avocats de MM. Khalil et Zeaïter afin de déterminer la juridiction compétente pour se pencher sur les recours en dessaisissement contre M. Bitar, l’assemblée plénière avait décidé le 25 novembre de confier exclusivement cette charge à la Cour de cassation, alors qu’auparavant, les recours étaient également portés devant la cour d’appel. La décision de l’assemblée plénière avait toutefois été très critiquée dans les milieux juridiques, où l’on déplore qu’elle a maintenu la voie ouverte à la déferlante des plaintes qui entravent l’action de M. Bitar.
Le sérieux de la demande
Il reste que si la proposition de loi de Georges Okaïs était adoptée, elle réduirait sensiblement les recours arbitraires contre les magistrats. Ce texte prévoit ainsi d’augmenter de manière significative les indemnités dues par un requérant dont la plainte s’avère infondée. De telles pénalités plafonnent à 800 000 LL selon la loi actuelle, un montant loin de représenter un obstacle pour quiconque a intérêt à entraver le cours d’une enquête. M. Okaïs ne précise pas toutefois les nouveaux montants définis dans la proposition de loi.
Dans la législation actuelle, un magistrat est dessaisi d’office dès qu’il est notifié de la demande de sa récusation. La mouture proposée édicte au contraire que « la mainmise du juge sur un dossier ne peut être ôtée que par une décision du tribunal devant lequel la demande est présentée », explique M. Okaïs. Il souligne que sa proposition préconise que « le tribunal dispose seulement d’un délai de trois jours pour vérifier le sérieux de la demande et décider, le cas échéant, de suspendre momentanément le juge jusqu’au verdict ». « Entre-temps, le juge continuerait de rechercher et rassembler des preuves en poursuivant ses audiences et autres moyens d’investigation. Il ne pourrait toutefois pas émettre de décision finale », précise le député. Dans le cas de l’enquête sur la double explosion au port de Beyrouth, Tarek Bitar ne serait ainsi pas en mesure de rendre son acte d’accusation. Et si le tribunal n’émet pas de décision provisoire dans le délai de trois jours ? « Le juge poursuivra également son enquête jusqu’au jugement définitif du tribunal, qui n’a pas de délai pour le faire », indique M. Okaïs. Un avocat interrogé par L’Orient-Le Jour estime qu’« il y a là une faille parce qu’un atermoiement éventuel du tribunal a pour effet de retarder la décision du juge qui fait l’objet du recours ».
L’amendement prévoit par ailleurs qu’une même partie ne pourra pas présenter plus d’un recours en dessaisissement contre un juge, à moins que de nouveaux éléments n’interviennent. Pour ne citer que les recours de MM. Khalil et Zeaïter, on relève qu’en moins de trois semaines (entre le 24 septembre et le 11 octobre), ces derniers en ont présenté trois devant trois juridictions différentes (12e chambre civile de la cour d’appel, 5e chambre civile de la Cour de cassation et 1re chambre civile de la Cour de cassation).
On ne sait pas si la proposition de loi en question sera examinée et adoptée par les députés. Le cas échéant, elle déjouerait à grande échelle les offensives judiciaires lancées contre le juge Tarek Bitar et aiderait ainsi à abolir les obstacles qui empêchent la révélation des circonstances de la double explosion au port de Beyrouth et l’identité des parties impliquées.
Parmi les propositions de lois inscrites à l’ordre du jour des séances législatives prévues aujourd’hui et demain au Parlement, figure une proposition du député Georges Okaïs, du groupe parlementaire des Forces libanaises (FL), visant à modifier les articles de loi qui réglementent les recours en dessaisissement contre les magistrats. M. Okaïs avait présenté son texte au...
commentaires (5)
Beaucoup de lois existent au Liban, et elles sont bonnes, seulement ce sont les hommes qui sont mauvais et corrompus. Vous pouvez changer les lois autant que vous voulez dans ce pays, si vous ne changez pas les hommes qui les manipulent, ca restera un coup d'épée dans l'eau.
Citoyen
16 h 30, le 21 février 2022