Rechercher
Rechercher

Société - Parlement

La proposition finale de la loi sur l’indépendance de la justice, une révolution ou une avancée insuffisante ?

Le texte final adopté en commissions parlementaires est loin de satisfaire les ambitions de la Coalition de l’indépendance de la justice, auteure du texte initial. Les députés qui ont œuvré pour la nouvelle mouture saluent, de leur côté, le résultat de leur travail.

La proposition finale de la loi sur l’indépendance de la justice, une révolution ou une avancée insuffisante ?

Le logo de la Coalition de l’indépendance de la justice.

La proposition de loi sur l’indépendance de la justice, un texte essentiel conçu par des acteurs civils pour empêcher le pouvoir politique de s’ingérer dans le système judiciaire, a été fortement remaniée par la commission parlementaire de l’Administration et de la Justice. Les rédacteurs du texte initial dénoncent ces changements. La Coalition de l’indépendance de la justice, auteure du texte initial, a annoncé son rejet de la nouvelle mouture, soulignant, dans un communiqué publié mardi, que son contenu ne répond pas aux « objectifs d’indépendance et de transparence » visés par la proposition de loi initiale.Celle-ci avait été élaborée il y a plus de trois ans par la coalition, qui comprend notamment Legal Agenda, le Bloc national, Beyrouth madinati, Koullouna irada, Ana el-qarar, Li hakki, Mada, Aldic, LADE, Mintechrine, al-Marsad,… Elle avait été présentée au Parlement dès septembre 2018 dans l’objectif de neutraliser l’ingérence politique dans la justice. Remanié par la commission de l’Administration et de la Justice après une première étude complétée en mai dernier par une sous-commission ad hoc, le texte a été transmis à la mi-novembre au Parlement. Il n’a pas encore été examiné, dans l’attente de son inscription à l’ordre du jour de l’assemblée plénière de la Chambre. « Le résultat obtenu par la commission est maigre et insuffisant. Il est en deçà de nos ambitions qui visent à conformer le système judiciaire aux standards internationaux d’indépendance », dénonce le directeur de Legal Agenda Nizar Saghieh joint par L’Orient-Le jour. Un reproche que réfute fermement Georges Adwan, président de la commission. « Le texte finalisé constitue une énorme avancée, voire une véritable révolution pour l’indépendance de la justice », juge-t-il via notre journal.

Un autre membre de la commission parlementaire, Georges Okaïs, se félicite pour sa part de ce que le texte remodelé « n’a rien à envier aux lois en vigueur dans les pays les plus démocratiques », soulignant par ailleurs qu’avec ses confrères de la commission, il avait pris en considération plus de 70 % des remarques exprimées par les membres de la Coalition de l’indépendance et de la justice.

Représentation inégale

Nizar Saghieh égrène néanmoins ce qu’il considère comme des « failles importantes » dans le nouveau texte. Il évoque d’abord le processus adopté pour le choix des membres du Conseil supérieur de la magistrature. S’il se félicite que désormais sept des dix membres qui composent le CSM seront élus par les magistrats (dans la loi actuelle, huit sont nommés par le gouvernement), l’avocat regrette que la nouvelle version de la proposition de loi « permet au pouvoir politique d’exercer une influence sur la composition du CSM ». Il s’explique. « La mouture adoptée par la commission palementaire prévoit un système électoral dans lequel les juges sont répartis en sept catégories, représentées chacune par un magistrat au sein du CSM. Or, ces catégories sont de tailles largement inégales, certaines ne comportant qu’un nombre restreint de juges (par exemple, 10 pour la catégorie des présidents de chambre de cours de cassation, 41 pour les conseillers de ces chambres), tandis que les 140 jeunes juges uniques et de mission sont regroupés dans une seule catégorie. Pour la plupart indépendants et dotés d’un esprit de changement, ces derniers n’auront donc qu’un seul représentant, tandis que les magistrats les plus haut placés, bien moins nombreux et généralement proches des parties politiques, bénéficieront d’une représentation similaire. »Réponse de Georges Okaïs : « Le but des élections n’est pas tant la représentation des tranches d’âge que celle des différentes juridictions. » « D’ailleurs, dans tous les conseils de magistrature des pays démocratiques, les seniors sont les plus représentés en raison de leur expérience et de leur maturité », note-t-il.

Lire aussi

Parlement vs Tarek Bitar : les trois questions qui se posent

Comme dans le système actuel, la nomination par le gouvernement des trois autres membres du CSM (le premier président de la Cour de cassation, le chef de l’Inspection judiciaire et le procureur général près la Cour de cassation) avait figuré dans la mouture initiale présentée par la coalition. Un progrès avait été cependant apporté à ce système, consistant à choisir ces trois juges parmi trois noms proposés pour chaque poste par les sept membres élus du CSM. « Or, la version adoptée par la commission permet au ministre de la Justice d’y ajouter d’autres noms, ce qui donne un rôle quasi décisif au pouvoir politique dans la désignation des trois membres », déplore M. Saghieh. Son mécontentement étonne le député Okaïs. « Les noms proposés par le ministre de la Justice ne seront retenus et transmis au gouvernement que s’ils auront été approuvés par les sept membres élus du CSM », affirme-t-il.

La tyrannie des juges

Autre point critiqué de la proposition de la commission parlementaire : l’Inspection judiciaire reste sous la supervision du ministre de la Justice, tous ses membres étant désignés par le gouvernement, sur base de sa proposition, comme il en est dans la loi actuellement en vigueur. « Pour mettre un terme aux influences politiques auxquelles est soumise l’Inspection judiciaire, nous avions demandé que ses membres soient élus par les juges », indique M. Saghieh. Une revendication qui n’a pas été satisfaite par la commission parlementaire au motif d’éviter la complaisance et la séduction des candidats à l’égard de leurs électeurs, défend M. Okaïs. Le député affirme à cet égard que soumettre tous les postes de magistrats à des élections n’est pas sans danger, évoquant la notion de « la tyrannie des juges » lorsque ceux-ci sont munis d’un trop grand pouvoir de décision.

Une autre « aberration » maintenue par la proposition de la loi amendée : les magistrats pourront continuer de détenir des postes auprès des présidences de la République et du gouvernement, ainsi que dans le Haut Comité de discipline chargé de juger les fonctionnaires. Le nouveau texte ne leur permet plus cependant d’occuper des postes auprès des ministères et administrations publiques. Cela n’est pas suffisant, selon M. Saghieh, qui aurait préféré que ce « traitement discriminatoire » soit totalement banni. « Les magistrats favorisés continueront, d’une part, de bénéficier de deux salaires et, d’autre part, d’avoir des prérogatives au sein du pouvoir exécutif », note-t-il. En réponse, Georges Okaïs précise que la proposition de loi remaniée prévoit de supprimer dans un délai de deux ans ces postes auprès du palais de Baabda et du Sérail. Il affirme toutefois que le travail des juges auprès du Haut Comité de discipline sera maintenu, se demandant : « Qui mieux qu’un magistrat peut juger et prendre des mesures conséquentes ? » Ce qui n’explique pas que le juge en question soit rémunéré deux fois... Enfin, le texte finalisé par la commission parlementaire prévoit la possibilité d’entrer dans la magistrature à travers un concours ouvert aux avocats et aux auxiliaires de justice. Seule condition : une ancienneté de 10 ans de carrière et six mois de formation à l’Institut d’études judiciaires, alors que les juges de carrière suivent quatre ans de formation après un diplôme de droit. Si de tels recrutements étaient également préconisés dans la proposition de loi élaborée par la coalition, ils étaient pourtant assortis de conditions plus sévères, notamment la nécessité pour les candidats de faire partie des éminents juristes que compte le pays. « Le nouveau texte ouvrira la voie à des avocats et auxiliaires de justice partisans à intéintégrer le corps de la magistrature, leur permettant de s’adonner à toutes sortes de corruption basées sur le clientélisme », met en garde M. Saghieh. Prié de commenter, Georges Okaïs, lui-même juge, confie qu’il n’a pas approuvé la disposition sur les recrutements, d’autant qu’il estime qu’une longue formation au sein de l’Institut d’études judiciaires est un prérequis pour entamer une carrière de magistrat.

La proposition de loi sur l’indépendance de la justice, un texte essentiel conçu par des acteurs civils pour empêcher le pouvoir politique de s’ingérer dans le système judiciaire, a été fortement remaniée par la commission parlementaire de l’Administration et de la Justice. Les rédacteurs du texte initial dénoncent ces changements. La Coalition de l’indépendance de la justice,...

commentaires (2)

Je tends a être d'accord avec "La Coalition de l’indépendance de la justice". Il faut que les juges du CSM soit élus par leurs confrères sans catégorisation aucune. Ils savent, eux, qui sont les plus compétents et pour être élu les juges qui se présentent devront faire l'effort d’être aussi intègre que possible. D'un autre côté, il doit y avoir une commission qui les contrôle afin de ne pas sombrer dans un pouvoir excessif de leur part. Ceux la pourraient être élu par le corps légal dans son entièreté: Juges, Avocats, Procureurs... Allez, c'est toujours un petit pas vers l'avant même s'il n'est pas totalement satisfaisant. Nous allons voir, dans la pratique, ce que les parlementaires nous réservent comme surprise d’interprétations une fois les différents venus a la surface. C'est la le piment d'histoire!

Pierre Hadjigeorgiou

09 h 07, le 24 janvier 2022

Tous les commentaires

Commentaires (2)

  • Je tends a être d'accord avec "La Coalition de l’indépendance de la justice". Il faut que les juges du CSM soit élus par leurs confrères sans catégorisation aucune. Ils savent, eux, qui sont les plus compétents et pour être élu les juges qui se présentent devront faire l'effort d’être aussi intègre que possible. D'un autre côté, il doit y avoir une commission qui les contrôle afin de ne pas sombrer dans un pouvoir excessif de leur part. Ceux la pourraient être élu par le corps légal dans son entièreté: Juges, Avocats, Procureurs... Allez, c'est toujours un petit pas vers l'avant même s'il n'est pas totalement satisfaisant. Nous allons voir, dans la pratique, ce que les parlementaires nous réservent comme surprise d’interprétations une fois les différents venus a la surface. C'est la le piment d'histoire!

    Pierre Hadjigeorgiou

    09 h 07, le 24 janvier 2022

  • au Liban on est tres fort pour voter des textes de loi sans jamais les appliquer . à suivre

    barada youssef

    13 h 25, le 22 janvier 2022

Retour en haut