Rechercher
Rechercher

Économie - Consommation

Sacs en plastique payants : qu’est-il advenu de la mesure adoptée en octobre 2019 ?

Si la logique de la crise économique a rendu difficilement acceptable l’ajout d’un coût, même minime, imposé à la clientèle, il reste que la production des sacs plastique a renchéri pour les commerçants, les forçant à trouver des solutions.

Sacs en plastique payants : qu’est-il advenu de la mesure adoptée en octobre 2019 ?

Aux caisses des supermarchés du Liban, des sacs plastique à n’en plus finir. Photo d’illustration HannaKuprevich/Bigstock.

Au matin du 17 octobre 2019, l’on rapportait, dans nos colonnes, une « petite révolution au Liban ». Celle des « sacs plastique désormais payants dans les supermarchés ». Un petit pas pour l’environnement du pays, un grand en ce qui concerne le comportement des consommateurs. Le soir-même, la thaoura contre la classe dirigeante, considérée par les manifestants comme corrompue, démarrait, alors que la crise économique et financière s’installait dans le pays pour s’y inscrire dans la durée. Entrée en vigueur deux jours avant cette date fatidique, l’initiative du ministre de l’Environnement, Fady Jreissati, épaulé par Mansour Bteich, son homologue de l’Économie et du Commerce, et 17 enseignes de grande distribution, n’aura pas duré longtemps. « Une semaine », se souvient Zakaria Itani, gérant associé de la chaîne de supermarchés beyrouthine Shopper’s. « Quelques jours seulement », selon Ralph el-Kahi, directeur marketing du groupe Spinneys, Happy et Grab’n Go. De fait, cette mesure ne pouvait pas tomber plus mal, alors que la crise se dévoilait, notamment par un début de dépréciation de la monnaie nationale, s’échangeant cette semaine d’octobre 2019 entre 1 550 et 1 650 livres contre un dollar sur le marché, contre 1 507,5 livres selon la parité officielle. Depuis, la crise a fait passer 82 % de la population libanaise sous le seuil de pauvreté, qualifiée de « multidimensionnelle », selon le dernier rapport datant de septembre 2021 de la Commission économique et sociale pour l’Asie occidentale (Escwa), et le dollar s’échangeait hier à 21 500 livres. De quoi reléguer l’écologie au dernier rang des priorités du moment, même si, d’évidence, « le but de cette initiative était d’encourager les gens à réduire leur consommation de sacs plastique à usage unique et non pas de leur imposer un coût supplémentaire », explique Zakaria Itani.

Le 15 octobre 2019, et les quelques jours qui ont suivi donc, les sacs plastique trouvés en bout de caisse, et souvent généreusement distribués par les supermarchés, se voyaient désormais tarifés 100 livres libanaises, soit 0,07 dollar lorsque la parité officielle faisait encore sens. Dans cette optique de prime abord environnementale, chaque enseigne proposait alors une alternative : le sac à usage multiple. Plus grand, plus solide et à l’achat unique, ces sacs fourre-tout, personnalisés selon l’enseigne, permettaient ainsi aux consommateurs d’y entreposer leurs achats et de les réutiliser lors de chaque passage dans leur supermarché.

Durant ces quelques jours où la mesure a été appliquée, « nos clients ont accepté l’idée et des milliers de sacs réutilisables ont été vendus », explique Ralph el-Kahi, en précisant que le coût variait dans les magasins du groupe Spinneys « entre 1 500 et 5 000 livres, selon la qualité et la taille ». Chez Shopper’s, ce sac coûtait « 4 000 livres à la production et était vendu 4 500 livres en magasin », détaille Zakaria Itani. « Afin d’accélérer le processus (de réutilisation des sacs), nous avons finalement opté pour la gratuité mais, malheureusement, les habitudes des clients n’ont pas changé », constate ce dernier.

Pour mémoire

Petite révolution au Liban : les sacs plastiques sont désormais payants dans les supermarchés

Un constat similaire dépeint par Ralph el-Kahi, qui souligne que son groupe avait pris l’initiative de faire payer les sacs plastique dans ses supermarchés lors du lancement de l’enseigne Happy en 2014. À l’époque déjà, « cela n’avait duré que quelques semaines car la société libanaise n’était pas prête pour ce changement de comportement », déclare-t-il. Sur les 44 points de vente du groupe répartis sur tout le territoire, « nous servons environ 50 000 clients par jour », avance le directeur marketing, en ajoutant que ces derniers emportent avec eux près d’« une tonne par jour » de sacs plastique à usage unique.

L’impact de la crise économique

Avec 5 000 milliards de sacs plastique produits par an de par le monde, selon les données du site The World Counts dédié à l’environnement, l’impact destructeur des déchets en plastique sur l’écologie n’est plus à démontrer et nombre de pays ont déjà voté des lois pour en réduire la consommation, notamment en Europe où il est de plus en plus difficile de trouver des sacs plastique aux caisses des supermarchés. Au Liban, en revanche, la majorité des gestes verts ne se font encore qu’à titre individuel, entrepreneurial ou collectif. Chez Shopper’s et le groupe Spinneys, « nous avons toujours donné des instructions à nos points de vente pour minimiser l’usage du sac plastique », expliquent en chœur Zakaria Itani et Ralph el-Kahi, ce dernier précisant travailler « avec des producteurs locaux qui utilisent des matériaux biodégradables » pour les sacs classiques à usage unique. Par contre, « les sacs réutilisables sont produits à l’étranger, ce qui a considérablement fait augmenter leurs prix avec la crise et ne se vendent donc plus », affirme-t-il.

En effet, si la logique de la crise économique a rendu difficilement acceptable l’ajout d’un coût, même minime, imposé à la clientèle, il reste que la production des sacs plastique a renchéri pour les commerçants, les forçant à trouver des solutions à ce niveau également. « Nous ne proposons plus que le sac de taille moyenne, au lieu des trois tailles habituelles, afin d’accommoder tout type d’achat », explique Zakaria Itani, qui travaille avec un producteur situé au Liban-Nord. « Avant la crise, chaque sac plastique coûtait 32 livres (0,02 dollar). Depuis la crise, nous avons dû réduire nos dépenses et avons opté pour l’option la moins chère, non customisée, qui coûte 425 livres par sac, soit plus de dix fois son coût originel », détaille-t-il, ajoutant toutefois que « la quantité de sacs plastique que nous commandons a diminué au rythme de la baisse du pouvoir d’achat des clients qui achètent moins de produits ».

La question de savoir si une initiative similaire à celle d’octobre 2019 est aujourd’hui dans les tiroirs du gouvernement semble bien éloignée des préoccupations actuelles au Liban. Néanmoins, « si nos dépenses continuent de grimper, il faudra peut-être envisager de suivre cette option », affirme Zakaria Itani. « Nous ne pensons pas que quelqu’un au gouvernement aura le courage d’initier à nouveau cette mesure dans un futur proche », au vu de la situation actuelle, estime pour sa part Ralph el-Kahi. Du courage pour s’attaquer à l’un des problèmes environnementaux majeurs à travers le monde mais aussi du courage pour l’imposer légalement au Liban. Car au final, la mesure de 2019 n’était prévue qu’en annexe du décret du plan de gestion des déchets présenté par le ministère de l’Environnement et appliquée sur la base du volontariat des enseignes. L’affaire, à suivre, est en tout cas loin d’être dans le sac.

Au matin du 17 octobre 2019, l’on rapportait, dans nos colonnes, une « petite révolution au Liban ». Celle des « sacs plastique désormais payants dans les supermarchés ». Un petit pas pour l’environnement du pays, un grand en ce qui concerne le comportement des consommateurs. Le soir-même, la thaoura contre la classe dirigeante, considérée par les...

commentaires (5)

Chez nous au Quebec, et je présume que dans tout le Canada, les sacs de supermarché en plastique sont interdits. Au lieu de cela, vous pouvez acheter un sac réutilisable pour un demi-dollar et continuer à l'utiliser. C'était un peu difficile au début, mais ensuite vous vous y habituez.

Geha bel Day3a

15 h 29, le 20 juin 2023

Tous les commentaires

Commentaires (5)

  • Chez nous au Quebec, et je présume que dans tout le Canada, les sacs de supermarché en plastique sont interdits. Au lieu de cela, vous pouvez acheter un sac réutilisable pour un demi-dollar et continuer à l'utiliser. C'était un peu difficile au début, mais ensuite vous vous y habituez.

    Geha bel Day3a

    15 h 29, le 20 juin 2023

  • Le fait que la situation economique est catastrophique n'est pourtant pas une raison pour ne pas gerer la crise des dechets. En fait, la problematique n'est pas unique pour le Liban car aussi en Europe on ne fait pas attention au probleme, et il ne reste que quelques idealistes et quelques magasins traditionels qui vendent les produits en bulk sans plastiques. Pourtant aussi au Liban par exemple dans les vieux souks, on trouve encore quelques artisans qui vendent leur produits sans plastiques, ce qui devrait etre encourage. Malheureusement les echoppes dans le vieux souks ont du mal a faire la concurrence avec les chaines de supermarches qui embalagent tout en plastique.

    Stes David

    17 h 58, le 01 février 2022

  • Des sacs payants? Alors qu'on ne peut même plus payer la nourriture à mettre dedans ? Pourquoi ne pas aussi éduquer à la diététique les Libanais qui meurent de faim? Vous ne croyez pas que les gens ont d'autres soucis?

    Politiquement incorrect(e)

    15 h 02, le 01 février 2022

  • si j'etais en mesure de le faire j'aurais rejete la publication de cet article. YAANI VRAIMENT, en parler maintenant alors que les libanais crevent de faim ?

    Gaby SIOUFI

    10 h 58, le 01 février 2022

  • LES VOIX CHRETIENNES, SUNNITES ET DRUZES AUX FORCES LIBANAISES ET NON AUX PARAVENTS DES MERCENAIRES IRANIENS.

    LA LIBRE EXPRESSION

    08 h 55, le 01 février 2022

Retour en haut