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Lifestyle - Beyrouth Insight

Dans la peau de Latiza Bombé

Depuis quatre ans, Mous*, un jeune homme presque ordinaire, se transforme en diva pour devenir, l’espace de quinze minutes, une extraordinaire reine et drag queen de la scène.

Dans la peau de Latiza Bombé

Latiza Bombé en pleine métamorphose. Photo DR

Elle s’appelle Latiza Bombé et elle fait son show dans des soirées privées ou des boîtes spécialisées de Beyrouth. Latiza Bombé est la création, la créature de Mous, 25 ans. Il choisit un thème, peaufine ses personnages et passe des journées et des nuits entières à mettre en scène, en couleurs et en paillettes, un show que, pour son double et star de la nuit, il veut à chaque fois unique. Son maquillage prononcé, son fond de teint, ses faux cils et ongles, ses perruques de couleurs différentes, ses talons aiguille ou semelles compensées, ses faux seins et couches de vêtements conçus à sa démesure, Latiza se plaît à lentement les enlever, lorsqu’elle est sur scène, sans jamais se dénuder entièrement, car « ce n’est pas le but ». Latiza est un drag, une (belle) bête de scène. Dans la vie quotidienne, et loin des projecteurs, c’est un jeune homme discret qui répond au prénom de Mous et qui est en charge d’un café ayant pignon sur rue à Beyrouth.

Mous, quand il n’est pas Latiza Bombé, un sourire discret et des tatouages le long des bras. Photo Joao Sousa

En tant que Latiza Bombé, Mous a figuré sur la liste du magazine Forbes des artistes les plus prometteurs du Moyen-Orient. Il a posé pour un shoot de mode dans les pages de Vogue International, a participé à de nombreux événements et des clips, et a pris part à des spectacles LGBT internationaux pour revendiquer les droits de la communauté. Son combat n’est pas seulement celui des homosexuels ou des drag queens pour se faire accepter dans un Liban encore trop frileux et se faire reconnaître. Il se bat pour le respect de la différence quelle qu’elle soit.

« J’ai besoin de plusieurs jours, voire des semaines, pour composer un personnage. J’achète les tissus que j’ai choisis, un à un, pour les costumes qui sont confectionnés sur mesure chez un couturier de Furn el-Chebback. Tout comme les chaussures que Latiza va porter le jour du show. Il me faut au moins quatre heures pour me maquiller, me coiffer et m’habiller », confie le jeune homme, petite barbe, regard sombre, tatouages le long des bras, dont un daddy en arabe tatoué sur la gorge pour ses 25 ans. Et un sourire discret qui n’a rien, mais rien du tout à voir avec les poses qu’affectionne Latiza. « Avant la crise économique et le Covid, le travail était beaucoup plus intense. Les soirées privées et les spectacles dans quelques bars underground de Mar Mikhaël et de Beyrouth plus nombreux et réguliers. Aujourd’hui, tout a changé. De plus, ce que j’utilise est vendu en dollars, que ce soit les crèmes spéciales pour le contouring, les faux cils, la colle pour lifter la peau et les paupières, les produits pour préparer les perruques… Tout », précise-t-il. Le travail effectué n’est pas seulement physique et ne se limite pas aux préparatifs minutieux de la transformation. Mous doit se glisser dans la peau de son personnage. Dans la peau de Latiza Bombé et de ses personnages. Beaucoup de travail en amont de quinze courtes minutes sur scène. Quinze minutes de plaisir.

Latiza Bombé, haute en couleurs. Photo DR

Elle et lui

« Latiza est une femme forte, parfois même arrogante. Elle a une énorme confiance en elle et ne craint rien ni personne. C’est quelqu’un qui n’a pas peur de s’affirmer et d’être ce qu’elle est », explique Mous, avouant que souvent, c’est elle qu’il appelle à la rescousse pour lui donner le courage qui lui manque lorsque l’envie de baisser les bras le prend. « Quand quelque chose me dérange, je me dis que Latiza aurait agi différemment, qu’elle aurait pris les choses plus légèrement, qu’elle s’en serait fichue », dit-il. Cette transformation, devenue un hobby, puis une passion grandissante « pour le show », Mous la revendique en précisant qu’elle n’est pas née d’une envie d’être une femme, mais plus de s’exprimer artistiquement. Avant Latiza Bombé, il avait commencé avec Stéphanie, un personnage plus soft qu’il habillait, qu’il habitait pour des soirées entre amis. Mais Stéphanie, qui lui a vite paru trop simple, ennuyeuse, avec un physique quasi insignifiant, a rapidement cédé la place à Latiza, plus puissante, plus présente et plus sophistiquée. Latiza, la face cachée de Mous, est sa force. Malgré ses airs d’un garçon ordinaire et sans histoires, il n’a pourtant pas eu les choses faciles et a dû se battre pour arriver là où il est aujourd’hui. Et surtout à cette liberté défendue. Car le jeune homme, qui préfère cacher son identité, vient d’un milieu conservateur de la banlieue sud de Beyrouth. Ayant eu une éducation stricte et religieuse, c’est à l’âge de 11 ans qu’il découvre son homosexualité. « Je n’étais pas attiré par les filles et pourtant j’ai décidé d’avoir une copine malgré tout. Cette expérience, pour faire plaisir aux autres, n’a fait que confirmer ma préférence pour les garçons », confie-t-il. Mous prend des petits boulots, quitte le domicile familial à 17 ans et surtout la banlieue sud où il se sent enfermé, comme prisonnier, pour un quartier plus « tolérant » de la capitale libanaise. Il suit des cours à l’université, arrête par manque de moyens et s’y remet plus tard. « J’ai coupé net avec les gens qui me dérangeaient. De ma famille, je n’ai désormais de relations qu’avec ma mère que j’adore. Elle n’est pas au courant de mon homosexualité, je ne lui en parle pas. Ce n’est pas qu’elle ne m’accepterait pas, mais elle aurait beaucoup de peine et je préfère lui épargner cette épreuve. Elle m’a élevé seule et m’a tout donné. C’est grâce à elle que j’ai réussi à avoir les pieds sur terre », explique-t-il. Il lui rend souvent visite et lui parle de son autre vie, celle de directeur d’un café de Beyrouth, celle d’étudiant à l’université, laissant Latiza dans le placard. « Quand je vais la voir, j’enlève mes piercings, évidemment », dit-il.

* Mous a choisi de ne pas révéler son identité.

Elle s’appelle Latiza Bombé et elle fait son show dans des soirées privées ou des boîtes spécialisées de Beyrouth. Latiza Bombé est la création, la créature de Mous, 25 ans. Il choisit un thème, peaufine ses personnages et passe des journées et des nuits entières à mettre en scène, en couleurs et en paillettes, un show que, pour son double et star de la nuit, il veut à chaque...

commentaires (1)

Latiza bombé ? Assez significatif

Esber

16 h 36, le 01 février 2022

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Commentaires (1)

  • Latiza bombé ? Assez significatif

    Esber

    16 h 36, le 01 février 2022

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