
Une photo d’archives de l’ancien Premier ministre Saad Hariri quittant la salle après avoir donné une conférence de presse le 18 octobre 2019 au Grand Sérail. Mohamed Azakir/Reuters
L’horizon est brumeux pour les haririens. Au lendemain de l’annonce par Saad Hariri de la suspension de ses activités politiques à quelques mois seulement des législatives de mai, le paysage politique n’a jamais été aussi flou. Si des rumeurs sur le retrait de M. Hariri allaient déjà bon train depuis plusieurs semaines, le fait qu’il ait également « invité » le reste de son parti à bouder le scrutin, probablement à la demande des pays arabes à en croire les échos de la presse locale, en a surpris plus d’un. Fort d’une vingtaine de députés, M. Hariri est considéré comme le « leader » de la communauté sunnite au Liban. Sa décision entraîne dans son sillage un large pan de l’échiquier politique qui se voit ainsi contraint de s’en retirer ou de prendre ses distances avec Saad Hariri.
Moustapha Allouche, vice-président du parti et vu comme un candidat potentiel à Tripoli, balaie d’un revers de la main l’hypothèse d’une candidature indépendante soutenue par le parti bleu. « Quand on est membre du Courant du Futur, on ne peut pas être sous le label “indépendant” en même temps », martèle-t-il, affirmant être autant concerné par la décision du boycott que M. Hariri lui-même. « Le Courant du Futur ne présentera pas et ne soutiendra aucune candidature », répète M. Allouche. Dans ce contexte, certaines voix craignent que les élections ne soient reportées en raison du non-respect du pacte national, si les grandes figures de la communauté sunnite décident toutes de boycotter le scrutin. « Notre absence ne nuit pas au pacte national, et même si c’était le cas, je n’ai vu personne se soucier du pacte national quand ils ont formé un gouvernement sans nous », lâche M. Allouche. Même son de cloche chez Bahia Hariri, la tante de Saad Hariri et gardienne de l’héritage politique. Des sources concordantes affirmaient effectivement que la députée de Saïda redoute par-dessus tout la fermeture des portes de la maison Hariri. Mais l’ancien Premier ministre a été catégorique, invitant « sa famille » politique à se retirer également de la compétition électorale. Résultat, « Bahia Hariri se range derrière la décision de son neveu », affirme à L’Orient-Le Jour un de ses conseillers, tout en précisant que des réunions entre la députée sunnite et des cadres du parti ont lieu régulièrement.
« Nous poursuivrons la confrontation »
L’absence de Saad Hariri au scrutin du 15 mai 2022 bouleverse la donne sur la scène sunnite, créant un vide que plusieurs figures vont chercher à combler. Il en va ainsi de l’homme d’affaires Fouad Makhzoumi, du frère aîné de Saad, Baha’ Hariri, des groupes islamistes, de la société civile ou même des sunnites prosyriens. Suite aux événements de Tayouné, le 14 octobre dernier, le leader des Forces libanaises Samir Geagea a également gagné en popularité dans la rue sunnite, étant apparu comme le seul capable de tenir tête au Hezbollah. M. Geagea, qui mise énormément sur les élections, souhaite s’allier à des personnalités sunnites.
Les yeux sont également rivés sur des figures proches de M. Hariri, comme l’ancien Premier ministre Fouad Siniora. Ce dernier est vu comme étant capable de mobiliser des personnalités sunnites plus traditionnelles, peut-être même issues du courant du Futur, afin de ne pas laisser la scène à une pléthore de nouveaux arrivants. Contacté par L’Orient-Le Jour, M. Siniora n’a pas souhaité commenter pour le moment. Mais hier, il a posté un tweet dans lequel il réagissait au retrait de M. Hariri. « Mon frère Saad, je suis avec toi, en dépit de ta décision. Je suis avec toi, même si cela ne leur plaît pas », a-t-il écrit. En dehors de la bataille sunnite, l’enjeu n’est pas le même. Hadi Hobeiche, député maronite du Akkar et membre du groupe parlementaire du Futur, se veut ainsi plus nuancé. « Tout dépend de la manière dont on voit les choses. Saad Hariri est un homme d’État. Il analyse la situation suivant un angle national, et il sait très bien que même si on obtient une majorité parlementaire, il est impossible de gouverner sans le Hezbollah dans ce système politique. C’est pour cela qu’il a choisi de ne pas participer, quitte à laisser la place à ceux qui pensent pouvoir changer quelque chose », dit-il.
Mais M. Hobeiche ne voit pas les choses sous le même angle. « Moi, d’un autre côté, j’ai toujours été député pour servir ma région d’abord, je sais que mon impact national est limité », précise-t-il. Cela signifie-t-il que M. Hobeiche, issu d’une famille politique du Akkar, pourrait toujours se présenter ? « Je ne déclare rien pour le moment », se contente-t-il de dire.
Quelle que soit la configuration des prochaines élections, personne au sein du courant du Futur ne veut croire que le parti est mort. « Nous poursuivrons la confrontation politique d’une autre manière », explique Moustapha Allouche. « Nous avons essayé les élections et ça n’a pas marché. À quoi bon rester au Parlement si nous ne pouvons élire que Nabih Berry à sa tête, pour ne pas entraver les droits des chiites ? Nous ne voulons plus prendre part au “Parlement de l’inactivité et du confessionnalisme”. Nous le laisserons à ceux qui veulent prendre notre place, la confrontation se déroulera désormais ailleurs », affirme-t-il. Il est rejoint par M. Hobeiche, pour qui le courant du Futur doit « se mobiliser pour une conférence internationale sur les armes du Hezbollah », la seule façon, selon le député du Akkar, de parvenir à un véritable changement.
L’horizon est brumeux pour les haririens. Au lendemain de l’annonce par Saad Hariri de la suspension de ses activités politiques à quelques mois seulement des législatives de mai, le paysage politique n’a jamais été aussi flou. Si des rumeurs sur le retrait de M. Hariri allaient déjà bon train depuis plusieurs semaines, le fait qu’il ait également « invité » le reste...
commentaires (10)
Ne bloquez plus les candidats libres et patriotes!
Wow
14 h 57, le 28 janvier 2022