
Le chef de l'Eglise maronite, Béchara Raï, célébrant une messe. Photo ANI
Le chef de l'Eglise maronite Béchara Raï a appelé samedi le président libanais, Michel Aoun, à prendre de "nouvelles initiatives" afin de "protéger l'indépendance et la souveraineté du Liban" et à ne plus légitimer "tout ce qui nuit à l'unité de l'Etat", dans une allusion implicite au Hezbollah. Dans son homélie à l'occasion de la messe de Noël à Bkerké, le patriarche, qui n'a pas hésité à hausser le ton à l'encontre du tandem chiite sans toutefois le nommer, a une nouvelle fois plaidé en faveur de la reprise du travail gouvernemental, estimant que "lier le sort du cabinet à la prise de position d'une partie constitue une violation de la Constitution".
Le tandem chiite boycotte le gouvernement Mikati depuis plus de deux mois et refuse de participer à un éventuel Conseil des ministres au cours duquel le sort du juge Tarek Bitar, en charge de l'enquête sur les explosions au port de Beyrouth, ne serait pas évoqué. Amal et le Hezbollah demandent en effet qu'il soit dessaisi de l'enquête, ou du moins de son volet politique. Les responsables poursuivis dans le cadre de l'instruction réclament notamment la mise en place d'une Haute cour chargée de juger les ministres et les présidents, une procédure jugée par nombre d'observateurs comme un moyen de torpiller l'enquête.
En attendant une solution à cette crise politique, le Premier ministre, Nagib Mikati, refuse de convoquer son cabinet à une réunion de crainte qu'il n'implose. Un marché politique qui était en gestation entre les différents protagonistes ces derniers jours et liait le sort du gouvernement à celui du juge Bitar, à des nominations judiciaires et aux élections législatives du printemps 2022 a fini par échouer.
"Lier le sort du gouvernement à la position d'une partie politique constitue une violation de la Constitution, une infraction à l'accord de Taëf et une distorsion du Pacte national", a lancé samedi le patriarche Raï. Le prélat a une nouvelle fois appelé le gouvernement à reprendre ses réunions, estimant qu'il "faut faire la distinction entre un accord entre différentes parties sur des causes qui concernent la nation, et l'imposition par certains d'une volonté unilatérale" qui a un impact sur les institutions constitutionnelles et les Libanais.
Le rôle du Hezbollah
Béchara Raï a dans ce contexte demandé au chef de l'Etat de "trouver les moyens de libérer l'Etat des personnes qui le prennent en otage". Il l'a également appelé à prendre "de nouvelles initiatives, notamment l'adoption du projet de la neutralité du Liban", afin de "protéger l'indépendance et la souveraineté" du pays. Mgr Raï a dans ce cadre assuré qu'il soutenait le président afin que le Liban "retrouve son équilibre et sa position dans le monde arabe et au niveau international". "Nous vous soutenons afin que vous leviez la légitimité de tout ce qui nuit à l'unité de l'Etat, au partenariat national, au système démocratique, au rôle de l'armée libanaise et au travail du pouvoir judiciaire, et tout ce qui empêche de respecter la Constitution et les résolutions internationales", a plaidé Mgr Raï, dans une allusion implicite au Hezbollah, allié politique du camp aouniste. Le Hezbollah est le seul parti encore armé du Liban et son implication dans des conflits régionaux, notamment en Syrie et au Yémen, est régulièrement dénoncée comme une atteinte à la souveraineté du pays.
S'exprimant au sujet des législatives prévues en 2022, le chef de l'Eglise maronite a une nouvelle fois souligné la nécessité qu'elles se tiennent "dans les délais constitutionnels" afin que la présidentielle, prévue en octobre 2022, puisse également avoir lieu à temps. Dans son homélie du dimanche, le patriarche est également revenu sur l'importance des législatives à venir. "Les Libanais attendent les élections en mai prochain pour exercer leur droit à poser des questions et demander des comptes" aux dirigeants politiques, a-t-il lancé, soutenant l'hypothèse d'un scrutin à la date initialement prévue et non pas anticipé. "Ces élections sont la garantie de l'élection présidentielle à venir", a-t-il réaffirmé.
Contrairement au souhait de la présidence et de son camp, les amendements à la loi électorale (adoptée en octobre dernier par la Chambre), qui prévoyaient d'avancer le scrutin de mai à mars 2022, restent exécutoires, malgré un recours présenté devant le Conseil constitutionnel par les députés aounistes. Le scrutin devrait donc théoriquement se dérouler le 27 mars 2022. Une option que refuse Michel Aoun, qui menace de s'abstenir de signer le décret de convocation du collège électoral, avant le délai imparti.
Le chef de l'Etat s'était entretenu durant environ une demi-heure avec le prélat maronite avant la messe de Noël et s'était abstenu de répondre aux questions des journalistes, affirmant qu'il prononcera une allocution lundi prochain. Le journal al-Anba', citant des informations de la présidence croit savoir que cette prise de parole pourrait s'avérer virulente à l'égard des différentes formations politiques, et notamment du Hezbollah.
Un pays "coincé"
Pour sa part, le métropolite grec-orthodoxe de Beyrouth, Mgr Élias Audi, a estimé samedi que "le pays est coincé entre un gouvernement dont le travail est suspendu et une enquête que des parties puissantes essaient de bloquer afin que la vérité ne soit pas dévoilée".
Plus d'un an après le drame du 4 août 2020, l'instruction n'a toujours pas avancé en raison d'ingérences politiques dans le travail du magistrat Tarek Bitar. Ce dernier a été pour la quatrième fois contraint jeudi dernier de suspendre ses investigations à la suite d'un énième recours déposé à son encontre par les anciens ministres Ali Hassan Khalil et Ghazi Zeaïter.
Les différents acteurs de la vie publique au Liban ont décidé de nous gâcher aussi les fêtes en débitant des niaiseries. Soit on nomme les choses par leur nom soit on se tait. ASSEZ DE LANGUE DE BOIS. Le Patriarche n’a qu’à demander la destitution du président au lieu d’allusions voilées en langage feutré à l’eau de rose
12 h 37, le 27 décembre 2021