
Le patriarche maronite, Béchara Raï, le 24 décembre 2021 à Bkerké, à l'occasion de la messe de Noël. Photo ANI
Le patriarche maronite, Béchara Raï, a profité de la messe du réveillon de Noël, vendredi, pour plaider une nouvelle fois en faveur de la neutralité du Liban par rapport aux conflits régionaux, un appel qui irrite le Hezbollah et ses alliés, alors que le pays subit un effondrement économique spectaculaire depuis 2019, et une grave crise politique depuis des mois.
"Embourbés dans leurs conflits"
"Si l'amour existait dans notre vie nationale et dans les coeurs des responsables (politiques, NDLR), nous n'en serions pas arrivés là, et le peuple ne souffrirait pas de la pire tragédie de son histoire", a d'abord lancé le patriarche maronite, lors de son homélie prononcé depuis le siège de Bkerké. "Mais malgré tout cela, nous voyons les gens au pouvoir embourbés dans leurs conflits, cherchant des combines, des compromis et des compromissions, pour se venger des autres, écarter leurs adversaires et placer (en poste, NDLR) ceux qui leur sont affiliés", a fustigé le prélat. Il a ensuite accusé les dirigeants de "chercher à reporter les élections législatives et présidentielles pour des objectifs qui ne sont pas dans l'intérêt du Liban et de sa population".
Alors que le Liban poursuit son effondrement économique et social depuis 2019, le gouvernement de Nagib Mikati ne s'est plus réuni depuis plus de deux mois sur fond de tensions concernant l'enquête sur la double explosion meurtrière du 4 août 2020 au port de Beyrouth. Les ministres du tandem chiite Amal-Hezbollah refusent de participer à tout Conseil des ministres que pourrait convoquer le Premier ministre Nagib Mikati tant qu'ils n'ont pas de garantie que le sort du juge Bitar y sera tranché. Le Hezbollah fait en effet pression pour un limogeage du juge d'instruction, alors que le mouvement Amal veut le dessaisir du volet politique de l'affaire. En attendant une solution à cette crise politique, M. Mikati refuse de réunir son cabinet, de crainte qu'il n'implose. Un marché politique qui était en gestation entre les différents protagonistes ces derniers jours et liant le sort du gouvernement à celui du juge Bitar et des élections législatives du printemps 2022 a fini par échouer, aggravant encore plus la crise politique dans le pays. Vendredi, M. Mikati a toutefois affirmé, devant le ministre italien de la Défense Lorenzo Guerini qu'il recevait à Beyrouth, que des efforts sont en cours pour réunir à nouveau le gouvernement.
Neutralité
Le patriarche Raï est ensuite revenu à la charge en plaidant une nouvelle fois en faveur de la neutralité du Liban par rapport aux conflits régionaux. "Une nouvelle fois, nous répétons que la seule issue possible consiste à déclarer la neutralité positive et active du Liban, en application du Pacte national qui refuse de transforme le pays en une base ou un passage pour toute présence étrangère", a lancé Mgr Raï, dans une allusion à peine voilée à l'influence de l'Iran et de son allié libanais, le Hezbollah. Pour le prélat maronite, la neutralité du Liban "relève de la nature géopolitique du pays qui impose ce principe en vue du partenariat et de l'unité". "Le Liban sans neutralité se tiendra toujours au bord du gouffre des crises, des divisions et des guerres, alors que le Liban neutre vivra en union, paix, stabilité, développement et croissance", a estimé le cardinal. Il a toutefois rappelé que "le Liban ne peut être neutre dans trois cas : lors d'un consensus arabe, envers Israël et par rapport au droit et au tort".
Depuis le début de sa campagne en faveur d'une neutralité du Liban, en juillet 2020, Mgr Raï précise cependant que cette option ne s'applique pas au conflit avec Israël, répondant ainsi aux accusations lancées régulièrement contre lui par le Hezbollah et ses alliés. Les appels du patriarche en faveur de la neutralité irritent le parti chiite, allié de l'Iran, qui se bat en Syrie aux côtés du régime de Bachar el-Assad et s'estime visé par les plaidoyers du chef de l'Eglise maronite.
Béchara Raï a enfin souligné que lors de son entretien lundi à Beyrouth avec le chef de l'Onu, Antonio Guterres, il a remis à ce dernier un document qui contient ses "positions habituelles concernant la neutralité et la conférence internationale pour le Liban ainsi que la nécessité d'appliquer toutes les décisions internationales de manière impartiale, surtout que l'Etat libanais a approuvé ces décisions". "Nous avons insisté auprès du secrétaire général de l'Onu la nécessité que les Nations unies se mobilisent avant tout le monde pour élaborer une solution internationale qui reflète la volonté des Libanais".
Pour sa part, le mufti jaafarite chiite Ahmad Kabalan, réputé proche du Hezbollah, a estimé que "tout grand compromis sera forcément politique et non judiciaire", confirmant de facto une politisation de l'enquête sur l'explosion au port. Il a dans ce cadre réclamé une nouvelle fois la mise à l'écart du juge Bitar, comme le demande le Hezbollah.
De son côté, l'ex-Premier ministre et leader sunnite Saad Hariri, en retrait ces derniers mois de la scène politique alors qu'il se trouve aux Emirats, a dit espérer "des jours meilleurs". A l'occasion d'un message pour les fêtes de fin d'année, il a souhaité que le Liban "se remette de ses nombreuses et grandes crises".
Quant au leader chrétien et chef des Forces libanaises, Samir Geagea, il a estimé que "le meilleur cadeau pour 2022 serait les législatives et le changement qu'elles apporteront (...)". "Nous attendons que le président de la République, le Premier ministre et le ministre de l'Intérieur signent le décret de convocation du collège électoral le plus tôt possible", a ajouté M. Geagea. Contrairement au souhait de la présidence et de son camp, la législation modifiant la loi électorale (votée en octobre dernier par la Chambre) avançait le scrutin de mai à mars 2022. Réuni mardi, le Conseil Constitutionnel n'a pas pris de décision finale au sujet du recours intenté par le Courant patriotique libre pour faire annuler les amendements de la loi électorale concernant les prochaines législatives, faute de majorité. La loi en question entre donc de facto en vigueur. Le scrutin devrait donc théoriquement se dérouler le 27 mars 2022. Une option que refuse Michel Aoun, qui menace de s'abstenir de signer le décret de convocation du collège électoral, avant le délai imparti.
Le patriarche maronite, Béchara Raï, a profité de la messe du réveillon de Noël, vendredi, pour plaider une nouvelle fois en faveur de la neutralité du Liban par rapport aux conflits régionaux, un appel qui irrite le Hezbollah et ses alliés, alors que le pays subit un effondrement économique spectaculaire depuis 2019, et une grave crise politique depuis des mois."Embourbés dans leurs...
commentaires (8)
JE NE ME SUIS PAS TROMPÉ, RAÏ A BIEN REÇU AOUN. J'ÉTAIS PAS LÀ, MAIS J'IMAGINE BIEN QU'IL L'A REÇU AVEC TOUS LES HONNEURS. ET DEMAIN CE MÊME RAÏ VA CONTINUER À RALER CONTRE LES RESPONSABLES QUI NE PENSE QU'À EUX MÊME. SACRÉ PATRIARCHE
Gebran Eid
13 h 48, le 25 décembre 2021