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Culture - Résidence d’artistes

Une escale lyonnaise pour Valérie Cachard et Camille Ammoun

Alors qu’ils viennent de terminer une résidence d’écriture à la Villa Gillet de Lyon, dans le cadre du projet Nafas organisé par l’Institut français du Liban, les deux écrivains reviennent sur les temps forts de cette expérience.

Une escale lyonnaise pour Valérie Cachard et Camille Ammoun

La résidence Écoutes croisées est le cadre artistique dans lequel Valérie Cachard et Camille Ammoun ont été en résidence à Lyon pour deux mois. Photo Laurence Soulard

Située au cœur de la colline de la Croix-Rousse, la Villa Gillet se définit comme une maison européenne et internationale des écritures contemporaines, où se retrouvent écrivains, philosophes et artistes. Forte de deux festivals et d’une programmation annuelle, cette institution originale constitue un laboratoire de réflexion autour des pratiques liées à la parole et à l’écriture. « La résidence “Écoutes croisées” est le cadre artistique dans lequel Valérie Cachard et Camille Ammoun ont évolué à Lyon durant deux mois. Ce projet est singulier dans sa dimension artistique et dans son exécution, parce qu’il a pour objet de créer une cartographie littéraire sonore internationale », précise Rozenn Le Bris, directrice adjointe de la Villa Gillet. « Nous avons pu participer à cette résidence grâce au projet Nafas. C’est un dispositif créé par l’Institut français après les explosions du 4 août, pour permettre à cent artistes libanais de participer à des résidences en France, toutes disciplines confondues, avec des organisations partenaires, comme la Villa Gillet », précise Camille Ammoun, l’auteur d’Ougarit ( éditions Inculte, Prix Écrire la Ville 2020). « Nous avons partagé des moments très intenses, comme lors de la table ronde à laquelle nous étions invités Camille et moi, avec Randa Asmar et Hanane Hajj Ali. L’écoute et la réaction du public étaient remarquables. À peine avions-nous entamé le débat que les questions fusaient, et c’était complètement fou de les arrêter. Nous devions nous interroger sur les interférences entre le contexte actuel du Liban et notre création artistique, mais très vite, c’est l’axe politique qui a été favorisé par l’auditoire. C’était émouvant d’être réunis sur scène, à Lyon, alors que ce n’est jamais arrivé au Liban », constate Valérie Cachard, auteure de Victoria K, Delphine Seyrig et moi ou la petite chaise jaune (Prix RFI Théâtre 2019).

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Au cours de cette résidence, le Festival mode d’emploi, qui a eu lieu la semaine du 16 novembre, a constitué un moment déterminant pour les deux écrivains. « C’est un festival qui associe littérature et sciences sociales. Nous sommes intervenus Charif Majdalani et moi pour présenter nos derniers livres, dans l’amphithéâtre de l’opéra de Lyon, j’ai beaucoup apprécié cette rencontre avec les lecteurs. Puis plusieurs auteurs et artistes ont présenté des podcasts sur les cinq villes sélectionnées par le festival, dont Beyrouth. Le mien est intitulé Beyrouth dérive, et il est toujours accessible en ligne. C’est une adaptation sonore, ou plutôt radiophonique de mon livre Octobre Liban (Inculte, 2020), dont j’ai explicité la méthode et les fondements. Le podcast a été réalisé à Beyrouth, puis monté par la boîte de production Making Waves. Il s’agissait d’expliquer comment on a capté le son, et comment on a transformé nos émotions en texte », précise Camille Ammoun, dont le podcast entrecroise des extraits d’Octobre Liban, lus par des étudiants de l’USEK avec les bruits de la ville de Beyrouth. « On a refait, Elie Bekhazi, Alexandre Plank et moi, la trajectoire qui oriente le fil narratif de mon livre, du rond-point de Dora à la place Riad el-Solh. Pendant que je commentais l’itinéraire, Alexandre prenait le son des pas, des générateurs, des klaxons, mais aussi le silence, comme quand nous sommes entrés dans l’ancienne gare ferrovière », poursuit l’écrivain, qui a également encadré un atelier d’écriture, avec l’association Le Rize, adressé à des jeunes de Villeurbanne. « J’ai animé un atelier de cinq sessions de deux heures chacune, intitulé “Marcher, écrire”. Il s’agissait de partager ma pratique d’écriture, qui consiste à transformer le texte urbain en texte littéraire, avec une quinzaine de jeunes aux profils très variés. C’était passionnant de découvrir une ville multiple et complexe dans les yeux de sa jeunesse. Je connaissais cette pratique de la psycho-géographie par mes lectures ou pour l’avoir utilisée dans mes propres textes, mais cette fois j’ai vraiment assisté à la transformation de la ville en texte. À la fin, les participants ont partagé les écrits réalisés, c’était très émouvant. Ces jeunes sont très éveillés à la diversité de leur espace urbain ; je pense maintenant monter un tel atelier à Beyrouth », ajoute celui qui a profité de son séjour en France pour participer à plusieurs événements, dont le festival international de géographie de Saint-Dié-des-Vosges, qui réunissait des géographes et des auteurs.

Écriture verticale, écriture horizontale

Valérie Cachard a elle aussi animé un atelier d’écriture, avec huit femmes, au cours des deux mois passés à la Villa Gillet. « Mon groupe se composait de femmes de tous les âges, qui partagent une grande disponibilité et beaucoup de générosité. J’ai travaillé dans la lignée d’une création radiophonique réalisée au Liban l’année passée, et j’ai envisagé ce projet comme un second volet, à Lyon. Je les ai invitées à explorer l’intimité, la féminité et les espaces intérieurs. Leurs textes sont très beaux, et on a fait une émission qui a été diffusée sur la webradio de la Villa », indique celle qui a également avancé sur son projet de mise en scène théâtrale de Victoria K, avec Hadi Deaibes. « Hadi est musicien, comédien et clown, et il s’occupe de la scénographie sonore du spectacle, il me dirige aussi dans l’interprétation. C’était fantastique de travailler dans les murs de la Villa Gillet, qui est une vieille maison, comme celle qui est au coeur de la pièce. Nous sommes allés vers une scénographie sonore importante, avec tout un travail sur la manière dont le son se déplace, et donne vie à l’absence. Le 19 novembre, nous avons partagé une sortie de résidence avec le public, qui a été bien accueillie », se réjouit la dramaturge, dont le podcast documentaire sur la ville de Beyrouth, réalisé avec Alice Lefilleul, interroge ses habitants. Que reste-t-il quand il ne reste plus rien ? À travers les réponses des Beyrouthins, c’est un portrait intime de la ville et une plongée dans des émotions contradictoires qui se dessinent.

Cette résidence d’écriture a été l’occasion pour les deux écrivains d’échanger autour de leurs pratiques, ce qui a fait l’objet d’une rencontre avec des étudiants de l’Ensatt (École Nationale Supérieure des Arts et Techniques du Théâtre). « Il s’agissait de les faire écrire à nos deux manières, selon nos façons d’être réceptifs à ce qui nous entoure, avec une pratique géo-urbanistique pour Camille, et une écriture du détail, un peu dramaturgique, pour moi. Je crois que mon geste d’écriture est vertical, le sien est horizontal. Chacun a sa manière de se faire traverser par ce qu’il voit, et je sens que la ville de Lyon sera présente dans mon prochain récit, qui interroge la notion de glissement identitaire. J’ai trouvé la ville elle-même très inspirante, c’est peut-être dû à la présence de l’eau, la Saône est très vivante. Selon les jours et les températures, elle est plus ou moins mobile ; la lumière est extraordinaire et la végétation a un côté brut sur la colline de Fourvière, dans sa façon de s’accrocher aux aqueducs », décrit Valérie Cachard avec enthousiasme. « Je prépare à présent avec Hadi Deaibes la mise en scène de Victoria K, que nous allons jouer à Reims, fin janvier. Ma résidence à Lyon m’a permis d’envisager différemment le récit que je suis en train d’écrire, où se pose la question de la possibilité d’une double identité. Peut-on passer de l’une à l’autre sans s’écorcher ? J’ai envie de le nourrir de questionnaires, à la lumière des discussions que j’ai pu avoir dans les ateliers que nous avons partagés », conclut Valérie Cachard, pensive. Depuis son balcon d’Achrafieh, Camille Ammoun constate qu’il est content d’être rentré. « Ces deux derniers mois ont été très riches en rencontres, tables rondes, conversations, et je vais pouvoir développer toute cette matière réflexive en reprenant le récit que je suis en train de travailler. Il tournera autour de la situation dans laquelle nous sommes aujourd’hui à Beyrouth », prévoit-il.

Podcasts à écouter

1. Camille Ammoun : Beyrouth dérive (une adaptation radiophonique d’Octobre Liban)

2. Valérie Cachard : Beyrouth, la lumière, ce qui reste quand tout d’effondre

3. Lecture musicale avec Jérôme Kircher (comédien) et Claude Barthelemy (musicien, oudiste) à partir des textes inédits de Camille Ammoun, Salah Badis, François Beaune, Hadrien Bels, Valérie Cachard,

Nadia Khiari et Abdellah Taïa.

4. Conversation avec Camille Ammoun, Valérie Cachard et Abdellah Taïa.

5. Entretiens avec Valérie Cachard et Camille Ammoun

6. En partenariat avec le Festival Sens Interdits et le Théâtre de la Croix-Rousse

Rencontre autour de la scène artistique libanaise actuelle avec les écrivains

Camille Ammoun et Valérie Cachard (en résidence à la Villa Gillet) et les comédiennes Randa Asmar et Hanane Hajj Ali, en amont du spectacle Augures, mis en scène par Chrystèle Khodr au Théâtre de la Croix-Rousse les 21 et 22 octobre.

Située au cœur de la colline de la Croix-Rousse, la Villa Gillet se définit comme une maison européenne et internationale des écritures contemporaines, où se retrouvent écrivains, philosophes et artistes. Forte de deux festivals et d’une programmation annuelle, cette institution originale constitue un laboratoire de réflexion autour des pratiques liées à la parole et à...

commentaires (2)

Carrelage JP Raynaud ?

Wow

16 h 33, le 28 décembre 2021

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Commentaires (2)

  • Carrelage JP Raynaud ?

    Wow

    16 h 33, le 28 décembre 2021

  • Beau cadeau de Noël et belle bibliographie Merci

    Bassam Youssef

    18 h 34, le 25 décembre 2021

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