Le secrétaire général de l'ONU, António Guterres, a exhorté lundi de Beyrouth les responsables politiques libanais à "passer outre leurs divisions", alors que le pays est plongé non seulement dans une grave crise socio-économique et financière, mais également dans un blocage politique qui dure depuis plus de deux mois.
M. Guterres a lancé cette admonestation aux dirigeants libanais au deuxième jour de sa tournée au Liban, au cours de laquelle il suit un programme chargé, qui l'a notamment amené à s'entretenir avec des dignitaires religieux, avec le chef du Parlement, Nabih Berry, et le Premier ministre Nagib Mikati, et à se rendre au port de Beyrouth, pour rendre hommage aux plus de 200 victimes de la double explosion du 4 août 2020.
Lors de son escale à Aïn el-Tiné, où il s'est entretenu avec M. Berry, le chef de l'ONU a estimé que "le moment est venu pour les responsables de passer outre leurs divisions". "Les Libanais attendent de leurs responsables politiques qu'ils redressent l'économie, assurent un gouvernement qui fonctionne, mettent fin à la corruption et protègent les droits humains", a insisté M. Guterres sur son compte Twitter, dans l'après-midi. "Les responsables politiques n'ont pas le droit d'être divisés et de paralyser le pays", a-t-il ajouté. Le Conseil des ministres ne s'est, en effet, plus réuni depuis plus de deux mois, malgré l'urgence de lancer des réformes devant permettre le déblocage de fonds internationaux destinés à aider le pays à sortir la tête de l'eau, en raison de divisions entre les différentes formations politiques concernant le sort de l'enquête sur le drame du port de Beyrouth.
Dans des déclarations à la presse, à l'issue de la réunion avec M. Berry, M. Guterres a réitéré que l'organisation qu'il dirige est "solidaire avec les Libanais". Commentant sa visite matinale au port de Beyrouth, il a affirmé "comprendre les souffrances des gens et leur volonté de connaître la vérité" sur les causes de la déflagration. "Nabih Berry nous a parlé des violations répétées des l'espace aérien libanais" par l'aviation israélienne, a-t-il ajouté. "Nous vous promettons que nous n'épargnons aucun effort pour que les négociations permettent d'arriver à une solution rapide concernant le tracé de la frontière maritime, afin que le Liban puisse profiter de ses ressources" en hydrocarbures, a encore assuré M. Guterres. Et de souligner "la nécessité que la communauté internationale apporte un soutien supplémentaire à l'armée" libanaise."
"Prétextes sécuritaires"
Lors d'une conférence de presse conjointe avec le haut responsable de l'ONU, le chef du législatif a, lui, dénoncé les "tergiversations" de l'Etat hébreu concernant les négociations sur la délimitation de la frontière maritime, estimant que le retard "impacte l'économie" libanaise et "retarde la résolution des crises". Les sociétés chargées de l'exploration et l'exploitation éventuelle des hydrocarbures offshore "retardent leurs activités en invoquant des prétextes sécuritaires", a-t-il expliqué. L'épineux dossier des pourparlers entre le Liban et Israël autour de la délimitation de la frontière maritime est en suspens depuis des mois, sur fond de litige autour du tracé censé permettre au Liban de lancer ses explorations pour l'exploitation des hydrocarbures offshore.
M. Berry a tenu, par ailleurs, à rassurer M. Guterres sur les "bonnes relations" entre les habitants du Sud et la Force intérimaire de l'ONU au Liban (Finul), alors que des tensions surviennent régulièrement lors de tournées de cette force dans certains villages. Le Sud est considéré comme un fief du Hezbollah, allié du mouvement Amal du président de la Chambre, qui a encore estimé que les "troubles" éventuels le long de la frontière sont toujours "de la responsabilité d'Israël", et dénoncé les violations quotidiennes de l'espace aérien libanais, "notamment pour attaquer la Syrie".
"Aides urgentes"
Le secrétaire général a poursuivi sa tournée au Grand Sérail, où il a été reçu par le Premier ministre, Nagib Mikati.
Prenant la parole lors d'une réunion élargie avec M. Mikati, à laquelle ont pris part plusieurs ministres et responsables de l'ONU, M. Guterres a réitéré son appel que les dirigeants libanais "déploient tous les efforts possibles pour trouver des solutions" aux crises multiformes. Il a salué l'engagement pris par le chef du gouvernement à mener à bien les négociations avec le Fonds monétaire international et à mettre en œuvre les réformes administratives et financières requises "pour permettre au Liban de bénéficier des opportunités d'aide internationale qui lui sont offertes".
La coordinatrice de l'ONU au Liban, Joanna Wronecka, prenant également la parole, a souligné que l'organisation internationale "se concentre sur les meilleures façons possibles d'aider le Liban", ce qui se fait "en renforçant la coopération entre toutes les agences et instances des Nations unies" et en harmonisant ces actions avec "le plan de redressement et de réformes" du gouvernement.
De son côté, le chef du gouvernement a affirmé que le Liban a besoin d'"aides urgentes" afin de faire face aux crises. Il a remercié les Nations unies pour "leur soutien continu" et espéré qu'elles contribueront à "faciliter le lien entre les besoins de développement du Liban et les sources de financement, afin de freiner l'effondrement". Au sujet des législatives prévues au printemps 2022, le Premier ministre a assuré qu'elles seront "organisées dans les délais". "Le collège électoral sera convoqué au début de l'année prochaine", a-t-il affirmé, se prononçant en faveur d'un "soutien actif" de l'ONU au Liban pendant les législatives.
Ouverture, tolérance et coexistence
Dans la matinée, le haut diplomate onusien s'est entretenu, à l'hôtel Movenpick où il séjourne à Beyrouth, avec des dignitaires religieux, dont le chef de l'Eglise maronite, Mgr Béchara Raï, et le mufti de la République, le cheikh sunnite Abdellatif Deriane, au sujet des crises multiformes au Liban. Dans un tweet, il a rappelé que "l’identité du Liban est enracinée dans des valeurs d’ouverture, de tolérance et de coexistence", et salué l'engagement des responsables religieux à sauvegarder ces valeurs, notamment "durant cette période difficile pour le pays et le peuple".
Il s'est ensuite rendu au port de Beyrouth, dévasté par les explosions meurtrières du 4 août 2020, et a déposé une couronne de fleurs sur le mémorial des victimes, selon l'Agence nationale d'information. "Une enquête impartiale et transparente sur cet événement tragique est cruciale pour assurer la justice", a tweeté M. Guterres en commentant cette visite. La double explosion a fait plus de 200 morts et 6.500 blessés, et l'enquête sur les responsabilités continue de piétiner.
En fin de journée, lundi, le patron de l'ONU est allé à Tripoli, dans le nord du pays, où il a effectué une visite, en compagnie du ministre de l'Intérieur, Bassam Maoulaoui, dans une école gérée par l'UNRWA,
M. Guterres, qui s'est déjà entretenu dimanche avec le président libanais, Michel Aoun, avait formulé des critiques contre les dirigeants qui "paralysent" le pays, sans les nommer, et appelé la communauté internationale à "maintenir et renforcer son soutien" au Liban.
commentaires (7)
Ils aiment s’entendre dire que les libanais sont divisés, ça arrange tout le monde. Personne de tous ces émissaires qui se succèdent et se ressemblent dans leurs discours creux et hypocrites. Ils invitent les libanais à se mettre d’accords? De quels libanais ils parlent? Ceux au pouvoir sont on ne plus en osmose et agissent main dans la main pour garder le pouvoir avec leur appui et leur bénédiction à tous, à commencer par les français en passant par les américains et toutes les organisations internationales. Alors pourquoi remettre le problème sur le dos des libanais qui à chaque fois qu’ils montrent leurs désaccords avec ce crasse politique et descendent dans la rue se voient menacés par les armes des vendus, maltraités et pire encore trainés devant devant le tribunal militaire ou civil par ces mêmes forces de sécurité qui devraient les protéger de tout danger, sans que cela n’émeut aucun de ces pays qui n’arrêtent pas de pousser les libanais à agir pour sauver leur pays? Que tous ces émissaires arrêtent leurs navettes inutiles, il est préférable qu’ils agissent concrètement depuis là où ils se trouvent plutôt que de déplacer du vent pour alléger leur conscience. Les libanais sont désormais sans espoir, ils les ont vu tous à l’œuvre et ça n’est pas pour les rassurer.
Sissi zayyat
13 h 38, le 21 décembre 2021