Vingt-quatre heures après la nouvelle crise avec le Bahreïn qui a mis dans l'embarras le gouvernement du Premier ministre libanais, Nagib Mikati, l'un des membres de son cabinet, le ministre de l'Agriculture, Abbas Hajj Hassan, affilié au mouvement chiite Amal, s'est prononcé pour une fin de la guerre au Yémen. Même s'il ne mentionne pas nommément l'Arabie saoudite dans ses propos, le ministre libanais risque à nouveau d'irriter l'Arabie saoudite et les pays du Golfe, une grave crise diplomatique ayant éclaté entre eux et le Liban fin octobre en raison de propos sur cette guerre tenus par l'ex-ministre de l'Information, Georges Cordahi, qui avait fini par démissionner.
"Cette guerre doit se terminer"
"La guerre au Yémen doit prendre fin immédiatement, car personne ne peut voir des centaines de milliers de morts, de sans abris, d'affamés qui cherchent un espoir, et dire que la guerre doit se poursuivre", a affirmé le ministre chiite, dans un entretien accordé lundi à la chaîne syrienne Lana. "Indépendamment des causes et des responsables de celles-ci, et quels qu'en soient les vainqueurs, cette guerre doit se terminer", a insisté M. Hajj Hassan.
Les propos du ministre interviennent dix jours après la démission de Georges Cordahi, ex-ministre de l'Information, près d'un mois après le début de la crise politico-diplomatique entre Beyrouth et plusieurs pays du Golfe, Arabie Saoudite en tête. Dans une interview à la chaîne qatarie al-Jazeera, Georges Cordahi avait qualifié d'"absurde" le conflit au Yémen, estimant que les rebelles houthis (soutenus par l'Iran) se défendaient face à la coalition arabe menée par Riyad. Appuyé par le Hezbollah, le ministre avait longtemps refusé de démissionner, avant de rendre son tablier, le 3 décembre, à la veille de l'entretien entre le président français, Emmanuel Macron, et le prince héritier saoudien, Mohammad ben Salmane. Une réunion durant laquelle les deux hommes ont eu un bref entretien téléphonique avec Nagib Mikati, perçu comme un premier pas sur la voie du réchauffement des rapports entre Beyrouth et les monarchies arabes. Sauf que le président français et le prince héritier saoudien ont insisté sur "la nécessité de limiter la possession d’armes aux institutions légales de l’État. Des termes qui visent clairement le Hezbollah, protégé de l’Iran et bête noire de Riyad. Cette position a été réitérée, à quelques nuances près, par plusieurs pays du Golfe dont MBS a rencontré les dirigeants la semaine dernière. Jusque-là, ni la démission de Georges Cordahi ni l'appel franco-saoudien avec Nagib Mikati n'ont permis de mettre un terme à la crise.
Le Hezbollah et son arsenal "légitimes"
Dimanche, et alors que le cabinet tente de résorber cette brouille, une nouvelle crise, cette fois-ci avec Bahreïn, l'a mis dans l’embarras. Le principal groupe d’opposition chiite de Bahreïn, al-Wifaq, un mouvement dissous par les autorités et qui entretient des relations étroites avec le Hezbollah, avait organisé jeudi une conférence de presse dans la banlieue sud de Beyrouth pour publier son rapport annuel sur les violations des droits de l’Homme dans le royaume. Une affaire sur laquelle M. Mikati a rapidement demandé l'ouverture d'une enquête.
Évoquant l'épisode Cordahi, Abbas Hajj Hassan, a souligné qu'"on ne peut pas réclamer des comptes à une personne (pour avoir exprimé des positions) avant d'être en poste de responsabilité", dans une allusion au fait que l'ex-vedette de la chaîne saoudienne MBC a tenu ses propos avant d'être nommé ministre de l'Information. Il a en outre assuré que M. Cordahi a démissionné "loin de toute pression".
Abbas Hajj Hassan a par ailleurs pris la défense du Hezbollah, après les dernières critiques saoudiennes à l'égard du parti chiite. "Le Hezbollah est représenté au Parlement et au gouvernement. Il a résisté à Israël et a défendu le Liban. Il est donc légitime, de même que son arsenal".
Qui l'a sonné celui-là?
01 h 42, le 15 décembre 2021