
Le chef des Forces libanaises Samir Geagea à sa résidence de Meerab, le 29 novembre 2021. Reuters/Mohamed Azakir
En rendant publique son alliance avec le Parti socialiste progressiste et en ouvrant la porte à une coopération avec le courant du Futur lors des prochaines législatives, le chef des Forces libanaises, Samir Geagea, annonce d’ores et déjà les choix politiques sur base desquels il mènera campagne et les enjeux d’un scrutin dont les contours restent à ce jour imprécis. Dans l’interview accordée au journal koweïtien al-Jarida et publiée dimanche, M. Geagea a révélé que sa formation conclura des alliances avec des personnalités « indépendantes » ainsi qu’avec le PSP de Walid Joumblatt.
L’annonce publique des futurs partenaires électoraux des FL élucide, en partie du moins, l’énigme entretenue au sujet du positionnement que souhaite prendre la formation chrétienne par rapport aux partis traditionnels. Ayant entretenu, depuis le début de la révolte du 17 octobre 2019, l’ambition de s’afficher au cœur de la contestation, le leader des FL semble revenir peu à peu à une forme de realpolitik lui imposant de s’associer avec des acteurs traditionnels, depuis que l’opposition, entendue dans son sens large, s’est quelque peu essoufflée. D’où ce retour partiel au bercail pour les FL, et l’invitation faite à certaines composantes de l’establishment politique de venir rejoindre l’alliance FL-PSP.
C’est en ce sens qu’il faut comprendre la main tendue, certains diront un appel du pied de M. Geagea, au courant du Futur à l’occasion de cette même interview. Le leader chrétien a en effet invité Saad Hariri à se joindre à son alliance, mais sous certaines conditions. « Pour ce qui est de l’alliance avec le courant du Futur, a-t-il affirmé en réponse à une question à ce sujet, ses contours restent imprécis tant que ce parti n’a pas clarifié la réalité de sa participation aux élections. Toutefois, si (l’ancien Premier ministre et chef du parti Saad) Hariri décide de rentrer au Liban, toute alliance avec lui devrait être précédée d’un dialogue politique très profond, portant sur la définition des axes et des ententes stratégiques », a ajouté M. Geagea.
Le message est on ne peut plus clair : le chef des FL, qui avait déjà fait des clins d’œil en direction du Futur pour une éventuelle alliance, tient à rappeler implicitement ses exigences pour une telle entente et demande à M. Hariri, qui observe un mutisme quasi absolu depuis pratiquement la désignation de Nagib Mikati à la tête du gouvernement, de définir ses choix politiques, principalement à l’égard du Hezbollah.
Entretenir le flou
À l’exception d’une prise de position hostile à l’égard du ministre démissionnaire de l’Information, Georges Cordahi, et du camp politique qui le soutient depuis ses déclarations controversées à l’origine de la crise avec les monarchies du Golfe, M. Hariri s’est gardé de faire des déclarations publiques depuis qu’il s’est retiré de la scène après sa récusation. Un temps de réflexion qu’il s’est accordé afin de reconsidérer la poursuite de sa carrière politique, dit-on dans les coulisses.
Selon certains analystes, le leader sunnite ne fait qu’entretenir le suspense, dans l’objectif de semer le doute dans les milieux de ses rivaux. À ce jour, aucune annonce n’a été faite à ce propos, le chef du courant du Futur préférant attendre que soit officialisée la date du scrutin pour se prononcer sur sa participation ou du moins celle de son courant si lui-même devait décider de renoncer à la politique. Sauf que les autres parties politiques s’impatientent et cherchent donc à sonder les intentions de M. Hariri. « Nous ne pouvons plus nous contenter d’une alliance superficielle, parce que la situation au Liban a beaucoup changé », a lancé M. Geagea à l’adresse de M. Hariri. Une manière de dire qu’aucune formation politique ne pourra s’engager dans la bataille électorale avant de clairement définir son camp : pour ou contre les armes du Hezbollah, pour ou contre une perpétuation de l’emprise iranienne sur le pays. Certains experts l’avaient prévu en estimant qu’une majeure partie des alliances seront concoctées autour du slogan de la bataille pour la souveraineté. « Le courant du Futur doit absolument préciser sa vision politique et sa position par rapport au monde arabe qui ne tolère plus d’ingérence dans ses affaires internes », déclare Richard Kouyoumjian, ancien ministre FL, dans une allusion claire à la nécessité pour Saad Hariri de mettre un terme à son modus vivendi avec le Hezbollah.
« Nous sommes forts un peu partout »
Propulsé au rang d’interlocuteur favori de l’Arabie saoudite – l’ambassadeur saoudien a effectué une visite unique à Meerab avant son départ du Liban –, M. Geagea est en position de force, et peut par conséquent dicter ses conditions. Il peut également se targuer d’avoir séduit, outre une large partie du monde arabe, la rue chrétienne mais aussi sunnite, après les incidents meurtriers de Aïn el-Remmaneh, un fief FL, en octobre dernier. Ces incidents ont été vus par beaucoup comme une manifestation du rempart protecteur qu’exercent les Forces libanaises sur les régions chrétiennes.
Les FL ont réussi à supplanter le courant du Futur auprès des pays du Golfe et de l’Arabie saoudite, décrypte un observateur politique. Conscientes qu’une partie de la rue sunnite leur est désormais proche, les FL expliquent que la volonté de s’allier au Futur est motivée par les besoins d’élargir les alliances et de resserrer les rangs. « Nous sommes forts un peu partout. Mais un surplus d’appui ne nous fera pas de mal », appuie M. Kouyoumjian.
Si le pragmatisme politique est à l’origine des alliances souhaitées avec les alliés traditionnels, il l’est également dans le cas d’ententes ponctuelles que les FL pourront conclure avec des « indépendants », c’est-à-dire les forces du renouveau. La formation de Samir Geagea garde ainsi, malgré tout, un œil sur les possibilités que peuvent offrir les groupes de la contestation lorsque celles-ci veulent bien s’allier à elles, ce qui n’est pas toujours le cas. « Nous sommes ouverts à tous ceux qui partagent les principes souverainistes que nous défendons. La condition est, de toute évidence, que ces groupes dits de la contestation puissent être représentatifs », souligne l’ancien ministre FL.
Dans la montagne, c’est au nom de la préservation de la réconciliation druzo-chrétienne que les FL justifient leur alliance. Dans le reste des régions mixtes – Beyrouth, Békaa-Ouest et Baabda –, ce sont les calculs électoraux qui priment également, les deux formations ayant chacune besoin l’une de l’autre pour maximiser leurs chances. Le PSP avait, rappelons-le, entamé en secret des pourparlers avec le Courant patriotique libre de Gebran Bassil. C’était avant les incidents de Tayouné et leur impact sur l’humeur chrétienne.
En rendant publique son alliance avec le Parti socialiste progressiste et en ouvrant la porte à une coopération avec le courant du Futur lors des prochaines législatives, le chef des Forces libanaises, Samir Geagea, annonce d’ores et déjà les choix politiques sur base desquels il mènera campagne et les enjeux d’un scrutin dont les contours restent à ce jour imprécis. Dans...
commentaires (20)
(suite) Afin de retarder la guerre, qui aura éventuellement lieu, il faut déjà gagner la majorité parlementaire aux prochaines élections si le Hezbollah ne fait rien pour les annuler. Le parlement, entre les mains de ses opposant, le gouvernement le sera aussi ainsi que le prochain Président. Que cela plaisent ou pas les FL ont été, sont et reste la colonne vertébrale du pays car tous ses combats n'ont été fait que pour sauver les institutions et l’identité du pays. Si les FL cherchaient autre chose, elles auraient éviter les 15 ans de persécutions en collaborant des 1994. Notre peuple est tristement ingrat et surtout oublie la parabole de l'enfant prodigue que sont Hariri et Joumblatt. Il faut s'unir et bâtir un pays d’état de droit. Apres cela nous jugerons et aviserons.
Pierre Hadjigeorgiou
10 h 39, le 09 décembre 2021