
Des alliances électorales encore floues. Photo d’illustration Bigstock
Qui va s’allier avec qui en vue des prochaines législatives ? C’est la question à un million de dollars que se posent les experts pour tenter de saisir la dynamique qui commence à se mettre en place dans la perspective du prochain scrutin.
En 2018, des ententes parfois surprenantes s’étaient tissées entre les parties, dans l’objectif d’atteindre le coefficient électoral. On avait ainsi vu les Forces libanaises s’allier à leur concurrent, le parti Kataëb, mais aussi au courant du Futur, avec lequel elles étaient pourtant en brouille, et le courant haririen avec le Courant patriotique libre (CPL). On l’aura compris : c’est la loi électorale et ses technicités qui avaient largement dicté la nature des alliances lors de la dernière consultation électorale. Prévu par la nouvelle loi adoptée en 2018, le coefficient électoral est obtenu en divisant le nombre total de suffrages exprimés dans la circonscription par le nombre de sièges qu’elle comprend. Afin de ratisser le plus large possible, le CPL avait fait preuve d’une grande élasticité dans ses alliances, s’unissant au Parti syrien national social (PSNS) dans le Metn, au Hezbollah à Beyrouth II, au Futur dans la partie chrétienne du Liban-Nord, à Beyrouth I et dans la Békaa, sans compter les indépendants qu’il a su rallier, comme Nehmat Frem dans le Kesrouan ou Michel Mouawad au Liban-Nord. Bref, tout un réseau d’alliances concoctées en vue de tirer un maximum de profit d’une loi électorale élaborée à la juste mesure des partis traditionnels.
« Chacun pour soi et Dieu pour tous »
Mais en quatre ans, le contexte politique a nettement changé. L’éclatement de certaines alliances, la résurgence de la polarisation et l’entrée en jeu de nouveaux acteurs pourraient redistribuer les cartes. « Pour le moment, c’est chacun pour soi et Dieu pour tous. » C’est par cette expression que Saïd Sanadiki, expert électoral, résume la situation qui prévaut sur la scène politique locale, ballottée entre les besoins de préserver les acquis et la nécessité de s’adapter aux nouvelles mutations.
Le soulèvement du 17 octobre, l’effondrement économique et financier, la tragédie de la double explosion au port le 4 août 2020 et plus récemment les violences à Tayouné le 14 octobre dernier ont contribué à changer la donne. Certaines alliances ont complètement disparu, à l’image de celle qui unissait dans plusieurs régions le CPL au courant du Futur. Par ailleurs, une forme de polarisation autour de la question du Hezbollah s’est recréée, sans pour autant qu’elle donne nécessairement lieu à un remake des élections de 2009, les plus polarisées de l’histoire récente du Liban.
À quelques mois des élections, de nombreuses inconnues demeurent, à commencer par la date de leur tenue. Les législatives doivent normalement se tenir le 27 mars prochain, mais le président de la République Michel Aoun a d’ores et déjà prévenu qu’il ne signerait pas le décret convoquant le collège électoral si le scrutin ne se tenait pas au mois de mai.
Autre inconnue majeure, la participation ou non du chef du courant du Futur Saad Hariri, dont la formation est centrale dans plusieurs alliances. « Un éventuel retrait du courant du Futur laisserait planer le doute sur la configuration des alliances et rapports de force, notamment dans les circonscriptions du Liban-Nord, à Tripoli et au Akkar, par exemple, où les enjeux restent très flous à ce jour », commente un analyste qui suit de près le dossier électoral. Le chef druze Walid Joumblatt a dit récemment à L’Orient-Le jour qu’il souhaitait s’allier avec le courant du Futur. Dans certaines circonscriptions, comme celles du Mont-Liban IV (Chouf et Aley) et Baabda, l’alliance entre le Parti socialiste progressiste et le Futur devrait normalement impliquer aussi les Forces libanaises comme en 2018. Mais si Saad Hariri se tient à l’écart des élections, cela peut faire bouger les lignes, d’autant que l’on ne sait pas encore à quoi ressemblerait le courant du Futur dans ce cas-là.
Condamnés à s’entendre
Les Forces libanaises, qui ont essayé de tendre la main aux parties issues de la société civile, jusqu’ici sans succès, vont-elles jouer à nouveau le jeu des vieilles alliances ?
« Les FL auront un problème majeur : celui de faire le grand écart entre les alliances traditionnelles, dont elles ne peuvent se départir car elles leur sont vitales, et leur rapprochement avec l’opposition. Cette schizophrénie ne va pas convaincre les jeunes », analyse un ancien responsable du parti. L’alliance entre le CPL et le Hezbollah devrait elle aussi se maintenir, malgré les différends entre les deux partis. Depuis les explosions au port, les deux partenaires ne sont plus sur la même longueur d’onde. Alors que le CPL ne peut que soutenir le juge d’instruction chargé de l’affaire Tarek Bitar de peur de susciter le courroux de l’opinion publique chrétienne, le Hezbollah œuvre d’arrache-pied à l’écarter de l’affaire. Une prise de position qui met les deux partenaires en porte-à-faux par rapport à toute éventuelle alliance électorale. Mais « le Hezbollah et le CPL ne peuvent se passer l’un de l’autre. Ils sont condamnés à s’entendre », affirme l’expert Assem Chaya.
Cette fois-ci, une entente implicite pourrait être concoctée sous la table dans certaines circonscriptions sensibles pour ne pas embarrasser la base populaire chrétienne aouniste très remontée contre le parti chiite.
Un problème devrait toutefois se poser dans des circonscriptions où le Hezbollah aura à choisir entre son allié de tout temps, Amal, et son partenaire aouniste qui, compte tenu de leurs relations, refuseront de s’allier. Cela devrait être le cas notamment dans à de Saïda-Jezzine ou encore au Liban-Sud III (Marjeyoun, Hasbaya, Bint Jbeil, Nabatiyé), et peut-être même à Beyrouth II. De là à imaginer un scénario où Amal se présenterait en alliance avec le courant du Futur et le PSP contre le duo Hezbollah-CPL ? Le tandem chiite évitera toute forme de division au sein de la communauté : « Le Hezbollah ne nommera pas un candidat chiite contre celui d’Amal », avait assuré un cadre du parti à L’OLJ il y a quelques semaines.
Dernière inconnue et non des moindres : les partis se revendiquant de la thaoura se présenteront-ils en rangs dispersés ? S’ils sont tous d’accord pour exclure toute forme d’alliance avec les partis traditionnels, ils ne parviennent pas pour le moment à s’entendre entre eux. En cause notamment : la question de l’intégration des Kataëb et de certains ex-députés. Ainsi, dans plusieurs circonscriptions, plusieurs listes d’opposition pourraient s’affronter.
Qui va s’allier avec qui en vue des prochaines législatives ? C’est la question à un million de dollars que se posent les experts pour tenter de saisir la dynamique qui commence à se mettre en place dans la perspective du prochain scrutin. En 2018, des ententes parfois surprenantes s’étaient tissées entre les parties, dans l’objectif d’atteindre le coefficient électoral. On avait...
commentaires (7)
Qu'est ce que c'est compliqué la politique la dans notre si cher et beau Liban. Apparemment, même la thaoura seul espoir qui nous reste, est divisée. Ces législatives dont la date n'est pas clairement fixée vont servir à quoi? A toujours servir les anciens et mêmes barons? Les alliances se font et se défont en fonction des intérêts de chacun. En attendant le peuple meurtris, et qui attend une petite lueur d'espoir, continue de souffrir face à des barons insatiable. A côté de la crise économique et sociale, on oublie complètement nos femmes qui ne peuvent même pas donner la nationalité à leur enfant. Et que direde nos sœurs et frères chrétiens qui n'ont pas le droit au divorce? Ou encore de nos sœurs et frères musulmans qui n'ont nullement le droit d'adopter un enfant. Bref la liste n'en finit pas... je pense que une vrai laïcité pourrait peut-être améliorer la situation et nous unir afin de construire un Liban stable, indépendant et fort.
Abd Ali Joseph
21 h 39, le 26 novembre 2021