C’est la première fois depuis le début du conflit syrien en 2011 qu’Israël cible le port de Lattaquié dans l’ouest de la Syrie, principal port commercial du pays disposant du plus grand nombre de conteneurs. Hier, une source militaire syrienne citée par l’agence de presse officielle du pays SANA a en effet annoncé que « vers 01h23 (mardi), l’ennemi israélien a effectué un raid aérien avec plusieurs missiles visant le parc à conteneurs du port commercial de Lattaquié ». Selon l’Observatoire syrien des droits de l’homme, ces missiles ont atteint « directement une cargaison d’armes iraniennes », et entraîné « de violentes explosions et des dégâts matériels conséquents, sans faire de victimes », alors que SANA a indiqué que la défense antiaérienne syrienne a été activée. Particulièrement important pour la Syrie, c’est depuis ce port que sont acheminées une grande partie des importations vers le pays ravagé par plus de dix ans de guerre. L’agence syrienne a également dévoilé des photos et vidéos de plusieurs conteneurs commerciaux en feu, que les pompiers sont parvenus à éteindre, selon les propos rapportés du gouverneur de Lattaquié.
Cette attaque survient dans un contexte de recrudescence des frappes israéliennes en Syrie au cours des dernières semaines. Le 24 novembre dernier, l’armée syrienne avait déclaré que des avions de combat israéliens avaient attaqué plusieurs de ses positions situées dans l’ouest de la province de Homs, tuant trois militaires et deux miliciens syriens affiliés au Hezbollah. Le mois précédent, cinq combattants pro-iraniens avaient été tués lors d’un raid mené par l’État hébreu près de la capitale syrienne, après la mort de neuf autres miliciens également affiliés à l’Iran à la suite d’une frappe israélienne lancée près de la base aérienne T4 située à l’est de Palmyre.
« Les Israéliens ont clairement indiqué qu’ils ne toléreraient pas que l’Iran utilise la Syrie pour transporter des systèmes d’armes avancés destinés au Hezbollah ou comme terrain de préparation d’une guerre contre Israël, observe Nicholas Heras, expert du Newlines Institute à Washington. Téhéran utilise plusieurs endroits en Syrie pour transporter des armes à destination Hezbollah, bien que le port de Lattaquié soit un endroit inhabituel car la route la plus rapide passe par la région de Damas ».
Comme à leur habitude, les autorités israéliennes n’ont pas confirmé avoir mené l’attaque d’hier, même si elles assurent régulièrement qu’elles ne laisseront pas la Syrie devenir une tête de pont de la République islamique. Sans surprise, le Premier ministre israélien Naftali Bennett a en outre continué hier de défendre les attaques menées par Israël contre ses ennemis. « Nous repoussons les forces du mal de cette région, jour et nuit. Nous ne nous arrêterons pas une seconde. Cela se produit presque quotidiennement. Face aux forces destructrices, nous continuerons d’agir, nous persévérons et nous ne nous lasserons pas », a-t-il déclaré lors d’une réunion à Jérusalem avec les dirigeants chypriote et grec.
Augmenter la pression
La dernière opération militaire d’Israël en Syrie intervient par ailleurs au moment où les agences iraniennes ont indiqué que les pourparlers indirects entre Washington et Téhéran sur le nucléaire devraient reprendre demain à Vienne. Ceux-ci avaient été interrompus à la fin de la semaine dernière, les Occidentaux ayant exprimé leur déception et leur pessimisme face aux exigences des négociateurs iraniens. En marge de ses tractations diplomatiques pour convaincre les parties concernées de ne pas raviver l’accord de 2015, l’État hébreu augmente donc « la pression militaire sur l’Iran en Syrie pour rappeler à Téhéran qu’Israël ne dépend pas de l’accord sur le nucléaire pour protéger sa sécurité (nationale) », observe Nicholas Heras. Pour Israël, il s’agit également de riposter face à « une augmentation similaire des activités iraniennes et des efforts de contrebande d’armes en Syrie et au Liban », fait remarquer pour sa part Michael Horowitz, spécialiste du Moyen-Orient à LeBeck International.
La récente attaque menée par l’État hébreu n’est cependant pas moins risquée, alors que la base aérienne russe de Hmeimim se trouve à près de 25 km du port de Lattaquié. Moscou dispose également d’une installation navale à Tartous, la seule en dehors du territoire de l’ancienne Union soviétique, située à près d’une heure de route du port de Lattaquié. Revêtant un caractère stratégique, ces installations confèrent à la Russie un accès privilégié au Moyen-Orient et à la Méditerranée. « Le fait qu’Israël ait frappé Lattaquié suggère soit que la cible était considérée comme hautement prioritaire, soit que Moscou a accepté de fermer les yeux sur ces frappes, ou les deux », estime Michael Horowitz. Pour le chercheur, après ces raids inédits, le risque d’escalade n’est pas à exclure. « La réponse de l’Iran et de la Syrie aux frappes aériennes israéliennes a généralement été discrète, résume t-il. Cependant, plus récemment, il y a eu des signes que l’Iran cherchait une réponse plus énergique aux frappes aériennes israéliennes, y compris des informations selon lesquelles une attaque contre la garnison al-Tanf contrôlée par les États-Unis dans le sud de la Syrie avait été déclenchée par une précédente frappe israélienne ». Déjà en août dernier, une nouvelle escalade dans la guerre maritime qui se joue discrètement entre l’Iran et Israël avait fait réagir les États-Unis et le Royaume-Uni. Ces derniers avaient accusé Téhéran d’être derrière l’attaque en mer d’Oman d’un pétrolier géré par un milliardaire israélien et ayant coûté la vie à deux personnes. « Israël avait l’habitude de mener des attaques plus directement contre les navires iraniens, mais, récemment, les navires iraniens ont commencé à emprunter une route différente, plus loin d’Israël, poursuit Michael Horowitz. Les attaques navales ont également été considérées comme plus “dangereuses” car elles ont conduit à une réponse iranienne en mer, où Israël a plus de difficultés à protéger ses intérêts. »
J’aime bien Poutine qui ferme les yeux . Ha ha ha
18 h 08, le 08 décembre 2021