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Moyen-Orient - Éclairage

Quand Bachar el-Assad fait mine de marquer son territoire

Des médias émirati, saoudien et israélien ont fait part mercredi du renvoi de Syrie de Jawad Ghaffari, commandant des forces iraniennes... sans que la nouvelle ne soit confirmée de source sûre.

Quand Bachar el-Assad fait mine de marquer son territoire

Des soldats défilent sur la place Saadallah el-Jabri à Alep, le 21 décembre 2017, devant une affiche du président Bachar el-Assad, lors d’une cérémonie officielle marquant le premier anniversaire de la reconquête de la ville après plusieurs mois de siège. George Ourfalian/AFP

C’est une drôle de nouvelle qui a surgi mercredi du Golfe. Le président syrien Bachar el-Assad aurait décidé de renvoyer le commandant des forces iraniennes, Jawad Ghaffari, apprend-on d’une source prosyrienne citée par le média saoudien al-Hadath, et reprise par la chaîne al-Arabiya et le Jerusalem Post. Allant jusqu’à évoquer « une violation de la souveraineté syrienne », le palais présidentiel aurait été froissé par l’attitude du commandant, accusé de prendre part à des trafics illégaux, une pratique pourtant courante, notamment au sein de l’armée syrienne. Le régime reprocherait également aux Iraniens d’avoir exploité à leur propre avantage les ressources naturelles et économiques du pays. Dans le même temps, plusieurs sources, dont al-Hadath, évoquent des désaccords militaires entre l’état-major syrien et l’émissaire de la République islamique : ce dernier aurait notamment pris des décisions opérationnelles sans l’accord de Damas.

La démarche, qui vise à présenter le renvoi de Ghaffari comme un coup porté à la présence iranienne en Syrie, offre à voir un Bachar el-Assad maître de son royaume. Mais pour qui suit de près ou de loin l’évolution du dossier syrien, les « informations » de mercredi ont évidemment de quoi faire sourire. D’abord parce que, au-delà de quelques points de frictions, l’Iran est très loin de perdre du terrain dans le pays. Bien au contraire, la République islamique a travaillé au cours des dernières années à pérenniser sa présence en territoire syrien. L’intensification des frappes israéliennes sur des positions iraniennes au cours des dernières semaines, avec l’aval tacite des Russes, a certes entraîné des pertes non négligeables qui ont mis mal à l’aise le régime de Damas. Mais malgré les quelques pressions russes et syriennes, les données fondamentales n’ont pas changé. La présence de Téhéran et de ses auxiliaires s’est consolidée au fil des années de manière à « créer un ancrage communautaire et à s’implanter localement, rendant aujourd’hui très difficile le fait d’extraire la République islamique de Syrie », souligne Navvar Saban, chercheur et expert militaire au Omran Center.

Surtout, le régime n’a pas le pouvoir décisionnel que ces annonces semblent lui imputer. « Bachar el-Assad n’est pas dans une position de renvoyer un commandant iranien. Il n’a aucune autorité pour cela ; même s’il voulait ne serait-ce que déplacer certaines milices iraniennes, il s’agirait d’un processus très long… » poursuit l’expert. Depuis 2015, les reconquêtes territoriales des forces loyalistes face aux rebelles ont été rendues possibles grâce aux soutiens militaires iranien et russe qui ont rendu le régime largement dépendant de ses parrains étrangers.

Mettre en scène « l’indépendance »

Les informations le concernant sont éparses, mais Jawad Ghaffari lui-même est une illustration du rôle iranien dans le pays. « Il a laissé ses traces tout au long du conflit en Syrie, surtout à Alep, depuis 2016. Il s’agit d’une personnalité importante pour Assad, qui ne peut être balayée aussi facilement », avance Navvar Saban. C’est « une personnalité militaire et religieuse, proche politiquement de la Brigade Baqir (groupe armé syrien prorégime, NDLR) », poursuit Omar Abou Layla, fondateur du site Deirezzor24. Le reste est plus flou : tandis que certains estiment son influence limitée à la région de Deir ez-Zor, d’autres rappellent sa place centrale au sein du corps des gardiens de la révolution islamique (CGRI). « On parlait beaucoup de lui dans le sillage du meurtre de Kassem Soleimani (commandant en chef de l’unité d’élite al-Qods au sein des CGRI, assassiné en Irak en janvier 2020 par une frappe américaine, NDLR). Il était alors considéré comme l’une des figures des CGRI, en charge des opérations en Syrie », rappelle Ruslan Trad, analyste et cofondateur du De Re Militari, un journal basé en Bulgarie.

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Compte tenu de la réalité du terrain syrien, les experts estiment que l’information diffusée cette semaine aurait donc été fabriquée – au moins en partie – à des fins politiques. « Il est fort possible que le régime ait fait fuiter la nouvelle afin d’induire en erreur, à un moment où Assad essaie de se positionner en tant qu’acteur régional », fait remarquer quant à lui Ruslan Trad. Pour ce dernier, l’annonce aurait surtout l’intérêt de mettre en scène « l’indépendance » de Damas vis-à-vis de Téhéran, « émettant ainsi un signal en direction du Golfe, d’Israël et de la Russie qu’il est un partenaire fiable ».

Mais bien que fabriquée, cette « fake news » pourrait comporter une part de vrai. Certains observateurs notent que Ghaffari aurait effectivement quitté la Syrie ou serait sur le point de partir, mais pour des raisons qui n’ont rien à voir avec le régime de Damas. « Ghaffari a 70 ans : il a été mis à la retraite, mais la décision a été prise il y a une quinzaine de jours, bien avant les rumeurs d’éviction… » signale par exemple Omar Abou Layla. D’autres évoquent une possible « rotation, un nouveau poste ou bien encore une sanction individuelle à son encontre », poursuit Navvar Saban.

Au-delà des polémiques passagères, la séquence a surtout le mérite de jeter un coup de projecteur sur les dynamiques régionales à l’œuvre et les évolutions en cours. Alors que le régime de Damas cherche à normaliser ses relations avec son environnement arabe, Bachar el-Assad pourrait avoir coordonné cette opération marketing afin de gagner des points. « Les Syriens utilisent les médias afin de montrer que le régime est en contrôle, qu’il se tourne davantage vers son environnement arabe qu’iranien, forgeant ce narratif visant à réintégrer la Ligue arabe, ce qui plaît aussi aux Israéliens qui peuvent ainsi dire que le régime syrien, avec l’aide des Émiratis, est en bonne voie », note Ayman Abdel Nour, rédacteur en chef du magazine en ligne All4Syria. D’autant que la séquence, qui intervient au lendemain de la visite à Damas d’une délégation émiratie menée par le cheikh Abdallah ben Zayed al-Nahyane, sert aussi la stratégie des pays du Golfe qui souhaiteraient éloigner le régime Assad de l’influence iranienne.

« Dans ce sens, il est possible que la nouvelle fasse partie d’une sorte d’offensive hybride à l’encontre de l’influence iranienne en Syrie, un moyen de semer la confusion », conclut Ruslan Trad.

C’est une drôle de nouvelle qui a surgi mercredi du Golfe. Le président syrien Bachar el-Assad aurait décidé de renvoyer le commandant des forces iraniennes, Jawad Ghaffari, apprend-on d’une source prosyrienne citée par le média saoudien al-Hadath, et reprise par la chaîne al-Arabiya et le Jerusalem Post. Allant jusqu’à évoquer « une violation de la souveraineté...

commentaires (2)

Quand un prédateur se plaint d’un viol « de souveraineté nationale « on imagine très difficilement quelqu’un d’autre que le boucher de Damas derrière cette plainte . Ce slogan lui sied parfaitement !

Wow

14 h 20, le 18 novembre 2021

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Commentaires (2)

  • Quand un prédateur se plaint d’un viol « de souveraineté nationale « on imagine très difficilement quelqu’un d’autre que le boucher de Damas derrière cette plainte . Ce slogan lui sied parfaitement !

    Wow

    14 h 20, le 18 novembre 2021

  • Tic…Tac…Tic…Tac Le compte à rebours a commencé…. Iran vs russie qui se disputeront les projets de reconstruction à venir…l’iran ne pourra pas faire face aux russes, arabes et d’autres intervenants régionaux….Au liban, le Hezbollah ne pourra pas compter sur Berri et sûrement pas sur la base CPL qui est désormais , pour la majorité, unie avec ses adversaires FL , kataeb, PNL et non partisans, face à « l’invasion  agressive » contre LE symbole de la mémoire collective de la communauté libanaise dont la chrétienne « Ain el remmaneh »

    LE FRANCOPHONE

    01 h 50, le 13 novembre 2021

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